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Diviseuses-formeuses : de l’hyper-spécialisation à l’ultra-polyvalence

Lancée sur le marché avec une méthode de pointage retardé relativement codifiée et un ensemble d’équipements bien spécifiques, la formeuse s’est émancipée de ce carcan technique pour s’ouvrir à toutes les pâtes et à tous les process.

La formeuse a été inventée en 2006, concomitamment par Bongard (avec Paneotrad) et par Staf-BCR (avec Panova) accompagnés sur la panification par Franck Debieu, boulanger à Meudon ([Hauts-de-Seine] L’Étoile du Berger). Ce dernier avait en effet imaginé une méthode innovante permettant aux artisans de se libérer du travail des pâtes pour gagner en qualité de vie.

Le concept d’origine incluait plusieurs équipements : la formeuse Panova de Staf, l’armoire de fermentation Panova de BCR et le fermenteur Prolevain de BCR. Après un lancement difficile (qui s’est soldé par un échec commercial pour Panova), ce process a finalement gagné en popularité dans les années 2010, avec l’arrivée de marques concurrentes. La formeuse automatique Paneotrad, mieux protégée, est restée de son côté une machine à part, sans concurrence.

Les diviseuses-formeuses actuelles ne font pas forcément toutes du formage au vrai sens du terme (photo : Divitrad Compact de Bertrand Puma). (© A. TANDEAU)

Innovation de rupture

Le formage permet de s’affranchir des étapes mécaniques (qui stressent la pâte) et des phases de repos requises pour la détendre à nouveau. Division, boulage, détente, façonnage et apprêt sont ainsi effectués en une seule étape par la formeuse, une machine qui ressemble à s’y méprendre à une diviseuse, bien que la découpe s’y opère de manière très différente.

En effet, avec une diviseuse, les couteaux montent à travers un plateau pour trancher la pâte de part en part, alors qu’avec une formeuse, c’est un plateau qui monte pour pousser la pâte à travers une grille fixe munie de lames profilées en plastique dur. L’opération forme des pâtons non dégazés aux bords suturés (pincés), qui se détachent facilement et qui ont le gros avantage de pouvoir être enfournés sans attendre.

Parallèlement au formage, la “division par grilles” est venue étendre les possibilités de découpe des diviseuses et des formeuses. Dans ce système hybride, le plateau vient pousser la pâte à travers une grille fixe munie de lames métalliques tranchantes. Si les formeuses strictes ont été délaissées (sauf Paneotrad, qui a perduré, et même évolué avec Paneotrad Evo), les diviseuses-formeuses ont connu un grand succès et ont clairement révolutionné la vie au fournil.

Un florilège d’avantages

Très prisées des boulangeries à gros débit ou ayant une forte activité snacking, les diviseuses-formeuses ont de nombreuses vertus pour soutenir le développement et la rentabilité de l’entreprise. Elles permettent d’offrir à la clientèle des baguettes chaudes toute la journée et de répondre rapidement à la demande du magasin, minimisant ainsi les pertes de pâtes et les invendus de pains. Elles allègent le coût de la main-d’œuvre et facilitent le lancement de cuissons d’appoint par l’équipe de vente. Elles libèrent le fournil des équipements encombrants (diviseuse, balancelle, façonneuse), dégageant de la surface pour la production. Elles réduisent les troubles musculo-squelettiques et limitent l’empoussièrement. Bref, ces process modernisent le travail en boulangerie, améliorent la qualité de vie et amènent l’artisan, in fine, à accroître son chiffre d’affaires.

Les machines ont gagné en polyvalence et en confort de travail (photo : Paniform de Jac). (© A. TANDEAU)

Toujours plus vite

Cependant, avec le procédé de panification conseillé (une variante du pointage retardé), il n’est pas rare d’obtenir des pains à la croûte poreuse et épaisse ; qui manquent de brillance, de croustillance et de conservation. Les baguettes de tradition vendues chaudes sont, certes, attractives en magasin, mais déçoivent une fois de retour à la maison.

Avec un tel risque sur ce produit d’appel, il est impératif de poser quelques garde-fous car l’artisan insuffisamment formé à cet outil a tendance à conserver ses habitudes de travail, sans forcément se rendre compte des conséquences.

Panova recommandait en son temps du levain (liquide ou pâteux), un pétrissage en vitesse lente, avec une autolyse et un premier pointage en cuve avant que les bacs ne partent en fermentation pour un pointage en masse à 2-3 °C, sur vingt-quatre heures minimum. Avec ces précautions, garantes d’une bonne qualité, il est possible de diviser les bacs sitôt sortis du froid et d’enfourner sans apprêt (l’objectif premier était d’obtenir dix baguettes cuites en vingt-cinq minutes).

Libérés, délivrés

Pour positionner la Tradition française sur une qualité haut de gamme, certains artisans se sont affranchis de la méthode initiale, accompagnés par leurs meuniers et des constructeurs (comme Bertrand-Puma, Mérand ou Bongard). Sont arrivés alors des ferments plus qualitatifs (levain liquide ou pâteux, pâte fermentée, levure tradition type L’Hirondelle 1895, etc.) et diverses optimisations (longue autolyse, premier pointage en cuve ou en bacs à température ambiante, pointage en bacs à température un peu plus élevée [4-5 °C], apprêt rallongé, par exemple).

Après avoir ouvert le champ des possibles en proposant des machines capables de faire de la division classique (en cuve), de la division par grille et du formage, la plupart des fabricants ont ajouté à leurs machines un régulateur de pression afin d’adapter le système à toutes les textures de pâte (peu ou très fermentée, ferme ou douce, forte ou faible, etc.). Désormais compatible avec toutes les méthodes (direct, pousse lente, pousse contrôlée, Respectus Panis, par exemple) et toutes les farines, la diviseuse-formeuse est devenue une machine ultra-polyvalente, productive et créative, bien ancrée dans son temps.

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