Rencontres
ORIGINES-Yannik-crédit photo Denis Pourcher
ORIGINES-Yannik-crédit photo Denis Pourcher

Rencontre Yannick Piotrovski : le métier c’est le partage

Chef pâtissier au restaurant Origines*, le pâtissier de 34 ans porte haut les valeurs humaines dans le métier exigeant de la restauration ; sans se départir d’une personnalité qui mêle sensibilité et détermination, il envisage sa passion comme un métier qui doit conjuguer créativité et cohérence. Rencontre.

Si le jeune chef aux origines italo-polonaises est intarissable sur les goûts et la technique pâtissière, il se présente d’abord comme un capitaine d’équipe où la proximité fait règle. « Je n’ai jamais accepté qu’un patron néglige la dimension humaine dans notre profession : en passant presque 15h/j et 6j/7 ensemble, on peut considérer l’équipe comme une famille professionnelle, il est juste impensable que la violence, la pression ou la crainte règnent. Il est déjà difficile de recruter et de garder des collaborateurs, donc pour faire la différence, il s’agit de ne pas épuiser, ni dégoûter les gens, du métier : le monde a changé, il est temps d’appliquer de nouveaux codes de conduite », explique-t-il avant même de parler de pâtisserie, ou de cuisine. Car, oui cette dernière tient une place importante dans son approche technique des recettes. Après avoir fait ses débuts en boutiques fines et en chocolaterie- expérience qu’il a apprécié pour toutes les bases techniques qu’il y a apprises - il est rapidement passé du côté des restaurants : semi-gastronomique d’abord, puis étoilé avec Cheval Blanc Courchevel. C’est dans ce type d’établissements qu’il a confirmé sa vocation : « si j’ai beaucoup changé de maisons c’est pour sans cesse progresser et apprendre. Quand je suis arrivé en étoilé, j’ai tout simplement adoré, certes créer tous les jours avec le stress du service, mais justement parce que le panel de produits et de techniques possibles est quasi illimité, moi qui suis créatif, j’y ai trouvé ma place».

Bienv-exigence et exigi-llance

A l’image des sportifs qui parlent presque autant de l’équipe que du match et des passes, Yannick revendique passionnément que la satisfaction au travail de son équipe est primordiale, si elle est doublée de celle des clients, et de la reconnaissance de ses pairs alors c’est son « deuxième salaire », dit-il. Toutefois, si transmettre ce qu’il a appris nécessite une méthode adaptée aux besoins de chacun, il s’adaptera, et attendra de ses co-équipiers de l’intelligence et du bon sens, le goût de vouloir bien travailler et ensemble, « je suis prêt à réexpliquer autant de fois qu’il le faut, tant qu’on n’hésite pas à demander et redemander si besoin ». Il reconnaît qu’il pense « out of the box » (hors du cadre), tant en management qu’en approche de la pâtisserie. « J’aime travailler en territoires risqués » précise-t-il quand il évoque son goût pour la cuisine mais son choix pour la pâtisserie. « En pâtisserie, fondamentalement, il n’y a pas d’improvisation, pourtant j’aime me risquer à travailler davantage à l’instinct ». On parlerait presque d’un travail sensible qui passe par l’emploi des bases techniques, d’un travail subconscient qui s’appuie sur la cohérence des principes de gestion des ressources. En effet, en évoquant son dernier dessert autour de la figue, il décrit la recette comme s’il reprenait le fil de la pensée créative qui l’a conduit à mêler poivron/curry/figue. « On l’a rôtie dans une cocotte luttée, avec la bonne technique ancienne, et l’on ne perd rien du fruit, la figue est dressée en salade après avoir été marinée dans un mélange de feuilles de figuier, avec, pour accompagner la compotée de poivron au curry, on propose un yaourt grec fermenté, à l’image de la cuisine indienne qui apporte une note lactée à tous les plats piquants. Le curry : tout simplement parce qu’en sentant une figue pas encore mûre, j’ai eu une réminiscence de curry. » Même si les associations semblent complexes et techniques une fois décrites, le deuxième travail pour lui repose sur la simplicité impeccable du dressage qui ne doit pas laisser soupçonner la technicité et la complexité : « le visuel est au service du goût, sa simplicité permettra d’amplifier l’explosion de saveurs que la technique de l’artisan aura mise dans le travail des produits ».

