Le petit-lait, encore appelé lactosérum ou lait ribot, est un liquide résiduel issu de la production et de l’égouttage des fromages. Il est également produit sous le nom de babeurre à l’issue de l’opération de barattage. Avec le développement de la production de “fauxmages” véganes, des liquides ayant des caractéristiques proches des lactosérums peuvent également être obtenus par séparation de phase et coagulation des protéines végétales.

Quiconque s’est essayé à la production de ces produits laitiers sait à quel point ces coproduits liquides sont générés en grandes quantités. Chaque litre de lait entier employé dans ces fabrications entraîne la production d’environ la moitié de son volume de petit-lait.
Un produit pauvre en matières grasses
La composition de ce coproduit est variable selon la méthode de fabrication dont il est issu. Il est cependant généralement très pauvre en matières grasses, riche en sels minéraux, en lactose et en protéines résiduelles n’ayant pas participé à la coagulation du fromage. Il est parfois salé, du fait de l’ajout de sel lors de la fabrication des fromages. Il peut également présenter une flore microbienne (probiotique) spécifique, comprenant notamment des bactéries lactiques.

Le lactosérum contient de nombreux composés “prébiotiques”, comme le lactose, favorable au bon fonctionnement du microbiote intestinal*. La richesse en protéines du lactosérum est mise à profit dans la préparation de pains protéinés, adaptés à certains régimes, notamment pour les sportifs. Ces pains sont souvent dénommés sous l’anglicisme whey bread, qui signifie littéralement “pain de lactosérum”.
Dans certains cas, l’utilisation de lactosérum en boulangerie peut représenter une opportunité de réduire les coûts par l’utilisation d’un coproduit susceptible de remplacer une partie des ingrédients plus coûteux, tels que les œufs, le lait, et les protéines du lait.
Le lactosérum liquide, sec ou sous forme d’extraits est utilisé également pour modifier et améliorer les propriétés technologiques des pâtes et produits de panification. Le lien entre l’utilisation du lactosérum et la rhéologie des pâtes a été le sujet de nombreux travaux de recherche fondamentale et appliquée**.
Des gains fonctionnels
Il est établi notamment que les protéines du lactosérum (bêta-lactoglobuline et alpha-lactalbumine principalement) peuvent contribuer à la formation du réseau glutineux en améliorant les capacités de rétention des gaz ainsi que la résistance du réseau glutineux dans le temps et la résistance à la fermentation. Cela peut conduire à une pâte plus souple et plus facile à travailler, ainsi qu’à un meilleur volume de la mie.
En boulangerie industrielle, l’ajout de lactosérum est traditionnellement réalisé afin d’améliorer la capacité de conservation des pâtes non cuites en situation de froid négatif.
Les protéines et le lactose du lactosérum ont la capacité de réagir avec les composés des pâtes de boulangerie pour former des arômes et des saveurs particulières. Ces propriétés seront particulièrement recherchées en vue d’apporter des arômes briochés à certains produits de panification (pain viennois, pains au lait, etc.).

Le lactosérum joue un rôle important dans les réactions de Maillard, pour la formation de la couleur, de la consistance et des arômes des croûtes. En effet, le petit-lait contient des protéines et des sucres (lactose) qui participeront activement à ces réactions. Le lactosérum et ses dérivés (lactose, poudre de lactosérum doux et perméat de lactosérum) sont d’ailleurs utilisés comme agents de brunissement, selon l’Association nationale des professeurs de boulangerie (AAINB).
Ces ingrédients méritent d’être bien dosés pour éviter une coloration excessive à la cuisson. En outre, le lactose du petit-lait participe à apporter un caractère sucré aux préparations, avec un index glycémique de 46, sensiblement plus faible que d’autres formes de sucre, comme le glucose (100) ou le saccharose (68).
Le petit-lait contient de la lactoferrine et de la lactoperoxydase, qui ont des propriétés antioxydantes intéressantes à plus d’un titre en panification, à l’image de l’acide ascorbique « qui améliore la fermeté des pâtes, réduit le temps de la première fermentation et augmente la tolérance à l’apprêt », selon le Syndicat national des fabricants de produits intermédiaires pour la boulangerie, pâtisserie et viennoiserie (Syfab).
La présence d’acide lactique dans le lactosérum peut également être mise à profit pour lutter contre la maladie dite du pain filant. Pour cela, il faudra calculer selon la concentration la part de lactosérum nécessaire en vue d’atteindre le pH cible de la pâte (autour de 4***).
Des circuits courts
Ces dernières années, de nombreux éleveurs laitiers se sont lancés dans la transformation à la ferme de leur lait. Ainsi, en plus des lactosérums des industriels, il existe sur le territoire une ressource en lactosérum de ferme qui mériterait d’être valorisée en circuit-court par les boulangers, à condition que toutes les règles des bonnes pratiques d’hygiène et de qualité de la conservation soient bien respectées. Des préparations comme les pains viennois ou les pains au lait offrent des débouchés naturels aux lactosérums. Cependant, il peut également être envisagé de réaliser des pains spéciaux au petit-lait de la ferme et d’en valoriser les qualités en termes nutritionnel, gustatif et environnemental, en mettant en avant le lien au territoire et le circuit-court.

L’utilisation du petit-lait peut recouvrir des formes et des intentions très différentes en boulangerie. Cette pratique, sans doute très ancienne, a le potentiel de retrouver un intérêt, sous différentes formes. Toutefois, une communication adéquate mérite d’être mise en place auprès du consommateur afin de l’avertir de la présence d’ingrédients d’origine animale ainsi que de celle de lactose, qui est un allergène reconnu.
* Francavilla R, Calasso M, Calace L, et al. Effect of lactose on gut microbiota and metabolome of infants with cow’s milk allergy. Pediatr Allergy Immunol 2012 ; 23 (5) : 420-427.
** Luga M, Boestean O, Ghendov-Mosanu A, et al. Impact of Dairy Ingredients on Wheat Flour Dough Rheology and Bread Properties. Foods 2020 ; 9 (6) : 828.
*** Seuil d’efficacité à 0,3 % d’acide lactique, selon l’AAINB.