Le plaisir dans une économie de moyens. En 2025, Sirha Lyon — incontournable salon bisannuel de l’hospitalité et de l’alimentation, qui ambitionne de « dessiner [avec ses quelque 2 200 exposants cette année, pour 210 000 visiteurs en 2023, NDLR] l’avenir du Food Service », selon les termes de Luc Dubanchet, son directeur général — a fait de la tendance à l'“ego-frugalité” et à l’éco-frugalité l’un de ses piliers. « Deux attitudes de consommation qui peuvent être parallèles, successives mais ne sont pas forcément contradictoires, estime Luc Dubanchet. Elles amènent à penser une restauration s’adressant aux individus plutôt qu’au groupe, avec la nécessité également pour les professionnels comme pour les consommateurs de respecter des principes d'autorégulation et de responsabilité. » Cette 22e édition fixe ainsi comme objectif au secteur d“intégrer harmonieusement l’activité de restauration dans l’écosystème humain”, selon les termes du communiqué de presse annonçant la manifestation.
Concrètement, cela se traduit pendant les cinq jours de l’événement organisé du 23 au 27 janvier prochains, par la mise en œuvre d’une série de mesures relevant de l’économie circulaire ; mais aussi dans les thématiques des conférences et le choix des conférenciers. Une préoccupation également présente chez de nombreux exposants — en provenance d’une quarantaine de pays —, comme dans le cahier des charges de la plupart des compétitions organisées et des trophées remis (lire encadré). Qu’on se le dise, l’avenir de la Food, comme celui de l’événementiel, sera plus respectueux de l’environnement.

Sirha Collect ou comment limiter l’impact environnemental du salon
D’après l’Union française des métiers de l’événement (Unimev) en 2019, la filière événementielle génère près de 105 000 tonnes de déchets chaque année. Un volume « relativement peu important par rapport à d’autres secteurs », mais une « question stratégique en termes de responsabilité et de réputation », estimait en 2019 Olivier Roux, alors président de l’Unimev.
Eau, déchets, éngergie ou papier, selon l’Ademe dans une étude un peu datée, un événement moyen de 210 000 personnes générerait 105 tonnes de déchets et consommerait 42 000 kWh d’énergie et 2,1 tonnes de papier (source : guide des éco-manifestations en Poitou-Charentes de 2008). Pour atténuer ce gaspillage, GL Event, organisateur du Sirha Lyon et gestionnaire du parc Eurexpo Lyon où se déroule l’événement, a notamment mis en place des partenariats avec des associations, listés dans un communiqué de presse.

Les entreprises et marques exposantes pourront ainsi faire collecter leurs biodéchets par l’association Aiden (notamment en s’inscrivant sur le site internet de Sirha Lyon). Ceux-ci seront ensuite transformés en compost par Les Alchimistes en vue d’enrichir les sols. Les surplus alimentaires des exposants et restaurateurs seront collectés par La Banque alimentaire et Les Restos du cœur, qui les redistribueront à des associations partenaires. Le brasseur Pain de minuit transformera de son côté le pain non consommé en bières. En 2023, quelque 11 tonnes de denrées alimentaires et 3 tonnes de biodéchets avaient ainsi été revalorisées lors du Sirha Lyon selon GL Event.


Toujours afin de diminuer le gaspillage, un partenariat avec l’entreprise Muto, spécialisée dans le réemploi d’aménagements éphémères, amènera à collecter et à redistribuer les matériaux utilisés pour les stands (panneaux signalétiques, textiles, décors, panneaux de bois, moquettes, etc.). Celui de Sirha Collect sera ainsi entièrement équipé du mobilier construit à partir de matériaux collectés par Muto. « On a réussi à réduire de trente pour cent la consommation de l’ensemble de ces consommables, mais je pense qu’on peut aller encore plus loin dans la démarche RSE », poursuit Luc Dubanchet, également directeur de la division Sirha Food au sein de GL Event.
Sirha Lyon s’associe également à La Vaisselle des chefs qui, à l’occasion d’événements organisés dans plusieurs villes de France (à Paris les 8 et 9 février prochains, par exemple), permet sa revente au profit d’associations caritatives.
Dans le prolongement des engagements pris lors des précédentes éditions, l’usage du papier sera limité, souligne le communiqué de presse : port du badge optionnel, signalétique optimisée, moquettes réduites, kiosque presse repensé ; et une application intitulée Sirha Food, conçue comme un guide interactif, remplacera les catalogues en papier. Le tout relevant d'un dispositif dénommé Sirha Collect.
L’équivalent en énergie verte de l’électricité consommée lors de l’événement sera par ailleurs réinjecté dans le réseau (certification ISO20121) ; et 26 fontaines à eau seront installées un peu partout sur les 66 300 m2 du salon, fruit d’un partenariat avec l’entreprise BE WTR. Des gourdes seront commercialisées, permettant d’éviter le plastique des bouteilles ou de gobelets.
Le Sirha Food Forum, ou comment l’écologie s’invite dans les discussions
Voilà pour la logistique. Du côté des conférences, se retrouve cette même logique. Leur programmation, « ni marketée ni commercialisée, est pensée avec les équipes de Sirha Food et le consultant Frédéric Loeb pour rendre compte des grandes tensions, des grands questionnements du monde du Food Service actuel. Ce, afin d'ouvrir la discussion et de laisser le débat s’installer », indique le directeur général du salon.
“Circularité totale : un nouveau standard ?” s’interrogeront ainsi sur ces thématiques Julien Dubourg (président exécutif de Citeo Pro), Mike Hecker (fondateur de BE WTR), Stéphan Martinez (directeur de la commission développement durable et président de Moulinot) et Michel Sanson (président de Geco Food Service) ; Pascal Peltier, directeur général de Métro illustrera, lui, comment “Accompagner la restauration dans son rôle majeur pour une société plus durable” ; tandis que Grégoire Ambroselli, cofondateur de Choco et son application antigaspi, s’intéressera au “Digital à la rescousse du gaspillage alimentaire”.
Des témoignages « nombreux, qui permettent aux professionnels que sont nos visiteurs de repartir avec des réponses sur des grands sujets sociétaux, économiques, de ressources humaines, etc. », juge Luc Dubanchet, pour qui « il est important de remettre la parole au centre d’un grand salon comme le Sirha Lyon ».

« On aime défendre les questions de territoire, d’autosuffisance alimentaire, poursuit le directeur du salon. Je pense que c’est au cœur de la restauration. Les restaurateurs se doivent d’être des défenseurs des filières de qualité, du bio notamment. Le sourcing, le traitement des produits de A à Z et la lutte contre le gaspillage alimentaire restent des enjeux qui ne sont pas totalement menés à bien. On doit pouvoir aller plus loin aussi en matière d’équipements moins voraces en énergie. Le tri et le recyclage des déchets, enfin : la législation est beaucoup plus contraignante de ce point de vue et je pense qu'elle ne cessera de l’être. »
En ce qui concerne les exposants “engagés”, le communiqué met en avant la présence du bien connu Crumbler et sa chapelure de pain, celle de la plateforme de vente et d’achat d’équipements professionnels d’occasion Alpagga ; mais aussi Atypique et ses fruits et légumes déclassés, les alternatives au plastique jetable de Biowels ou les systèmes de cultures agricoles hydroponiques urbaines de la start-up Véritable. Des entreprises françaises qui “réinventent les pratiques du secteur” et “montrent la voie à suivre pour répondre aux attentes croissantes des professionnels et des consommateurs en matière de responsabilité environnementale”, conclut le communiqué de presse.
