Impossible d’échapper à la pistache en Sicile. Bruts, émondés, concassés, réduits en poudre ou en huile ; transformés sous forme de pâte, de crème, de pesto… ces petits fruits oléagineux sources de protéines, de fibres, de vitamines et de minéraux sont partout sur l’île, dont le climat méditerranéen a favorisé l’enracinement. Ils bénéficient même de deux DOP (Denominazione d’Origine Protetta, équivalent italien de notre Appellation d’Origine Protégée [AOP]) : les pistaches de Raffadali, du nom d’un village du sud-ouest de la Sicile, dans la province d’Agrigente ; et les pistacchio verde di Bronte, à l’est, près de Catane.

Plus connues, ces dernières se démarquent par leur terroir et leur goût unique. La zone de production, d’environ 4 000 hectares, s’étend sur les sols volcaniques des contreforts de l’Etna, à une altitude de 400 à 700 mètres, ce qui confère aux pistaches leur typicité affirmée et leur renommée. En mars, les premiers bourgeons pointent leur nez sur les branches grises et décharnées des pistachiers (variété Pistacia vera), introduits en Sicile par les Arabes il y a plusieurs siècles. Les fruits se développeront jusqu’à atteindre la taille d’olives à la fin de l’été. Ils seront alors à maturité pour la récolte, manuelle du fait du terrain escarpé, ce qui implique des coûts de production élevés. Ils sont ensuite séchés au soleil, avant d’être décortiqués puis épluchés, transformés…
« À Bronte, la récolte a lieu uniquement les années impaires pour préserver la productivité des arbres et la qualité de leurs fruits », précise Fabio Pafumi, producteur et exportateur de pistaches. À la clé : un fruit à l’enveloppe violette recelant une graine d’un vert intense, aux arômes à la fois puissants, subtils et doux. D’où son surnom d’or vert de Sicile.
Une purée de pistaches broyées à la commande
Installé à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), le pâtissier Lionel Durbiano, de la boutique Aux Saveurs des saisons, se fournit en pistaches de Bronte directement auprès de Fabio Pafumi, via la plateforme e-commerce DOSicily.
Lire sur ce sujet : Aux Saveurs des Saisons : produits frais, offre haut de gamme
« J’utilise sa pure pâte de pistaches — broyées à la commande pour un maximum de fraîcheur — dans mes cookies ainsi que dans mes crèmes, bavaroises et mousselines. Je lui prends aussi de la crème sucrée, à plus faible teneur en fruits, pour mes croissants bicolores et mes sablés », précise l’artisan qui apprécie « la super qualité de ces produits ». Et d’ajouter : « Auparavant, j’utilisais de la pâte de pistaches siciliennes qui n’était pas de Bronte. Elle était bonne, mais moins parfumée. »
Ce goût plus intense lui a permis de « réduire la teneur en pure pâte de pistaches à douze pour cent » dans ses crèmes, indique le pâtissier. Un gain non négligeable compte tenu du prix plus élevé de cette pâte haut de gamme, « vendue entre 69 et 75 euros le kilo, contre 50 à 65 euros hors AOP, selon le millésime », estime Fabio Pafumi. Comme ailleurs, la quantité de fruits récoltés est en effet soumise aux aléas climatiques. Sa grande capacité à supporter la chaleur et à se développer sur des sols arides en fait toutefois un fruit d’avenir.

Des pâtes à tartiner une fois torréfiées à feu doux
Créatrice de la chocolaterie normande Genuina, Gianna Cervini se fournit également en pistaches de Bronte en direct du producteur auprès d’Agricola Fernandez. Elle les reçoit décortiquées et les torréfie elle-même à feu doux avant de les transformer en pâte à tartiner, baptisée Oro verde, à 52 % de fruits. Un choix gustatif, écologique et éthique, « la proximité géographique permet de limiter l’empreinte carbone de son importation ».
À noter que la torréfaction tend à « brunir légèrement la pistache », prévient Fabio Pafumi qui invite à se fier « à la seule mention de l’appellation Di Bronte comme gage de qualité ». Une mention à rappeler sur ses produits (glaces, confiseries, pâtisseries) pour justifier leur prix, majoré par rapport à des recettes à base de pistaches d’Iran — autre origine réputée — et, surtout, des États-Unis, leaders sur ce marché en croissance.
Car la pistache est de plus en plus plébiscitée par les gourmets, tant seule qu’associée à d’autres saveurs, les agrumes notamment. À Aix-en-Provence, Lionel Durbiano la travaille pure dans des éclairs, par exemple, comme en accord avec de la vanille ou des calissons en entremets. En Sicile, elle se décline du salé (en pesto dans des pâtes ou des sandwichs, en inclusion dans des charcuteries) au sucré : moulue dans des biscuits, en crème dans des glaces et des viennoiseries, ou concassée en topping de gâteaux — dont les fameux cannoli, spécialité emblématique de l’île.