Recruter des apprentis motivés — peut-être de nouvelles pépites ? — est un vrai défi. Afin de rapprocher les artisans en manque de personnel des jeunes sans qualification et sans emploi, il existe plusieurs dispositifs, dont celui de Graines de pâtissier, créé en 2017 à l’initiative d’une collaboratrice de Valrhona.
Le réseau national École de la 2e chance, le fonds solidaire Valrhona, des centres de formation et des entreprises artisanales permettent ainsi chaque année à une sélection de filles et de garçons âgés de 16 à 25 ans (105 en 2022, 120 en 2023) encadrés par les Écoles de la 2e chance, de découvrir le métier de pâtissier. Durant cinq mois, entre janvier et juin, ils sont accueillis en petits groupes, par des professionnels dans quatorze villes françaises, découvrent les gestes et appréhendent les contraintes de ce métier difficile, avant de poursuivre, ou non, en CAP pâtisserie.

« Ils sont en recherche de leur voie professionnelle et veulent essayer la pâtisserie. Ils n’ont pas forcément en tête que les stars du métier ont consacré des années à travailler pour améliorer leur technique », explique Claude Ducrozet. Ce formateur à la SEPR (société d’enseignement professionnel du Rhône) de Lyon a été chef pâtissier au Fouquet’s, chez Georges Blanc, au Martinez, et dans de très beaux établissements de l’océan Indien. Il transmet à ses jeunes élèves en CAP la passion du métier, « les techniques et, le plus important, l’esprit pâtissier : être courageux, créatif, rigoureux et passionné. » À celles et ceux qu’il reçoit en initiation Graines de pâtissier, il explique bien les horaires contraignants, que dans certaines entreprises le travail et les relations ne sont pas toujours faciles, tout en soulignant que « cela se passe bien quand les personnes sont bienveillantes ».

Pour Mélissa Fournaux, déléguée générale du fonds solidaire Valrhona, « Graines de pâtissier doit permettre aux patrons de recruter des apprentis qu’ils connaissent déjà. Comment favoriser l’accord parfait entre un jeune et un patron ? Comment lever les inquiétudes des professionnels face à la jeunesse d’aujourd’hui ? Ces cinq mois solidifient la relation avant l’entrée en apprentissage. Les jeunes vont rencontrer différents professionnels et être en immersion dans un centre de formation. En connaissance de cause, ils décident ou non de s’engager dans la voie. » Ceux-ci réalisent au moins trois stages de trois semaines afin d’explorer différentes structures, et ils passent huit jours dans l’établissement où ils pourront se former s’ils enchaînent sur le CAP.

Témoignages
À Lyon, en 2021, Claude Ducrozet reçoit ainsi un groupe de douze jeunes. Parmi eux, une jeune fille gourmande est très motivée, Oumaima Nasri : « J’ai toujours été attirée par la préparation des gâteaux et je voulais me former auprès d’un patron, raconte-t-elle. Durant le stage chez Valrhona, dans un beau labo, on a fait des choux pour un paris-brest, de la guimauve, des tablettes de chocolat. C’était très, très, très intéressant, j’ai tout aimé ! » se souvient-elle, enthousiaste.
Oumaima remporte cette année-là la finale du Grand Défi Graines de pâtissier, qui réunit la centaine de jeunes de la promo, avec un entremets et une décoration. « J’ai préparé une mousse chocolat au lait, avec un insert mangue passion et une feuilletine, le tout sur un biscuit brownie. » Actuellement en alternance dans la boulangerie-pâtisserie Fèbre à Lyon, l’apprentie de 23 ans, à la fois sérieuse et joyeuse, débute ses journées à 3 h 30. Formée par Sandy Violand à la SEPR de Lyon, la jeune femme passera son CAP en juin prochain. Celle qui trouve les pâtissiers Amaury Guichon, Cédric Grolet et Pierre Hermé très inspirants, souhaite un jour ouvrir sa propre boutique lyonnaise.

Noa Ouvrard, lui, a 20 ans. Il a quitté le lycée parce qu’il souffrait de phobie scolaire. La mission locale l’a orienté vers l’École de la 2e chance, qui lui a proposé de faire partie des Graines de pâtissier 2023. « J’ai passé deux semaines dans l’équipe du matin de la maison Sève [Lyon]. En portant veste, pantalon et chaussures de sécurité, d’un coup, on a la tenue très pro, se souvient-il. C’est satisfaisant de créer des desserts. Je déposais les framboises et le logo en chocolat. J’ai foncé des centaines de tartelettes. Le travail était très répétitif et je pensais que ce serait difficile de me lever à 4 h 30. Finalement, non, et j’ai bien aimé avoir du temps libre dès 13 heures », raconte le jeune homme.
“Se remettre en selle”
Avec les subventions du ministère du Travail, le budget de Graines de pâtissier atteint 280 000 euros. Sur un groupe de douze personnes accompagnées, environ la moitié démarrera une formation professionnelle (de pâtissier ou d’un autre métier). « Leurs histoires sont toutes singulières. L’enjeu pour eux est de se remettre en selle, explique Mélissa Fournaux. Entre le début et la fin du programme, des changements sont visibles : leur tenue et leur présentation orale démontrent davantage de confiance. Ils ont acquis un savoir être, ont réappris la ponctualité, comment rédiger un CV et une lettre de motivation. Ils ont acquis des codes professionnels et se sentent prêts pour autre chose. »

Claude Ducrozet leur apprend qu’avec de la persévérance tout est possible : « Il ne faut pas s’arrêter aux premiers désagréments : se lever très tôt, ne pas avoir de congés pendant les fêtes et peu de week-ends. Ce métier de création va leur permettre de s’exprimer à travers les matières : le sucre, le chocolat, etc. Quand les bases techniques seront bien ancrées en eux, ils pourront s’en servir pour dire qui ils sont et se révéler. »
En savoir plus : https://grainesdepatissier.com/ - https://reseau-e2c.fr/.