Chaleur et humidité : un duo explosif
Les périodes caniculaires et les pluies torrentielles font exploser la température et l’hygrométrie au fournil. Ces deux paramètres agissent directement sur la croissance et l’activité des micro-organismes, qu’ils soient impliqués dans la panification (levures, bactéries lactiques), les toxi-infections alimentaires (bactéries pathogènes) ou la dégradation des denrées alimentaires. La panification pose alors de nombreux problèmes : surproduction de gaz à la fermentation, relâchement et affaissement des pâtons, croûtage des pâtes (par temps sec) ou apparition d’un biofilm collant et poisseux (par temps humide), prolifération de moisissures sur les équipements mal nettoyés, vieillissement accéléré du levain ou maladie du pain filant (lire l’encadré « Question du mois » ci-dessous). Les matières premières non protégées sont aussi rapidement envahies par les insectes, moisissures et bactéries. En pâtisserie et snacking, le risque de toxi-infection atteint un seuil critique qu’il faut impérativement maîtriser (comme doit le prévoir un bon plan HACCP).

Par temps chaud, la levure L’Hirondelle 1895 a la particularité de conserver une activité modérée.
A. Tandeau
Réservez vos ingrédients au froid
Dans ces situations, il faut d’abord veiller à réserver ses ingrédients dans les meilleures conditions. Placez vos farines dans un local climatisé et aéré, doté éventuellement de dispositifs insecticides (lampe UV à électrocution contre les insectes volants, pièges chimiques contre les insectes rampants). Il est peut-être temps d’investir dans un local climatisé ou une chambre réfrigérée ? Les artisans qui stockent leur farine en silo doivent prendre des mesures de surveillance et de protection renforcées contre les insectes. Surveillez aussi votre levain, qui peut virer en quelques heures s’il est conservé à l’air libre. Peut-être est-il temps aussi d’acquérir un fermenteur à fonction réfrigérante (type Fermentolevain de Bertrand-Puma ou Tradilevain de Jac) ? Œufs liquides, pains de levure, crèmes, beurres, fruits frais… ne laissez pas traîner vos ingrédients sensibles trop longtemps en dehors d’une chambre froide, tout comme vos bases préparées (crèmes, sauces, appareils…). Dans tous les cas, limitez les stocks de denrées périssables afin d’accélérer leur turnover.
Adaptez vos process de panification
Pour limiter l’activité fermentaire, diminuez le taux d’hydratation, baissez votre dose de levure (ou de levain), pétrissez la pâte un peu moins longtemps et raccourcissez les phases de repos à l’air libre. Le calcul de votre température de base (la TB) est impératif. Au-delà de 30 °C au fournil, vous vous apercevrez vite que la TB de vos recettes est difficile à tenir si vous ne refroidissez pas votre local, votre farine ou votre eau de coulage. N’hésitez pas à baisser la température de coulage de quelques degrés en conjuguant les actions qui vous permettront de garder vos pâtes en fin de pétrissage sous les 23 °C. Il est possible d’obtenir une eau juste au-dessus du point de fusion (+0,5 °C) grâce à un refroidisseur performant (de type Sorema) ou un générateur de glace (en écaille ou en grain). Vous pouvez aussi placer votre farine au froid positif (+3 °C) la veille pour le lendemain. Pour les boulangeries équipées d’un silo à farine, il existe des refroidisseurs (à échangeur thermique) qui peuvent être placés en amont du pétrin (du type Agriflex-Favrac). L’idéal est bien sûr d’investir dans une chambre de fermentation (par exemple CFi, Hengel, Bongard…) qui vous permettra de contrôler la température et l’hygrométrie ambiantes. Après cuisson, le ressuage du pain doit idéalement se faire en milieu frais et ouvert dans un local bien ventilé ou aéré (qui interdit toutefois l’entrée des insectes nuisibles) voire dans une chambre de ressuage (type Zéphyr, de Bongard).

Moyennant un investissement limité, la glace pilée est une solution de secours pour contrôler la température des pâtes.
A. Tandeau
Dopez vos procédures d’hygiène et d’entretien
Par temps chaud et humide, les salissures alimentaires non nettoyées deviennent des vecteurs privilégiés de contamination. Il vous faut donc redoubler d’efforts dans les procédures de nettoyage et de désinfection (plans de travail, équipements, sol, parois internes des chambres froides…) et dans le contrôle de vos fabrications (pasteurisation, refroidissement rapide, conservation au froid). Vos équipements frigorifiques devront être parfaitement entretenus pour gagner en performance et éviter tout risque de panne. Dégivrage de l’évaporateur, dépoussiérage du condenseur, vérification de la charge en fluides, ces opérations d’entretien doivent être réalisées avant la saison chaude.

Une fois la dose nécessaire prélevée, les ingrédients sensibles doivent être immédiatement replacés en chambre réfrigérée.
A. Tandeau
Armand Tandeau