La viande, rouge et transformée a fortiori, n’a pas forcément bonne presse. Chère, polluante, pas très diététique en excès… Il est conseillé a minima de réduire ses apports en la matière. Un sacrifice pour les Français, réputés « viandards » ? Si le nombre de végétariens dans l’Hexagone reste marginal (2,2 % en 2020 selon une étude Ifop pour FranceAgriMer), il tend à augmenter, chez les jeunes urbains en particulier. Et au-delà du strict veganisme, le flexitarisme, qui consiste à limiter sa consommation de protéines animales au profit de protéines végétales, monte en puissance, annonçant une transformation des habitudes alimentaires. D’après une étude Kantar World Panel, 49 % des foyers français comprennent aujourd’hui au moins une personne flexitarienne. Ce phénomène se répercute chez les acteurs de la restauration hors domicile, boulangers-pâtissiers compris. Les enseignes vegan, à l’instar des fast-food Aloha Green Burger ou Hank Burger, se développent, et rares sont désormais les adresses à ne pas proposer au moins une alternative végétarienne le midi. Même la chaîne de restauration rapide Burger King a inclus des recettes veggie à sa carte, intégrant un haché végétal grillé à la flamme (à base de soja, de blé et d’épices), élaboré par la marque Le Boucher végétarien, et un simili-bacon signé La Vie, « fabriqué en France à partir de soja sans OGM ni nitrites bien sûr », précise son cofondateur Nicolas Schweitzer.
Applications variées
Start-up tricolore, La Vie incarne bien la tendance à l’œuvre chez les acteurs du simili-carné, avec une quête de produits de plus en plus proches de la viande. L’époque où les alternatives végétales se résumaient à des galettes de céréales/légumineuses est révolue. Si ce produit est toujours bien présent sur le marché, avec des recettes toujours plus savoureuses, la gamme des substituts carnés s’est considérablement étoffée en France. À commencer par les produits d’origine asiatique, tels que le tofu, issu du caillage du jus de soja (lire page suivante), suivi plus récemment du tempeh, à base de fèves de soja fermentées, et du seitan fabriqué à partir du gluten du blé (lire La Toque Magazine n° 329). À haute teneur en protéines, ces produits au goût plutôt neutre en version nature, délicat pour certains, fade pour d’autres, sont disponibles en différents types (fumé, aromatisé, mariné) et conditionnements (tranches, dés, hachés, effilochés, émiettés, etc.) pour des applications variées, en cuisine et en snacking. Utilisables à froid et à chaud, juste remis en température ou rapidement poêlés, ils se substituent facilement à la viande dans une salade, un sandwich, une quiche et même une sauce façon bolognaise (voir les recettes pages suivantes). Dans cette même optique de diversification et de facilitation, les dernières innovations végétales en date visent à reproduire le visuel, la texture fibreuse et les saveurs du bœuf, porc, poulet… Avec deux typologies de produit : les prêts à l’emploi, pour garnir kebabs, tacos, wraps, pizzas, et les prêts à cuisiner, comme de la viande. L’objectif étant de séduire des consommateurs omnivores, soucieux de manger plus durable, mais pas au détriment du goût ni de la praticité. « Résultats de trois ans de recherche technologique et aromatique, nos lardons et bacon végétaux offrent des caractéristiques similaires aux équivalents carnés, mais avec moins de graisses saturées et de calories, à prix analogue, voire moins chers », rappelle Nicolas Schweitzer, qui espère ainsi toucher une communauté élargie de consommateurs.
Cracking de protéines
Au-delà du goût, l’autre argument phare de La Vie est sa fabrication française et sa recette dite clean (propre), avec une liste réduite de six à huit ingrédients selon les références, tous énumérés sur son site web. Cette volonté de transparence pèche encore sur ce marché, souvent pointé du doigt pour ses produits ultra-transformés aux compositions parfois complexes, comme le fameux haché signé Impossible Foods, l’un des pionniers américains du genre. Cela a contribué à alimenter la mauvaise image d’un secteur, également visé par les lobbys de la viande, peu ravis de voir émerger cette concurrence végétale, qui revendique bien-être animal, bénéfice santé et protection de la planète, trois arguments dans l’air du temps. Malgré des nutri-scores globalement meilleurs que la viande, les substituts carnés restent des produits (ultra) transformés, à base de protéines de blé, soja, fèves ou pois, extraites plus ou moins naturellement. Parmi les techniques utilisées, le cracking (ou fragmentation) est un process dont il ne faut pas abuser, au même titre que la charcuterie, autre produit transformé, dans une optique de durabilité et d’équilibre nutritionnel. D’autres pistes sont à l’étude pour réduire l’impact écologique de l’élevage : la viande cultivée en labo à partir de cellules-souches ou des substituts protéinés obtenus par fermentation de micro-organismes, comme ceux de Nature’s Fynd (lire La Toque Magazine n° 325-326). Le but : réussir à nourrir 9,7 milliards d’habitants en 2050.