En 2022, après vingt ans passés aux États-Unis à la tête d’un restaurant puis d’une boulangerie-meunerie, Mathieu Choux a installé un moulin au cœur de la métropole lyonnaise, dans la zone d’activité de Pierre-Bénite. Sous la marque Gaston Meunier bio Lyon, il produit diverses farines semi-complètes à intégrales.
Travaillant main dans la main avec des agriculteurs situés dans un rayon de 30 km, il incarne un nouveau modèle artisanal et ultra-local, à mi-chemin entre la minoterie industrielle et la meunerie à la ferme.
La Toque magazine : Quel parcours vous a amené à la meunerie ?
Mathieu Choux : Je descends d’une famille de restaurateurs bourguignons. J’ai débuté ma carrière en ouvrant un restaurant français dans l’ouest des États-Unis en 2002. Comme je n’y trouvais pas de bon pain, j’ai fait venir des boulangers de France pour fournir mon restaurant. Travailler avec eux m’a passionné. Et je me suis de plus en plus intéressé à la matière première, pour comprendre les enjeux de santé liés aux céréales, les différences entre les variétés, l’effet des différentes moutures, le gluten… Petit à petit, cela m’a amené à la meunerie. J’ai d’abord créé Gaston’s Bakery & Mill, dans l’Idaho. L’entreprise existe toujours, et emploie désormais une trentaine d’employés pour produire de la farine et du pain, livré à des restaurants. Puis je suis rentré en France et j’ai créé Le Moulin de Gaston dans la métropole lyonnaise en 2022. À chaque étape, ce qui a guidé mon parcours est l’envie de proposer un produit dans lequel j’ai confiance et dont je suis fier.
LTM : Quelles sont les particularités du moulin que vous avez importé des États-Unis ?
MC : C’est un moulin à meules en métal, assez proche d’un moulin à meules de pierre. Tout le grain est broyé en une seule fois : son, amande et germe. La singularité de ce moulin réside dans la mouture intégrale très fine que l’on obtient en un seul passage. La T80 produite avec peut, la plupart du temps, se substituer à de la T65 tout en permettant un très bel alvéolage, quelle que soit la méthode de travail — avec de la levure ou du levain. Nous produisons aussi de la T110 et de la T150. L’autre intérêt de ce moulin est son débit : on passe en moyenne 500 kg de blé par heure. Cela va un peu plus vite pour le riz et le sarrasin, un peu moins pour le pois chiche. Il peut produire à peu près tout type de farine – maïs, seigle, légumineuses, et même un peu de farine de tourteau (résidus d’huilerie).
LTM : Comment travaillez-vous avec les agriculteurs ?
MC : Toutes nos farines sont issues de céréales bio cultivées à moins de 30 km, sauf pour le riz, qui vient de Camargue. La traçabilité est assurée par un QR code sur chaque sac de farine précisant le jour de mouture et le nom des agriculteurs producteurs. Nous les achetons directement aux agriculteurs, que je considère comme de vrais partenaires. Il n’y a pas de langue de bois entre nous ! Je leur rends visite au champ et nous avons plusieurs échanges avant la moisson. Je leur indique mes besoins et la qualité que je recherche. Eux essaient d’estimer leurs rendements et les propriétés techniques des céréales qu’ils récolteront. Nous nous mettons d’accord sur les prix au printemps, dès que nous avons une idée des volumes, et nous tenons ces prix.
LTM : Votre situation en pleine métropole est atypique. Quels en sont les avantages ?
MC : Dans un paysage français où la meunerie s’est beaucoup concentrée, notre modèle artisanal et local est un intermédiaire entre les grosses minoteries et les micro-unités. Nous sommes un moulin de proximité, avec une implantation urbaine qui permet de raccourcir les circuits au maximum entre l’agriculteur et le consommateur. Nous pouvons ainsi présenter une traçabilité parfaite et une empreinte carbone minimale. Par contre, avec 260 m², nous ne pouvons pas stocker plus de 40 ou 50 tonnes sur site. Nous stockons donc les céréales chez les agriculteurs qui sont équipés, et nous recevons des livraisons en vrac au fur et à mesure.
LTM : Qui sont vos clients ?
MC : Nous travaillons avec une dizaine de boulangeries bio et conventionnelles, ainsi qu’avec quelques magasins bio. La vente en ligne est aussi possible sur notre site web. Nous avons également tout une clientèle d’agriculteurs pour du travail à façon : nous faisons leur farine qu’ils vendent à la ferme ou aux boulangers de leur village. Le son est vendu à un fabricant d’alimentation animale.
LTM : Quels sont vos projets pour l’avenir ?
MC : Notre moulin a la capacité de tripler sa production de farine : il pourrait monter à 1 000-1 200 tonnes par an, mais c’est le stockage qui pourrait être limitant. J’aimerais surtout diversifier et étendre la gamme en proposant différentes farines, du floconnage… Je prévois aussi de développer un cahier de recettes à destination des boulangers-pâtissiers, et d’aménager un petit labo pour pouvoir réaliser davantage de tests sur les farines. L’idée est de fournir un maximum d’indications aux boulangers pour les inciter à remplacer la farine T65 par de la T80, qui présente des bénéfices gustatifs et nutritionnels.
Site internet : https://lemoulindegaston.fr/