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Après avoir lancé sa boutique Glace'Art en 2018, en Normandie, Gérard Taurin se concentre sur sa marque à son nom.
Après avoir lancé sa boutique Glace'Art en 2018, en Normandie, Gérard Taurin se concentre sur sa marque à son nom. © Kevin Taurin

Gérard Taurin n’a pas froid aux yeux

Depuis fin 2022, plusieurs adresses Gérard Taurin ont ouvert en Île-de-France et en Normandie. Et avec son associé, l'investisseur Benjamin Vanhaeverbeek, le glacier champion du monde, également Meilleur ouvrier de France, ne compte pas s'arrêter là.

Alors qu’il s’apprêtait à vendre Glace’Art, sa boutique normande de Mortagne-­au-Perche, le champion du monde glacier Gérard Taurin, également Meilleur ouvrier de France, rencontre l’investisseur Benjamin Vanhaeverbeek, qui la lui rachète. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Les deux hommes finissent par s’associer et créent la marque Gérard Taurin. S’ensuit, dès la fin 2022, l’ouverture de plusieurs glaceries en région parisienne, dans la capitale et à Deauville, dont la petite dernière à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine) en avril 2024. De leur laboratoire fraîchement acheté à La Ferté-­Vidame, dans l’Eure-et-Loir, sortent des créations aux saveurs de la plus classique à la plus originale. L’objectif : faire de la glace un produit de toute saison. Avide de voyages et d’innovation sur ce produit qui le passionne, Gérard Taurin met sa technique à l’œuvre pour proposer du beau et du bon au goûter, lors du repas — du plat au dessert —, et jusqu’à l’apéro. Entretien.

La boutique d'Asnières-sur-Seine. (© DR)

La Toque magazine : Vous êtes issu d’une famille d’agriculteurs. Comment êtes-vous arrivé dans l’univers de la glace ?

Gérard Taurin : Mon grand-oncle André Pichard était le bras droit de monsieur Lenôtre. Il a monté son service traiteur. Ma mère, qui faisait toujours des gâteaux le dimanche, voyait que ça m’intéressait et me dit un jour : “Si tu veux entrer chez Lenôtre, tu dois passer ton BEPC [brevet d’études du premier cycle, examen que l’on passait en fin de troisième, NDLR].” J’étais nul à l’école mais j’ai travaillé dur pour l’avoir et j’ai pu entrer en apprentissage. J’ai appris la pâtisserie et je me suis mis à la glace dès que j’ai pu car c’est un produit avec lequel j’étais à l’aise. Vous restez propre du début à la fin ! La glace est un produit franc, et quand on sait manier les matières, les équations, elle est gérable. Si on dessine la recette, ses calculs, on a le résultat sur une feuille de papier avant même que le produit ne sorte de la machine. C’est vraiment un monde qui me passionne.

La nouvelle adresse se trouve à la sortie de la gare d'Asnières-sur-Seine. (© Juliette Marini)

LTM : Comment choisissez-vous vos ingrédients ?

GT : On mise sur la qualité. Je n’utilise pas de pâte de praliné, on travaille avec des noisettes du Piémont. Pas de pâtes de pistaches non plus car ce sont des mélanges au goût insipide : j’utilise les pistaches de Bronte. Et puis, je fais en permanence des recherches pour proposer des produits bons pour la santé. J’admets que j’ai longtemps été tête de cochon, je ne voulais travailler que du sucre de betterave. Mais je me suis aperçu que le sucre de canne, lorsqu’il est semi-raffiné ou non raffiné comme la cassonade, n’entraîne pas de montée glycémique puissante. Il faut aller jusqu’à la compréhension de ses matières premières. Le lait, que l’on pasteurise dans notre labo, je le choisis cru, exclusivement de vaches normandes car c’est celui qui convient le mieux à l’organisme humain.

L'un des partis pris des cofondateurs, proposer des pots individuels ou à partager pas très grands afin que la glace soit consommée rapidement. (© DR)

LTM : Que retrouvons-nous dans votre gamme ?

GT : Il y a un grand choix de pots — aussi bien individuels qu’à partager ou encore à emporter — qui ne sont pas très grands, pour des raisons de praticité pour le client. On souhaite que les glaces soient consommées le plus rapidement possible ; qu’elles ne soient pas heurtées par des écarts de température ou restent longtemps dans le congélateur. De même pour les entremets ou les vacherins : ils ne sont pas énormes, leur taille correspond à une table classique. On préfère aller sur des petits formats, qui permettent une vraie expérience et qui gardent notre signature.

LTM : Vous avez pour ambition de dé-saisonnaliser la glace.

GT : En effet, et cela sous l’impulsion de Benjamin [Vanhaeverbeek, son associé NDLR] ! Cela nous permet de vivre tout au long de l’année en tant que glacier, le tout avec des propositions haut de gamme. Grâce à mon expérience internationale dans les hôtels, les restaurants, auprès de grandes marques, j’ai une vue plus synoptique de la glace. Désormais, on veut emmener ce produit vers un déclic intentionnel lors du repas, aussi bien en été qu’en hiver. Cette volonté se décline sous différentes formes : des glaces condiments qui viennent en complément d’un plat, par exemple. On a aussi créé une ligne de produits “cocktails”, qui s’ajoutent à la dégustation d’un cocktail classique, avec ou sans alcool. Dans tous les cas, il faut que ce soit élégant et bon.

Glaces. (© DR)

LTM : Le luxe à prix abordable, c’est aussi votre credo…

GT : Oui, c’est très important : la qualité doit être accessible à un maximum de personnes. Et ce, même pour un petit enfant qui a gardé sa pièce toute la journée dans sa poche en attendant la sortie d’école pour avoir son cornet ! C’est une expérience qu’il n’oubliera pas, et il deviendra plus tard notre client…

LTM : Quelle est la recette d’une bonne glace ?

GT : Tout d’abord, il faut raccourcir le plus possible la durée entre la collecte du lait, cru de préférence — et la production. Il doit être issu de vaches offrant la meilleure qualité, ce qui implique de bien connaître ses producteurs. Je suis très proche du monde agricole : je reste en contact avec la vérité, c’est-à-dire l’herbage entretenu par le paysan. Ensuite, il faut choisir le sucre adéquat. Le temps de mélange et de maturation est aussi important : il est hors de question de faire une glace et de la turbiner directement ; il faut laisser les parfums s’exprimer, se fixer aux molécules afin de créer une osmose totale. Chaque cuillère devient alors une émotion, c’est ce qui fait la signature ensuite. C’est très simple et très compliqué à la fois : il s’agit de respecter chaque élément, et le client.

(© La Confiserie Production)

LTM : Quel est votre meilleur souvenir culinaire ?

GT : C’était à Paris, au restaurant Les Ambassadeurs, du Crillon, tenu à l’époque par le chef Jean-François Piège. Il proposait un bonbon glacé : un sorbet à la menthe servi dans un récipient sculpté en glace hydrique. C’était inattendu et remarquable de voir cette bonbonnière glacée. J’étais vraiment impressionné !

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