Journaliste de radio passé chez Gault et Millau, Luc Dubanchet le père d’Omnivore est aujourd’hui directeur de la division Sirha Food chez GL events, entreprise spécialiste de l’événementiel. Il est en charge des salons Sirha Lyon et Sirha Europain (du 21 au 24 janvier prochain à Paris-Porte de Versailles), mais également des concours Coupe du monde de la pâtisserie et Bocuse d’or. Originaire de la région lyonnaise, sa passion pour la cuisine vient de sa culture familiale.

La Toque magazine : Comment avez-vous éduqué votre palais ?
Luc Dubanchet : La succession des déjeuners et dîners familiaux y est pour beaucoup. Et j’ai eu la chance de fréquenter des tables, très jeune, avec mes parents. Nous habitions dans la Loire, ils allaient chez Troisgros. Le dimanche matin, je me levais et aussitôt je lisais le menu roulé et signé par le chef. C’était mon petit bonheur. Bien plus tard, l’apprentissage à haute dose de la table est venu en mangeant partout, sans contraintes ni œillères. Échanger avec les chefs et goûter des plats, deux, voire trois fois par jour, m’a permis de constituer ma base de données personnelle.
LTM : Vous êtes passé à 29 ans du traitement de l’actualité chez Europe 1 au journalisme gastronomique, pourquoi ?
L.D. : Je lisais la presse gastronomique de l’époque et ne m’y retrouvais pas en tant que trentenaire. J’étais copain de bureau de Jean-Luc Petitrenaud et ami de Sébastien Demorand, critiques gastronomiques. Fatigué par le news et totalement passionné par la cuisine, je voulais écrire sur la cuisine sans platitudes ni banalités. Essayer de la narrer pour exprimer les sentiments et émotions que je ressentais enfant. J’ai fait mes armes deux ans chez Gault et Millau, en présence d’Henri Gault, le fondateur, la plume absolue.

LTM : Quels sont vos souvenirs gustatifs les plus vivaces ?
L.D. : Il est très compliqué de choisir. La rencontre de Michel Bras, à Laguiole [Aveyron, NDLR], et de son équipe, la famille Bras, fut totalement bouleversante. Cet autodidacte est l’enfant de la nouvelle cuisine. La première image de lui qui me vient : dans sa cuisine, il utilise la mandoline pour tailler des radis et des tubercules. J’y ai passé trois journées extraordinaires et, bien entendu, j’ai goûté son coulant au chocolat, unique, copié des millions de fois, jamais égalé, un dessert devenu planétaire.
LTM : Le monde de la boulangerie-pâtisserie a rendez-vous en janvier à la Porte de Versailles. Vous y rassemblez plusieurs univers professionnels, pourquoi ?
L.D. : Le salon Sirha Europain est en mutation, pluraliste, varié, ouvert. On y retrouve des équipementiers qui font un travail de R&D, des meuniers qui se reconnectent aux variétés anciennes de blé, etc. Le salon s’ouvre à la néoboulangerie. Ces boulangers, très attachés au processus cultural, font des choix sur mesure à l’échelle d’une boutique. Ces changements peuvent donner des idées de nouveaux produits, régénérer la french bakery, l’excellence française à l’internationale. Le combat de la qualité, du pain croustillant à la française, est porté autant par les artisans que par les industriels. Nos visiteurs professionnels sont exigeants. Ils viennent voir le dernier four de telle marque, assister à des conférences et croiser leurs collègues. Notre travail est de relier tous ces points.



LTM : Quelles sont les nouveautés de cette édition Sirha Europain 2024 ?
L.D. : Nous aurons au Food forum 28 débats et conférences, 80 masterclasses, et quelque 200 invités durant ces quatre jours. Ce sera pour les visiteurs la possibilité de dizaines d’interactions et d’échanges autour des grands enjeux et des mutations. On mettra en avant ceux qui font la promotion des produits les plus élaborés, intelligents et responsables. Sirha Europain s’appuie sur l’artisanat à la française, qui sert d’exemple aux chaînes et aux industriels : ce n’est pas séparé, c’est relié.
Pour la première fois, nous aurons un pôle snacking et street food, avec une scène de démonstrations et les meilleurs experts. C’est l’extension du domaine du pain et la nourriture quotidienne de dizaines de millions de Français. En zone urbaine ou rurale, la boulangerie devient un bistrot boulanger : du petit déjeuner au dîner, la clientèle s’installe pour consommer dans ce lieu de vie. La boulangerie grandit et s’étoffe quand elle sait se valoriser.

LTM : Vous préparez une surprise, pouvez-vous nous en dire plus ?
L.D. : Dans le Hall 1, pour la première fois, nous installerons deux fours à bois sur la scène boulangerie. C’est techniquement incroyable et le risque est mesuré. Le dernier jour sera consacré à la pizza. Chez GL Events, vingt personnes travaillent presque à temps plein pour Sirha Europain : trois responsables des contenus, une équipe commerciale, et une qui s’occupe de marketing et communication. J’ai la chance d’être immergé depuis plus de vingt ans dans le milieu de la bouffe – j’aime bien ce mot-là – donc j’interviens pour donner ma vision et l’orientation du salon. C’est un long processus de maturation, un peu comme une fermentation lente.