Dans le cœur historique de Chambéry, la pâtisserie Ernest est, comme l’a voulu son fondateur, « un endroit où il y a toujours un flux de clients ». Ouverte de 8 h à 18 h 30, elle connaît trois pics d’affluence quotidiens : peu avant 9 h pour un café ou petit-déjeuner (formule avec croissant ou pain au chocolat accompagné d’un café et d’un jus de fruit local), à midi pour une restauration sur le pouce (formule plat et boisson), et à l’heure du goûter. « On a une clientèle d’habitués qu’on connaît par cœur », sourit Étienne Robert.
Le labo, même optimisé, tarde de s’agrandir. B. Lafeuille
Le local, une ancienne boulangerie, présente le « charme de l’ancien ». Et ses inconvénients : de petites pièces séparées par de nombreux seuils, certaines (pour le vestiaire, le matériel de la terrasse, les congélateurs…) se trouvant même de l’autre côté d’une traboule. Le labo a été optimisé mais « au bout de cinq ou six ans, on est vraiment à l’étroit, souligne le maître des lieux. Certains jours où on accueille des stagiaires, je ne descends plus au labo car je gêne. » Les moindres recoins ont été optimisés pour stocker matériel et marchandises. « Et comme le manque de place rend impossible une “marche avant” dans l’espace, on a aménagé une marche avant dans le temps. Chaque demi-journée est dédiée à un type de fabrication, pour éviter les croisements. »
En boutique, la gamme est courte mais comporte des gâteaux très différents les uns des autres. B. Lafeuille
L’espace de vente, limité également, propose 12 places en intérieur, auxquelles s’ajoutent 30 places en terrasse. La contrainte d’espace se transforme en atout quand l’ambiance intime et chaleureuse invite à s’installer le temps d’un café ou d’un goûter.
Changement d’orientation
Au départ, la pâtisserie ne devait pourtant être qu’un complément de formation pour Étienne Robert, qui se voyait cuisinier dans un restaurant étoilé. Après un BTS, il se rode à la pâtisserie pendant cinq ans auprès de grandes maisons parisiennes (Ritz, Plaza Athénée…) puis en boutique (Des Gâteaux et du Pain, à Paris).
Viennoiseries et pâtisseries se côtoient dans une offre courte et changeante. B. Lafeuille
Au fil du temps, l’évidence s’impose : il préfère être son propre patron et décider de ses horaires de travail. Devenu pâtissier sans renier sa vocation de cuisinier, il revient sur ses terres et ouvre Ernest en 2016. « Ce n’est pas un restaurant, mais on vient y manger sur le pouce. Tout est fait maison avec des produits bruts, de saison et si possible locaux. » Et il ne plaisante pas avec le café : ses vendeurs suivent une demi-journée de formation de barista.
L’offre sucrée compte une douzaine de gâteaux, complétée par des viennoiseries et cakes à la coupe. Pour la pâtisserie, « la gamme est courte mais diversifiée : on ne retrouve pas deux fois le même crémeux ni le même biscuit. En revanche, je travaille un fruit sous différentes formes. »
La vitrine donne à voir un camaïeu de couleurs renouvelées. B. Lafeuille
En novembre, un figuier côtoyait ainsi une tarte figues-framboises, créant une ambiance végétale.
La vitrine fait la part belle aux fruits de saison et comporte toujours au moins deux recettes chocolatées, davantage en hiver. « Les gens sont friands de changements, observe le pâtissier. Alors on a intégré récemment une nouveauté par semaine. On la met en avant sur les réseaux sociaux et le premier jour, tout part avant midi. Il faut une semaine de travail pour arriver à tenir la journée. Cela crée une frustration positive chez le client : s’il n’y en a plus, il se laisse tenter par autre chose. » Ce rythme est toutefois éprouvant car « créer une recette prend du temps et il faut systématiquement mettre à jour le site internet… Une fois qu’elles sont validées, autant garder les créations un moment. » Certains gâteaux reviennent régulièrement, comme la tarte au tiramisu, devenue une signature. « Autrement, le best-seller est souvent le dessert le plus coloré », constate le pâtissier, qui veille à rendre visible un camaïeu de couleurs en vitrine. Pour autant, les colorants et « décors inutiles » sont bannis. « Je ne vais pas mettre de chocolat noir sur un gâteau aux pommes : je veux qu’on sache ce qu’on va manger en voyant le dessert. »
« Il suffit de deux offres qui changent chaque semaine pour satisfaire les clients et rationaliser la fabrication.» B. Lafeuille
Parti pris de choix limité
Côté salé, les clients n’ont que deux options : un croque (pain de mie maison, jambon à l’ancienne et fromage local) agrémenté de champignons cuits sur place, de pousses d’épinards… ou une salade-repas protéinée (avec légumes et féculents). « Avant, je proposais trois choix mais cela demande beaucoup plus de travail, témoigne Étienne Robert. Il suffit de deux offres très différentes qui changent chaque semaine. Cela permet de rationaliser la fabrication et de mieux estimer les quantités afin de ne rien gâcher. » L’hiver, une soupe est proposée : carotte-cumin-cerfeuil, panais-châtaigne-noisette, lentille et crème fouettée façon cappuccino…
À l’exception du miel, tout est fait maison, y compris les glaces en été (crèmes glacées au lait bio et sorbets contenant 60 % de fruits) et les compléments de gammes (confitures, pâtes à tartiner, granola…). Ces derniers ne représentent que 3 % du chiffre d’affaires, mais « ce sont des ventes supplémentaires à fortes marges », indique le pâtissier. Les confitures permettent aussi de valoriser les fruits restants en fin de saison, dans un produit qui se conserve. Et qui fait plaisir aux clients.
Repères
> Équipe : 8 employés à temps plein et des contrats étudiants pour la vente le week-end
> Surface : labo (40-50 m², plus les réserves des traboules), boutique (30-40 m²) et terrasse (40-50 m²)
> Ticket moyen : 11 €
> Chiffre d’affaires (avant Covid) : 50 % sur place, 50 % à emporter
> Répartition : 50 % en pâtisserie, 15 % en viennoiseries, 35 % en épicerie, restauration salée, boissons
La terrasse peut accueillir 30 couverts. Par beau temps, elle est prise d’assaut par les clients pour la dégustation de cafés et de glaces maison. B. Lafeuille