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« Maintenant, on va forcer la communication, anticipent M.Parolin-Maurette et son équipe. Il faut qu'on rentre chez les gens ! »
« Maintenant, on va forcer la communication, anticipent M.Parolin-Maurette et son équipe. Il faut qu'on rentre chez les gens ! » © Christophe Zoia

En Ariège, deux pains 100% locaux s'épanouissent

Deux pains 100% locaux sont nés ces derniers mois en Ariège. L'un, avec un label créé par la chambre d'agriculture, rassemble une quinzaine de boulangers. L'autre, porté par un artisan, arbore la marque du parc naturel régional. Dans les deux cas, mettre en place une filière a demandé une grosse dose de persévérance.

L'un est sorti des fourneaux il y a un an, l'autre il y a sept mois. Voilà peu, donc, deux pains 100% ariégeois ont fait leur apparition.

Le premier à voir le jour a été le pain Valeurs parc, développé par Mathieu Dubois, boulanger à Prat-Bonrepaux, au pied des Pyrénées. Il témoigne : « Quand, il y a 10 ans, j'ai acheté la boulangerie, la route nationale passait devant. Je savais qu'il y avait un projet de déviation de la commune, mais tout le monde disait que ça ne se ferait pas. Un an après, il y a eu les premiers coups de pelle. » Il fallait donc se différencier pour limiter la casse. Très vite, il y a sept ans déjà, il crée un pain avec du blé venu d'Ariège... mais pas d'une commune du Parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises. Pour pouvoir mettre en avant la marque Valeurs parc, qui valorise « le circuit court sans produit phytosanitaire », il se met à la recherche d'un autre agriculteur. Banco avec André Roques dont les champs se trouvent à... 500 mètres de la boulangerie ! « Je faisais des céréales, alors quand Mathieu Dubois m'en a parlé, j'ai dit “pourquoi pas...”, témoigne le céréalier. Ça permet de faire un circuit-court et le blé m'est acheté un peu plus cher. »

© Christophe Zoia - Mathieu Dubois est prêt à faire profiter de la filière qu'il a créée à d'autres boulangers, il souhaite « juste en avoir l'exclusivité dans le coin ». Le céréalier peut d'ailleurs produire davantage de blé.
© Christophe Zoia - « On se retrouve avec une farine vivante, pas traitée, qui évolue tout au long de l'année, souligne M.Dubois. Bref, on retrouve le plaisir du travail du boulanger. »
© Christophe Zoia - Mathieu Dubois, lui-même diabétique, assure : « J'ai créé ce pain pour moi aussi. Ce pain est meilleur pour la santé parce que les variétés anciennes contiennent plus de gluten mais sont plus digestes. »

Mathieu Dubois fait aussi appel à la minoterie Gouzenes dans le Gers, située à 60 km de là. « Il fallait que je trouve quelqu'un à proximité qui me bloque un silo », indique le patron de la boulangerie Aux Saveurs de Prat. La farine est un mélange de trois variétés : deux anciennes (l'apache et le rouge de Bordeaux) et une de blé meunier (le rebelde). Le tout en T65, avec « [avec] un peu de seigle pour que ce soit un pain un peu typé », détaille M.Dubois.

Restait le travail du boulanger : « La première mouture, ce n'était pas génial » , sourit-il. Tout en ajoutant : « Je trouve énormément de satisfaction à revenir à la base du métier. » À force de travail, le boulanger propose quatre sortes de pains fabriqués à l'aide de la farine ariégeoise, avec, pour presque tous, le format baguette et le format “grosse pièce”. Trois sur quatre sont au levain naturel. Depuis qu'il a mis en avant ce pain Valeur parc, le boulanger estime que la fréquentation de sa boutique a augmenté de 5 à 10 %.

Se rapprocher de la baguette tradition

Difficile, en revanche, de mesurer l'effet sur les ventes du lancement de l'autre pain 100% local. Il faut dire que le pain Nòu, du nom de la marque portée notamment par la chambre d'agriculture d'Ariège, a été lancé en septembre. En quelques mois, il a connu un bel essor : dix-sept boulangers et deux pizzerias du département utilisent cette farine locale ; avec une projection de production à 100 tonnes de farine sur une année pleine. Là, le concept est plus strict sur le local : non seulement le blé (en culture raisonnée) et les boulangers sont Ariégeois mais la minoterie l'est aussi. Il s'agit des Moulins Pyrénéens, à Saverdun. Le fait qu'ils appartiennent à Arterris, grosse coopérative locale, a fait grincer quelques dents, mais la volonté était claire : faire du 100% ariégeois.

© Christophe Zoia - Le pain « Nòu » a pris le nom de la marque lancée notamment par la chambre d'agriculture. Ce mot signifie « 9 » en occitan, comme le numéro du département de l'Ariège.
© Christophe Zoia - La gamme ariégeoise de pains labellisés « Valeur parc » de Mathieu Dubois représente 30% de sa production. Mais son objectif est d'arriver prochainement à « au moins 50% ».
© Christophe Zoia - « Le moulin a fait aussi un effort financier, donc la farine pour le pain ''Nòu'' est moins chère que les autres quand on passe une quantité importante », se félicite Anthony Parolin-Maurette, président du syndicat des boulangers ariégeois et l'un des instigateurs du pain « Nòu ».
© Christophe Zoia - « J'avais peur qu'il y ait un problème de régularité de la farine et j'ai été finalement très agréablement surpris », souligne Anthony Parolin-Maurette.

Côté pain, « on a fait le choix de faire une baguette et un pavé pas gros pour être raccord avec la consommation quotidienne des gens », renseigne Anthony Parolin-Maurette, président du syndicat des boulangers d'Ariège et boulangers-pâtissiers d'Ariège-Pyrénées et l'un des instigateurs de ce projet. Avec la volonté, aussi, de se rapprocher de la baguette de tradition française, avec de la farine T65. « L'idée, c'est d'avoir une bonne hydratation et que le client y revienne, explique Antoine Barnabé, le directeur des Moulins pyrénéens. Après, on voulait aussi quelque chose qui rentre facilement dans les boulangeries, qui soit assez facile à travailler, signale M.Parolin-Maurette. Parce que l'idée, c'est de durer. » Et, là encore, de garder et d'attirer des clients : « Il y a quatre-vingt quatre boulangeries traditionnelles aujourd'hui en Ariège contre cent quarante il y a vingt ans », compte le président du syndicat.

Pour parvenir à créer ce pain, le travail a duré « environ trois ans », témoigne M. Parolin-Maurette. De fait, les chambres consulaires sont autour de la table, de même que le centre de formation des apprentis, le syndicat des boulangers, le minotier... « Il a fallu établir la recette, se mettre d'accord avec tous les acteurs, mobiliser, tester les pains..., énumère Pauline Naudin, cheffe de projet filières de proximité à la chambre d'agriculture. L'organisation d'une filière, c'est toujours compliqué. » D'où un dernier conseil d' Anthony Parolin-Maurette à des boulangers qui voudraient lancer un pain local : « Être plusieurs... et donc être patients. »

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