La Toque Magazine : Pouvez-vous dresser un état des lieux de la boulangerie-viennoiserie-pâtisserie (BVP) en France ?
Anne Fremaux : Toutes typologies confondues (lire encadré), on compte plus de 500 chaînes de bakery en Europe, dont environ 70 en France, qui totalisent près de 5 300 points de vente dans l’Hexagone pour un chiffre d’affaires global estimé à plus de 3,6 milliards d’euros en 2020. À noter, la grande segmentation de ce secteur, tant dans les business models que dans les dimensions de ses acteurs. Aux côtés des leaders comme Marie Blachère, Paul, Ange ou La Mie Câline, il existe plein de petites et moyennes chaînes en région.

LTM : Comment expliquer l’essor de ces réseaux ?
A.F. :Nous avons identifié plusieurs facteurs de succès, sur lesquels se positionnent les chaînes, comme l’atmosphère et la taille du magasin, le service et la communication aux clients, la gamme de produits et le rapport qualité-prix, les filières d’approvisionnement, ainsi que, bien sûr, l’emplacement géographique. Dans les années 2000-2010, les réseaux se sont développés en priorité dans les zones commerciales d’entrée de ville. Cela se poursuit aujourd’hui, en association avec d’autres enseignes, comme le fait Marie Blachère avec Grand Frais, ou probablement bientôt Louise dans le cadre de son rachat par le groupe InVivo [propriétaire de Pomme de Pain, Jardiland, Gamm Vert, etc., NDLR]. Des corners se développent aussi dans les grandes surfaces. Depuis le covid, les zones résidentielles périurbaines offrent un nouveau potentiel d’implantation et les centres-villes tendent à se redynamiser.
LTM : Quid de l’artisanat dans ce paysage ?
A.F. : Les réseaux de boulangeries suivent un business model particulier : ils intègrent la fabrication de pains dans leurs magasins, contrairement à la plupart des autres chaînes. On les trouve surtout en France, mais aussi aux Pays-Bas ou au Danemark. Certains ont d’ailleurs démarré sur un modèle artisanal puis se sont industrialisés avec la croissance, en ouvrant des ateliers centraux de production. Si la fabrication de ces réseaux est artisanale et concurrence directement les boulangers indépendants, leurs approvisionnements sont centralisés avec, à la clé, des conditions de fixation des prix avec lesquelles les boulangers ne peuvent pas rivaliser. Mais les artisans auront toujours une carte à jouer en activant des leviers comme la proximité, la tradition, le local, la différenciation.
LTM : Quelles perspectives pour demain ?
A.F. :Les chaînes de bakery devraient continuer à se développer, sous l’impulsion d’investisseurs et de grands groupes leur offrant la capacité financière de soutenir leur expansion. Au-delà de leurs propres magasins, certaines assurent déjà l’approvisionnement de clients B2B externes (grandes et moyennes surfaces, entreprises du secteur de la restauration), un levier d’opportunités encore (trop) peu exploité en BVP.