Jérémy Ferrer, boulanger et fondateur de Grain de Blé (courtier pour les artisans) écume les plateaux TV pour alerter de la situation plus que compliquée dans laquelle sombre le secteur de la boulangerie artisanale. C’est pourtant toute la société qui est impactée par un système contrôlé au niveau européen et non simplement au niveau national.
Explication :
Depuis la fin du monopole d’EDF, seul fournisseur d’électricité en France jusqu’en juillet 2007, l’ouverture du marché à divers fournisseurs a permis la diversification d’offres et de tarifs. A distinguer des entreprises de gestion des réseaux, en charge de l’acheminement et de la distribution (Enédis pour l’électricité et GRDF pour le gaz).
Différents tarifs :
1. Les tarifs réglementés qui sont fixés par les pouvoirs publics pour EDF.
- On retrouve ensuite les tarifs bleus : appliqués aux particuliers et petites entreprises pour une puissance souscrite entre 3 et 36 kVA.
- Et les tarifs jaunes : puissance souscrite comprise entre 42 et 240 kVA.
2. Les tarifs de marché, décidés par les fournisseurs eux-mêmes (eux-mêmes qui sont soit indexés, c’est-à-dire qu’ils suivent les évolutions des prix du marché, soient à prix fixes, c’est-à-dire constants sur une certaine période).
Le tarif implique en fixe :
- 4 taxes pour 1/3 du prix : CSPE (livraison d’électricité acheminée vers un consommateur final), TCFE (taxe communale), CTA (contribution permettant le financement des droits spécifiques relatifs à l’assurance-vieillesse des retraités qui relèvent du régime des industries de l’électricité et du gaz naturel) et TVA
- L’acheminement et la distribution*
- La fourniture et l’approvisionnement*
*La réglementation du tarif repose une formule de calcul qui compile les composantes production (accès et approvisionnement), acheminement et commercialisation.
Au final, un contrat d’énergie implique le prix du kWh multiplié par la consommation d’énergie auquel s’ajoute un abonnement annuel ; des modalités d’heures creuses et d’heures pleines entrent aussi en ligne de compte.
Pourquoi une fluctuation des prix ?
Quand il a été décidé de mettre en place une politique européenne forte et unifiée de l’énergie dans les années 2000, c’est parce qu’une formule a été mise en place pour corréler le prix de l’énergie en en fonction de la production électrique (l’électricité ne se stocke pas, donc pour équilibrer le réseau, c’est le coût de la dernière centrale dont on a besoin qui compte dans le prix de gros de l’électricité – et non le coût moyen de toutes les centrales de production) : le prix de l’électricité est indexé sur celui du gaz et comme la part du gaz est la plus importante sur les marchés européens, il y a un effet en cascade de l’explosion de son prix, suite du conflit russo-ukrainien. Ainsi, la facture d’électricité globale a suivi la même tendance et le marché devient incontrôlable.
En attendant une réforme structurelle du marché de l’électricité, à l’échelle européenne, c’est nationalement que des mesures doivent être prises.
Rappel des mesures proposées en France :
- Une aide d’urgence, annoncée le 16 mars 2022 dans le cadre du Plan de résilience économique et sociale, est une aide temporaire d’urgence, une subvention délivrée selon certaines conditions (voir plus loin) et le dépôt d’un dossier, attesté par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes.
- L’aide dans le cadre du plan de résilience économique et sociale est disponible depuis le 4 juillet (décret n°2022-967 du 1er juillet 2022) et prolongée jusqu’à la fin du mois de décembre 2022 et en 2023 qui concerne les entreprises qui répondent à ces conditions :
• être une entreprise créée avant le 1er décembre 2021, ne se trouvant pas dans en procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire et ne disposant pas de dette fiscale ou sociale impayée au 31 décembre 2021,
• être une entreprise grande consommatrice d’énergie c’est-à-dire avoir des achats de gaz et/ou d’électricité atteignant au moins 3 % de leur chiffre d’affaires 2021,
• avoir subi un doublement du prix du gaz et/ou de l’électricité sur la période éligible par rapport au prix payé en moyenne par rapport à la période de référence en l’année 2021.
• Les entreprises exerçant une activité de production d’électricité ou de chaleur, une activité d’établissement de crédits ou d’établissement financier ne sont pas éligibles à cette aide.
En revanche, il est demandé que les comptables réalisent un « bilan » mensuel pour calculer l’EBE (excédent brut d’exploitation) et voir ainsi si celui est en baisse pour pouvoir bénéficier de l’aide. « Aucun comptable n’accepte de le faire mensuellement. » précise Jérémy.
Effectivement une aide est proposée mais il est bien précisé : « baisse d’excédent brut d’exploitation (EBE) calculée sur une base mensuelle » et « le respect des critères d’éligibilité liés aux dépenses d’électricité et de gaz, à l’EBE et aux coûts éligibles, doivent être vérifiés et calculés par un tiers de confiance (expert-comptable ou commissaire aux comptes). »
L’aide est calculée ainsi :
• une aide égale à 30 % des coûts éligibles plafonnée à 2 millions d’euros, pour les entreprises subissant une baisse d’excédent brut d’exploitation (EBE) calculée sur une base mensuelle par rapport à 2021 ou ayant un EBE négatif.
• une aide égale à 50 % des coûts éligibles plafonnée à 25 millions d’euros, pour les entreprises dont l’EBE est négatif et dont le montant des pertes est au plus égal à deux fois les coûts éligibles. L’aide est limitée à 80 % du montant des pertes,
• une aide égale à 70 % des coûts éligibles plafonnée à 50 millions d’euros, pour les entreprises qui respectent les mêmes critères que précédemment, et qui exercent dans un des secteurs les plus exposés à la concurrence internationale et listés en annexe de l’encadrement temporaire. L’aide est limitée à 80 % du montant de ces pertes.
