Utiliser les surfaces agricoles, comme celles dédiées aux cultures, pour y adjoindre une production d’électricité photovoltaïque. C’est le principe de l’agrivoltaïsme, dont l’une des promesses est aussi d’apporter un complément de revenu aux agriculteurs. Cette nouvelle forme de production d’énergie renouvelable est présentée comme une piste d’avenir pour prendre le relais du secteur du “solaire au sol”, installé sur des terrains vagues ou des friches industrielles.
Les dispositifs photovoltaïques sur bâtiments sont restreints par le dimensionnement des toitures. L’agriculture occupant 54 % du territoire national, l’agrivoltaïsme représente donc une voie pour déplafonner le potentiel. Sachant que, d’ici à 2050, la France vise la multiplication par cinq de la capacité de production de la filière (23 gigawatts [GW] fin 2024), en vue d’atteindre 100 GW. Un objectif pris dans le cadre du pacte vert, qui ambitionne la neutralité carbone pour l’ensemble des pays de l’Union européenne à cette échéance.
Près de 3 000 agriculteurs concernés
La pratique se développe déjà dans l’Hexagone. Selon la Fédération française des producteurs agrivoltaïques, environ trois mille agriculteurs ont engagé un projet agrivoltaïque et un millier sont en cours d’instruction. À terme, 250 000 hectares, soit environ 0,86 % de la surface agricole utile française (29 millions d’hectares), pourraient être concernés.
Les installations actuelles sont majoritairement soutenues dans la moitié sud de la France, qui bénéficie d’un meilleur ensoleillement. Toutefois, des projets émergent également au nord de la Loire. Leur taille critique y est souvent plus importante afin de compenser la faiblesse de la luminosité dans le modèle économique. L’agrivoltaïsme se développe jusqu’ici également de façon privilégiée dans les secteurs de l’horticulture, de l’arboriculture ou de l’élevage. Cependant, il pourrait également profiter d’un terrain de jeu prometteur dans les vastes plaines de grandes cultures, ouvertes et facilement aménageables. Un démonstrateur en grandes cultures est, par exemple, exploité notamment par TotalEnergies à Channay (Côte-d’Or).
Un cadre réglementaire
La question de la création d’électricité sur les terres agricoles se heurte à la problématique de la compétition possible entre les productions alimentaire et énergétique. Depuis mars 2023, le Code de l’énergie clarifie ce point, avec une définition officielle de l’agrivoltaïsme comme étant “une installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole”.
Sur le plan agronomique, l’ombrage apporté par les panneaux peut, par exemple, être bénéfique aux cultures en cas de risque de canicule. Le système serait susceptible également de les protéger des orages ou des vents les plus intenses. Dans des secteurs du Sud de la France ainsi que dans des parcelles de terre superficielles très séchantes où l’on constate des abandons de culture, notamment de blé dur, cette piste aurait même la capacité de consolider financièrement des exploitations agricoles.
Chaque projet a d’ailleurs pour obligation de respecter les quatre grands objectifs fixés par la réglementation : l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomique, l’adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas, et l’amélioration du bien-être animal. Le caractère principalement agricole de la parcelle doit être préservé et la réversibilité être garantie.
Un bilan carbone amélioré
Alors que de nombreuses entreprises agroalimentaires prennent des engagements pour réduire leur empreinte carbone, entre autres via l’instauration de filières “bas carbone”, l’agrivoltaïsme apparaît comme un moyen d’y parvenir. Le bilan carbone de l’exploitation agricole peut en effet être significativement amélioré par la production d’une énergie décarbonée. Cependant, l’image d’artificialisation des sols et des paysages parfois véhiculée par ces projets est aussi un frein à l’initiative des filières.
Du côté même des agriculteurs, la question divise. Le syndicat la Confédération paysanne réclame ainsi un moratoire complet sur le sujet. Les Jeunes Agriculteurs, qui craignaient des difficultés de transmission des terres, se sont félicités de l’adoption fin mars 2025, en première lecture par l’Assemblée nationale, d’une proposition de loi “visant à assurer le développement raisonné et juste de l’agrivoltaïsme” ; avec notamment l’introduction de seuils maximum par exploitation de 10 mégawatts de puissance et un taux maximum d’engagement de 30 % des surfaces. Ce syndicat demande également “à ce que l’Observatoire des énergies renouvelables et de la biodiversité, censé apporter l’expertise d’un retour d’expérience précis et exhaustif, soit rapidement mis en service”.
Des tarifs de revente négatifs
L’encadrement de l’agrivoltaïsme en cours de discussion est néanmoins jugé trop restrictif par la Fédération française des producteurs agrivoltaïques. Il est selon elle “de nature à menacer la filière. […] De plus, la possibilité d’abaisser ces seuils localement pourrait générer davantage d’instabilité”.
Ce texte est examiné dans un contexte général où la volonté politique de structuration du secteur photovoltaïque dans son ensemble pose question. Sur les périodes estivales, certains moments de la journée engendrent déjà des pics de production tels que le prix de revente de l’électricité devient négatif.
Ce fait constitue cependant « un alibi en carton », tempête André Joffre, fondateur du bureau d’études spécialisé Tecsol. D’après lui, des solutions existent et se développent dans le monde entier pour stocker cette énergie intermittente et en faire une véritable énergie pilotable. Cependant, la dernière version de la programmation pluriannuelle de l’énergie n’y fait, selon lui, même pas référence.