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Actualités / Technique La régularité du tourage : un critère de qualité

D’après un premier essai effectué par le Centre International de Gastronomie Moléculaire et Physique AgroParisTech-Inrae, la régularité du tourage semble jouer un rôle important sur la qualité des feuilletages. Explications.

Comme il est d’usage lors des Séminaires de gastronomie moléculaire (animés à Paris par Hervé This, chercheur à l’Inrae), les participants ont planché en janvier 2023 sur une question technique (dite « précision culinaire ») qui concerne la boulangerie-pâtisserie : quel rôle joue la régularité du tourage sur le développement du feuilletage ?

L'approche

Pour répondre à cette question, l’équipe a élaboré un protocole relativement simple en comparant les feuilletages obtenus (après cuisson) à partir d’un même pâton touré cinq fois, mais divisé ensuite en deux pour le sixième tour : l’un avec une abaisse « irrégulière » et l’autre avec une abaisse « régulière » (voir ci-après). La théorie qui stipule que le développement se fait bien si les couches de pâte sont bien séparées, et non soudées en certains points, prévoyait que le feuilletage abaissé de manière irrégulière devrait être moins levé.

Dans le compte-rendu expérimental, Hervé This tient cependant à resituer la portée scientifique de la démarche opérée dans ces séminaires. « Nos expériences n'ont pas la rigueur de celles que nous faisons en laboratoire, et elles sont là surtout à titre d'exemple. Elles posent des questions, elles entament la réflexion méthodologique sur la manière de tester les précisions culinaires, elles discutent des descriptions théoriques, mais j'insiste : il faut surtout que les lecteurs de ce compte rendu partent rapidement en cuisine pour reproduire les expériences. »

Le questionnement

Avant la mise en œuvre de l’expérience, les participants sont d’abord revenus sur les fondements théoriques du feuilletage et ont tenté de répondre aux « grandes questions » : combien y a-t-il de couches de beurre dans une pâte feuilletée traditionnelle à 6 tours simples (sachant qu’un tour simple consiste à plier le pâton en trois) ?Quelle épaisseur fait une couche de pâte ou de beurre après 6 tours ? Sans entrer dans la démonstration, voici les réponses : pour un feuilletage à 6 tours simples, le nombre de couches de beurre est de 3x3x3x3x3x3 (ou 36 pour les matheux), soit 729 couches de beurre et 730 couches de pâte.

Pour un feuilletage de 1 cm d’épaisseur, en admettant que les couches de beurre ont la même épaisseur que les couches de pâte, nous avons donc 1459 couches en alternance de beurre et de pâte, soit environ un millième de millimètre par couche, ce qui est extrêmement fin (une feuille de papier ordinaire a une épaisseur d’un dixième de millimètre). « Avec une épaisseur si mince, il est probable que des couches de détrempe se soudent, à travers des couches de beurre, quand on abaisse irrégulièrement, et ces soudures gênent la séparation des feuillets et la levée du feuilletage. Autrement dit, une pâte bien tourée doit être plus gonflée qu’une pâte irrégulièrement tourée », précise l’ingénieur de recherche, en ajoutant « qu’il est essentiel de bien couper les bords avec un couteau qui coupe net, sans quoi les couches de détrempe se soudent, et ne peuvent plus s’écarter à la cuisson. »

L'expérience pratique

La question théorique étant posée, et sans trop s’attarder sur la recette et les ingrédients (beurre bio à 82%, farine T55), qu’obtient-on en pratique ? Pour tester la prévision théorique, l’équipe décide de produire un premier pâton à 5 tours simples et de le couper en deux moitiés égales à l’aide d’un couteau peu adapté. L’une d’elle est abaissée entre deux rehausses aussi régulièrement que possible, et tourée avec un autre tour simple supplémentaire (soit 6 tours au final) pour être encore une fois abaissée.

L’autre moitié suit le même principe, mais sans les rehausses latérales et en cherchant volontairement à écraser le pâton à intervalles réguliers pour souder les feuillets. Vient ensuite la cuisson des pâtons disposés ensemble au sein d’un four ventilé (30 min à 180°C ou 200°C selon l’avancement de la cuisson). Résultat : « Conformément à notre hypothèse, la pâte régulièrement tourée est bien plus gonflée que la pâte mal tourée.
 On observe aussi que la découpe des bords est essentielle. Nous avons fait nos essais avec un couteau mal aiguisé qui a écrasé les feuillets. L’effet portefeuille est manifeste dans les deux cas. On montre aussi que les premiers tours effectués sur le premier pâton (qui ont été abaissés de manière régulière) restent bien visibles et réguliers dans la structure des deux feuilletages. En coupant ensuite les deux pâtes feuilletées cuites par le milieu, on constate que la pâte bien tourée présente un feuilletage bien régulier, tandis que la pâte mal tourée présente une grosse cavité centrale ». Résultat de cet essai (à confirmer chez vous) : pour une bonne qualité de feuilletage (visuel, croustillant, régularité), privilégiez une abaisse régulière et progressive, sans oublier de choisir un bon couteau pour trancher les bords de manière nette.

Les étapes de l’expérience

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1. Le pâton touré cinq fois est divisé en deux pâtons égaux (A et B).

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2. Le couteau utilisé pour couper la pâte n’est pas des plus adaptés.

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3. Pour le dernier tour, le pâton A est abaissé le plus régulièrement possible entre deux rehausses.

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4. Pour le dernier tour, le pâton B est abaissé en écrasant par endroit la surface à l’aide du rouleau.

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5. Après cuisson, le feuilletage « régulier » issu du pâton A (à gauche) est plus développé que celui « irrégulier » issu du pâton B (à droite).

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6. La mauvaise découpe gène le développement harmonieux du feuilletage (photo : feuilletage régulier issu du pâton A).

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7. L’abaisse régulière des cinq premiers tours reste néanmoins visible dans la structure du feuilletage (photo : feuilletage irrégulier issu du pâton B).

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