• Pour les entreprises qui font partie d’un groupe, le montant des plafonds d’aide est évalué à l’échelle du groupe. Le respect des critères d’éligibilité liés aux dépenses d’électricité et de gaz, à l’EBE et aux coûts éligibles, doivent être vérifiés et calculés par un tiers de confiance (expert-comptable ou commissaire aux comptes). »
• Pour les dossiers concernant la période de mars à mai, le critère de baisse ou de perte d’excédent brut d’exploitation (EBE) sera apprécié à la maille des trois mois de la période éligible. À compter des dossiers concernant la période de juin à août, ce critère sera apprécié soit à la maille mensuelle, soit à la maille de la durée de la période éligible, afin de donner davantage de flexibilité à l’entreprise.
Source : https://www.economie.gouv.fr/ukraine-aide-entreprises-grandes-consommatrices-gaz-electricite
Lire notre article sur les contrats d’énergie ici.
Lire notre article sur les courtiers en énergie ici.
- L’ouverture d’un guichet du guichet de l’aide « gaz et électricité » destinée aux entreprises grandes consommatrices de gaz et d’électricité, qui au départ ne concernait qu’un profil d’entreprises (Les 1,5 million de TPE de moins de 10 salariés, 2 millions d’euros de chiffre d’affaires et ayant un compteur électrique d’une puissance inférieure à 36 kVA n’étaient pas concernées et sont désormais éligibles) dont un 3ème assouplissement est prévu le 15 novembre.
« Le guichet d’aide au paiement des factures d’électricité sera prolongé en 2023, Pour les ETI et les grandes entreprises. Le guichet d’aide au paiement des factures de gaz sera accessible à toutes les entreprises.
Les simplifications obtenues auprès de la Commission européenne, qui seront annoncées dans les prochains jours et mises en œuvre fin novembre 2022, seront également maintenues en 2023. Toutes les informations concernant les critères d’éligibilité et les montants d’aides de ce guichet seront précisées dans les tous prochains jours. »
L’aide qui sera faite aux TPE compteur électrique d’une puissance supérieure à 36 Kva et les PME :
- aide forfaitaire sur 25 % de la consommation des entreprises, permettant de compenser l’écart entre le prix plancher de 325€/MWh et un prix plafond de 800€/Mwh.
-L’amortisseur sera plafonné à 800€/Mwh afin de limiter l’exposition du budget de l’Etat à la flambée des prix : l’aide maximale serait donc d’environ 120€/MWh pour les entreprises concernées.
Moins de 15% d’aide au total pour la tranche haute ne peut bien sûr pas soutenir une hausse de la facture d’électricité multipliée par 10.
Commentaire de Marc Sanchez, Secrétaire général du SDI (organisation patronale interprofessionnelle dédiée aux TPE), commente : « À la suite de nos nombreuses alertes, le gouvernement a enfin pris en compte la situation des TPE laissées sans solution face à des prix de l’électricité multipliés par 2, 3, voire jusqu’à 10. C’est évidemment un point positif, comme l’est le principe évoqué par Olivia Grégoire d’un dispositif simple qui ne nécessiterait aucune action de la part des professionnels concernés. Pour autant, un doute subsiste quant à l’ampleur du soutien au constat que la ministre ne s’est pas engagée sur un alignement du plafonnement à 15% d’augmentation pour l’ensemble des TPE. Ce fait est d’autant plus dommageable qu’il risque d’entraîner une concurrence entre TPE de même filière avec un plafonnement à 15% pour les uns et à X% (selon la formulation de la ministre), pour les autres. Il est bien évident pour le SDI que toutes les TPE doivent pouvoir bénéficier d’un plafonnement ou d’une mesure équivalente ayant pour effet de limiter la hausse des tarifs de l’électricité à 15% sur l’année 2023 ».
Nous avons contacté le cabinet de la ministre Olivia Grégoire en évoquant le cas d’un artisan boulanger qui a reçu un courrier de son fournisseur, indiquant qu’ils ne lui renouvelaient pas son contrat d’électricité. A cela, nous avons eu pour réponse que les fournisseurs s’étaient engagés (dans quelle mesure ??) à proposer systématiquement un contrat à leur client. Dans ce cas précis, il nous a été indiqué que cet artisan devait avoir recours à la médiation de l’énergie (https://www.energie-mediateur.fr/les-litiges/votre-litige/nos-conseils-que-faire-en-cas-de-probleme/) . A en croire la procédure, il faut attendre 2 mois après avoir contacté le service client de son fournisseur d’énergie qui proposera un courtage.
Jérémy Ferrer, lui-même courtier en énergie souligne d’autres points de friction :
La proposition que le gouvernement se porte caution pour un emprunt auprès d’une banque pour bénéficier d’un contrat d’énergie semble contredire que les fournisseurs d’énergie sont dans l’obligation de proposer un contrat d’énergie aux entreprises.
« Est-il normal de devoir prendre rdv avec sa banque et monter un dossier pour une demande de PGE pour que l’état se porte « caution » et pouvoir bénéficier d’un contrat d’énergie ? » dit-il.
« Pour moi il est important de dénoncer la «fleur » qu’ils font sur la TICFE ou CSPE (taxe), depuis février 22, les entreprises bénéficient de la baisse de la fiscalité sur cette taxe au min légal ; or depuis 2018, 98% des boulangeries sont considérées comme électro intensive et bénéficiaient, de facto, du remboursement de celle-ci contre dossier de validation auprès des douanes» explique Jérémy qui s’est engagé depuis plus de deux ans à alléger les charges des artisans boulangers.
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