Depuis plusieurs mois, les artisans subissent de plein fouet la flambée du coût des matières premières (farines, œufs, beurre, etc.) et de l’énergie. Dur de ne pas répercuter cette augmentation sur ses prix de vente pour préserver sa marge et la santé de son entreprise. Une hausse tarifaire pas évidente à encaisser pour certains consommateurs, dans un contexte inflationniste qui impacte le pouvoir d’achat global des Français. D’où l’intérêt de communiquer sur le sujet (idéalement en amont) en boutique, en ligne et/ou dans les médias (suivant ses affinités), afin d’informer sa clientèle.
1. En boutique
L’échange en boutique reste le premier vecteur d’information. Mais difficile aux heures de pointe de déployer tout un argumentaire à l’oral. Le support papier constitue alors un bon relais de communication, même si la brièveté d’un passage en magasin peut en amoindrir l’impact.
- Via l’affichage “Afin de répondre à vos attentes, nous devons maintenir la qualité de nos achats [ce qui suppose] l’augmentation inévitable du prix de certains produits”. À l’automne, la Maison Ruellan à Orléans a installé en vitrine des panneaux pour prévenir sa clientèle et expliciter ses hausses de prix, évolution chiffrée des coûts (énergie, matières premières et emballages) à l’appui. Cette initiative a aidé à faire passer le message et à désamorcer des critiques, selon l’équipe de vente, la majorité des clients comprenant les raisons de l’augmentation.
- Par un flyer : à Paris, la boulangerie Mamiche a diffusé un flyer au printemps pour prévenir sa clientèle des hausses de prix à venir compte tenu du contexte économique ambiant. Dans un objectif de « transparence », elle y détaillait certaines de ses problématiques d’approvisionnement et d’organisation. Par ailleurs, contrairement à une affiche, la lecture d’un flyer n’est pas cantonnée au lieu de vente. Le message a ainsi été relayé en prime sur les réseaux sociaux pour un maximum de visibilité.
2. En ligne
À vocation éphémère, ponctuelle, une communication digitale n’est cependant pas universelle : toute une frange de la population (les personnes âgées, notamment) n’est pas connectée. Certaines enseignes choisissent néanmoins d’informer leurs clients :
- À l’aide d’un post sur les réseaux sociaux : cet été, Jean-François Bandet, cofondateur de l’enseigne parisienne Bo&Mie, a relevé ses prix « au cas par cas, suivant nos coûts de revient et l’antériorité de la précédente augmentation sur chaque produit », indique-t-il. Des hausses ciblées « que nous avons voulues les plus minimes possibles (on parle en centimes ou dizaine de centimes d’euros) », accompagnées d’une communication en ligne visant à « expliquer le pourquoi, mais sans s’excuser : nous sommes commerçants et nos tarifs restent raisonnables », avance l’entrepreneur, qui n’a d’ailleurs pas été confronté à une vague de protestations sur les réseaux sociaux. « Sur 100 commentaires, 99 étaient positifs », la majorité des internautes saluant au passage « l’honnêteté » ou « la transparence » de l’entreprise.
Idem pour la boulangerie Lucette aux Sables-d’Olonne (voir photo) qui a posté une publication sur Instagram et sur Facebook, « afin de faire part de notre inquiétude et d’expliquer notre démarche, en rappelant nos valeurs artisanales et notre engagement local », rapporte le patron, Jacky Jeannière. D’autres artisans ont opté pour une communication encore plus éphémère, sous la forme d’une vidéo ou d’une story.
- Via un article dans sa newsletter : La pâtisserie Oh oui ! a profité de son envoi hebdomadaire pour prévenir sa clientèle des augmentations tarifaires à venir. Une communication digitale ciblée sur ses abonnés, détaillant là encore les causes extérieures et leur impact sur les prix en boutique (entre + 0,5 et + 1€ selon les références). Et d’espérer, en conclusion, « que toutes ces hausses que nous subissons ralentissent un jour pour pouvoir revenir à nos anciens prix ».
3. Le coup d’éclat
Inquiets et/ou menacés par la conjoncture actuelle, certains artisans ont pris le parti d’une communication davantage alarmiste, à la fois plus marquante et plus polémique.
- Dans les médias : un reportage dans la presse locale ou nationale offre une visibilité plus importante que l’information de sa seule clientèle, ainsi qu’une sensibilisation élargie du public aux problématiques économiques rencontrées par la boulangerie-pâtisserie artisanale. Depuis quelques mois, les fédérations professionnelles montent également au créneau afin de s’exprimer sur le sujet, plutôt bien relayé par les médias depuis la rentrée, ce qui participe indéniablement à la compréhension, voire à l’élan de solidarité des consommateurs.
- À l’aide d’un événement : le 25 octobre dernier, des artisans ont choisi de baisser leur rideau dans le cadre de la journée dite de deuil de la boulangerie artisanale. Une mobilisation nationale mais loin d’être générale. À Landivy, dans le Nord-Mayenne, Tony et Laëtitia Frelaut ont pris part à l’événement sans fermer boutique. Une manière de « participer à l’effort national tout en informant notre clientèle », raconte la patronne, qui a volontairement baissé l’éclairage au maximum dans son magasin et affiché une bâche noire en vitrine, barrée de la mention “La mort des bourgs”. Un slogan et une action “tape-à-l’œil” en vue de marquer les esprits : « Certains clients sont tombés des nues, mais la plupart était déjà au courant. Nous sommes en milieu rural, avec une population agricole également impactée par l’augmentation générale des coûts, comme tout le monde d’ailleurs. Dans leur majorité, les gens sont donc compréhensifs », poursuit Laëtitia Frelaut. Et de préciser : « Nos clients ont apprécié que l’on reste ouverts ce jour-là. Cela nous a permis d’amorcer un échange positif », prolongé par un article dans le quotidien local, Ouest France. À l’avenir, le couple se dit prêt à se mobiliser à nouveau si nécessaire pour sauvegarder leur boulangerie ouverte il y a 20 ans et, au-delà, leur profession artisanale.
À Landivy (53), la mobilisation de Tony et Laëtitia Frelaut dans le cadre de la “Journée de deuil de la boulangerie artisanale” leur a valu un article dans le journal.