Par le passé, le nutritionniste Christian Rémésy s’est mobilisé en faveur de l’usage de la farine T80. Il appelle aujourd’hui à une véritable révolution boulangère, et plus globalement sociétale, pour améliorer la valeur nutritionnelle du pain et rétablir ainsi sa place centrale dans l’alimentation : une condition sine qua none pour relancer sa consommation, tombée à moins de 100g par jour.
Quel est votre état des lieux ?
Christian Rémésy : Dans le courant du XXe siècle, le pain a progressivement perdu de sa valeur nutritionnelle et symbolique en se focalisant sur la baguette blanche, fabriquée avec une farine trop purifiée. Il faut sortir de cette impasse en valorisant un pain à haute valeur nutritionnelle, source de minéraux, d’acides gras essentiels, de glucides lents, de fibres.
Quels sont les leviers possibles ?
Christian Rémésy : L’amélioration de la valeur nutritionnelle du pain passe par de longues fermentations au levain, ce qui suppose de former les artisans à son utilisation, et l’introduction d’une grande biodiversité de graines (10 à 20%), le blé servant alors de matrice d’assemblage. Il est nécessaire aussi de replacer le pain au centre d’une chaîne nutriécologique, intégrant l’écologie à la nutrition et impliquant tous les acteurs et échelons de la chaîne alimentaire, jusqu’aux consommateurs. Plus de transparence et une meilleure information nutritionnelle en boulangerie participerait à éviter les dérives. J’espère juste que cela n’aboutisse pas à une offre de pains à deux vitesses, contraire à ses valeurs de partage.
Pourquoi cet intérêt pour le pain ?
Christian Rémésy : Cela vient de mes racines paysannes. Par la suite, je me suis passionné pour la panification, en tant que nutritionniste et chercheur, mais également consommateur. Sous l’impulsion des paysans-boulangers, l’offre de pain à haute valeur nutritionnelle s’est enrichie depuis dix ans et séduit de plus en plus de Français soucieux de leur santé. Je fais des tests moi-même à base de différents mélanges de graines, en lien avec des artisans pionniers. A l’avenir, je souhaiterais créer une boulangerie-pilote pour former à la fabrication de pains à haute valeur nutritionnelle.
Quel est votre meilleur souvenir de pain ?
Je mange 200 à 250 g de pain par jour et, pour moi, un « bon » pain doit rester relativement neutre pour accompagner les autres aliments. Il existe des pains très aromatiques, mais leur consommation doit rester exceptionnelle.
Des mots et des recettes
Livre manifeste en faveur d’un pain à haute valeur nutritionnelle, riche en fibres et en protéines, l’ouvrage de Christian Rémésy se veut aussi un manuel pratique à destination des boulangers. Il comprend des données sur les compositions nutritionnelles des pains et des farines, des préconisations techniques sur le choix de ses ingrédients et la panification, et enfin plusieurs recettes de pains. « Sauvons le pain », éd. Thierry Souccar, 208 pages, 17€90.