Pour les boulangers, l’avenir est-il dans la farine de blé dur ? « En tout cas, cela permet aux artisans de se diversifier », assure Antoine Barnabé, directeur exécutif d’Arterris meunerie. La coopérative agricole étant le premier producteur de blé dur dans l’Hexagone, sa filiale meunerie a été la première à tenter — et réussir — à en faire de la farine panifiable. C’était il y a six ans.
«Avec le soutien de l’Institut national de la recherche agronomique à l’époque, on a travaillé sur la pression exercée au moment où on écrase le grain, sur la façon de le tamiser et sur la préparation au mouillage», énumère M. Barnabé. « Nous avons de nouvelles variétés et des nouvelles techniques pour moudre », résume pour sa part Michel Bilheude, responsable recherche et développement chez Banette.
Arterris meunerie est même allée jusqu’à créer une baguette 100 % blé dur, la Mie’nutie. Antoine Barnabé indique : « On génère beaucoup d’amidons endommagés, qui retiennent l’eau dans la pâte ce qui permet de faire un réseau gluténique de qualité et d’avoir des mies alvéolées. » Le goût serait « un peu noisette, avec des notes un peu beurrées».

Voilà donc pour la genèse. Depuis, d’autres ont suivi mais en mélangeant les deux sortes de farine. « Je mets environ trois fois plus de farine de blé tendre que de blé dur », calcule Sébastien Cattaneo, boulanger à Cerise sur le gâteau, à Baziège, en Haute-Garonne. Sa baguette duo, qu’il a lancée il y a six ans est, du coup, « craquante, moelleuse ». Si la farine de blé dur est plus chère, « c’est rééquilibré par le fait qu’elle nécessite beaucoup d’eau qui, elle, n’est pas chère » Et qui dit hydratation dit meilleure conservation !
Pain à base de blé dur : « On a la charpente et le moelleux »
Sans compter que, côté technique, « la pâte sort pareil qu’une Tradition, c’est largement faisable », témoigne le boulanger haut-garonnais. Michel Bilheude, parlant de la Belle Mie créée par Banette il y a un an, affirme qu' « il n’y a pas de technicité supplémentaire parce que la farine de blé tendre vient en soutien. Par contre, avec le blé dur, ça a un meilleur goût. On a la charpente, le développement, et en même temps le moelleux. »
« Elle supporte plus les longues fermentations », ajoute Antoine Barnabé. Des produits plus techniques peuvent aussi être développés, à l’image du levain vivant de blé dur conçu par Lesaffre à partir d’une farine d’Arterris meunerie.
Et les Meilleurs ouvriers de France s’y mettent aussi, à l’image de Jean-Luc Beauhaire, qui vend sa nouvelle baguette Ramsès (duo de farines) dans ses trois boutiques de Haute-Garonne. Il faut dire que « le blé dur est produit dans le Sud-Ouest, donc ça parle davantage aux clients dans cette région, admet Michel Bilheude. Sans compter que cela diminue le transport ».
Toutefois, si sa consommation augmente, le blé dur a encore de la marge. Ainsi, Arterris meunerie écrase 120 000 tonnes de blé tendre par an… et 1 500 tonnes de blé dur.