(Retrouvez sa recette de Fraise Charlotte en 3 réinterprétation)

Cohérence maniaque

Si bouder le sucre et le beurre ne le dérange pas, c’est encore et toujours si la raison de le faire fait sens. Il reconnaît qu’explorer toujours davantage est intéressant et stimulant, mais il se garde de tomber dans les effets de mode creux qui ne pourraient ne pas être au service du goût et de la mise en valeur du produit. Présentant son respect pour l’approche de précurseur du chef Alleno, il reconnaît qu’il aime décliner les techniques cuisinières en pâtisserie. Si les produits dont il ne pourrait pas se passer sont les agrumes et les fruits secs, c’est en partie parce que ces produits ont un potentiel créatif énorme : « on peut tout faire aux agrumes : les brûler, les cuisiner crus, les fumer, les bouillir, on utiliser le zeste, le ziste, la chair, ils apportent tout un panel de saveurs au-delà de la fraîcheur et de l’acidité. Le sucre n’est pas tout, il y a beaucoup à explorer dans les produits d’abord. Pour les fruits secs, c’est la gourmandise infinie qu’on peut en tirer ! » précise-t-il. Sa signature pâtissière est plutôt liée à la démarche de travailler la totalité du produit, de réaliser des sauces, des pestos, des fermentations. Quant aux pralinés qu’il affectionne beaucoup (qu’il a déjà décliné au pollen, aux herbes ou encore aux champignons), cette préparation est, selon lui, celle qui mérite tellement d’être artisanale et maison tant il est aisé de la décliner « en jouant sur les fruits, la torréfaction, en contrôlant la sucrosité, la texture, les arômes ». Toujours par souci de cohérence, s’il peut récupérer des pulpes et des épluchures du côté du restaurant, il ne s’en prive pas ; s’il peut récupérer le lait, le beurre, la crème, les fruits des éleveurs et agriculteurs locaux, il n’hésite pas non plus : car tout cela fait sens, plus que cela ne fait mode. Les travaux artisans, ceux de la main de l’homme, se répondent harmonieusement. Loin de se soucier de rendre Instagrammable le travail d’équipe qui est réalisé en pâtisserie, il souhaite bien sûr que l’avenir de la gastronomie soit porté par des générations motivées, passionnées et engagées pour que la qualité prime avant tout.

ORIGINES-Groupe-copyright Denis Pourcher

Chef Adrien ORIGINES-Groupe-copyright Denis Pourcher

https://restaurant-origines.fr/fr/hotel.html

Lê Thi Mai Allafort

À lire également
Léo Forest-Agostini.

Rencontres

Léo Forest-Agostini aux Sables-d'Olonne : du BtoB au BtoC

Aux Sables-d’Olonne, Léo Forest-Agostini et Estelle Cousseau ont développé un concept de boulangerie biologique à destination des professionnels qui a rapidement séduit les habitants. Forts de ce succès,...

Christophe Michalak.

Rencontres

Christophe Michalak : un chef pâtissier inarrêtable

Il voulait être super-héros. Il enchante finalement nos papilles. Champion du monde de Pâtisserie en 2005, Christophe Michalak a, dès son apprentissage, souhaité faire partie des « élites ». Rencontre...

Éric et Florence Mervillon.

Rencontres

Boulangerie Mervillon : l'alliance du Nord et du Forez

Située dans le Pas-de-Calais, la boulangerie Mervillon défend le fait maison, avec des produits locaux autant que possible, pour un snacking aux saveurs des terroirs de ses deux patrons.