Avec des conditions météorologiques revenues à une certaine normalité (malgré une fin de cycle chahutée par un épisode caniculaire sur l’ensemble du territoire), la production nationale de blé tendre est plutôt bonne, tant en termes de qualité que de quantité (lire encadré), si l’on en croit FranceAgriMer et Arvalis qui ont communiqué leurs résultats à la presse à l’issue d’un conseil spécialisé mi-septembre*.
Le taux de protéines moyen atteint les 11,3 %, ce qui est dans la moyenne haute des cinq dernières années. Ce chiffre reste d’autant plus satisfaisant que 69 % des blés présentent un taux supérieur à 11 %, ce qui les autorise à être classés supérieurs (+ de 11 %) ou premium (+ de 11,5 %), selon la grille d’Intercéréales. Le poids spécifique moyen est, pour sa part, excellent. Il atteint 78,6 kilos/hectolitre (kg/hl), avec 94 % de la récolte qui dépasse les 76 kg/hl (seuil d’entrée en classe supérieur).
Au vu des fortes chaleurs au moment des moissons, la teneur en eau des grains est logiquement basse, avec 12,6 %, ce qui est positif : des grains bien secs garantissant de bonnes conditions de conservation en silos et une bonne qualité sanitaire des farines. Les temps de chute de Hagberg sont aussi très élevés, avec 98 % de la collecte située au-dessus de 250 secondes (classe premium), ce qui indique l’absence de blés germés, pourvoyeurs d’amylases. La force boulangère (W) est assez élevée également (178), ainsi que la note de panification (254 points sur 300), sachant qu’au-delà de 170 (pour la force boulangère) et de 250 (pour la note de panification), le lot est considéré comme “très bon” pour la boulangerie.
En définitive, si l’on tient compte de tous les critères, 64 % de la récolte en sortie de champ (sans aucun travail sur le grain) est susceptible d’être classée supérieure ou premium. La meunerie a de quoi se réjouir : elle devrait avoir à sa disposition une bonne matière première pour satisfaire tous ses marchés.
L’amont agricole en situation critique
Mais la situation économique de la filière amont demeure encore et toujours tendue, et ce, pour la troisième année consécutive, comme l’explique Benoît Piétrement, président d’Intercéréales et du conseil spécialisé grandes cultures de FranceAgriMer.
« Pour les producteurs, les prix ne sont pas là. L’année dernière, nous avons eu une météo difficile, avec des revenus qui n’étaient pas au rendez-vous, faute de rendement. Là, on se retrouve avec une belle année en termes de production, mais avec des revenus négatifs. Le marché, qui est passé depuis longtemps en dessous des 200 euros la tonne, est tombé sous les 190 euros à la mi-septembre, rappelle-t-il. Pour les producteurs, on sera sans doute plutôt autour de 160 euros : c’est-à-dire qu’il manque 60 à 70 euros pour couvrir les coûts de revient. Il y a quelques années, ce prix nous aurait satisfaits. Mais avec l’augmentation des charges — principalement celle du prix des engrais, qui restent très chers —, la situation est extrêmement délicate. Nous avons déjà des agriculteurs qui s’adressent à leur organisme stockeur pour demander des avances de trésorerie afin de payer les semences pour l’automne ainsi que les engrais et les phytos… Même si nous sommes encore au début de la campagne, plus nous allons avancer, plus ça risque d’être compliqué. Il y a une vraie tension et une grande inquiétude à ce sujet », souligne-t-il.

Les filières sous contrat, qui minimisent leur dépendance aux intrants (Agriculture Biologique, Culture Raisonné Contrôlée, Label Rouge, etc.) et garantissent un prix juste, indexé sur les coûts de production (Agri-Éthique, Biopartenaire, Lou Pan d’ici, par exemple) devraient, en revanche, bien s’en sortir. Et si la transition agroécologique tant attendue passait aussi par une mutation du modèle économique ?