Poser un pied chez Edwart, c’est se laisser embarquer. Exclusivement élaborés à partir de cacao grand cru “pur plantation”, les ganaches et les pralinés de la maison révèlent les arômes de leur terroir d’origine mais se parent aussi de ceux du pain de singe (fruit du baobab), du cumin, de l’écorce de combava, du poivre de Tasmanie ou de Madagascar… En fondant l’enseigne parisienne en 2014, Edwin et Arthur lui ont chacun légué la moitié de leur prénom, et lui ont fixé une ligne directrice : « Aucune limite dans la création. »

Resté seul aux manettes, Edwin Yansané s’y tient. Après sa formation de pâtissier-chocolatier, il est passé par différentes maisons, qu’il n’aime pas nommer : ce qui compte pour lui n’est pas le temps passé à travailler pour d’autres. Paradoxalement, sa parenthèse professionnelle chez un bijoutier a été plus marquante. Cette incursion dans le monde du luxe lui a donné les clés pour gérer la première de ses boutiques – au nombre de quatre aujourd’hui à Paris – et de l’inspiration pour son mobilier et le packaging de ses produits.
S’il ne travaille plus dans le luxe, Edwin reste dans le haut de gamme. « Le premier praliné que nous avons lancé était aux pistils de safran d’Iran, raconte-t-il. Pour nous, il est hors de question de remplacer des ingrédients de qualité par des substituts moins chers ! Nous ajustons au niveau de la gamme pour trouver un équilibre global. »
Il envoie valser les a priori, notamment « cette idée fausse selon laquelle le chocolat ne peut se marier qu’avec du sucré ». Et cela plaît : en 2017, le Taj Mahal, un praliné au curry de Madras, décrochait l’Award de l’originalité du Club des croqueurs de chocolat. Dans le genre piquant, figure aussi la barre pralinée aux graines de moutarde infusées dans une huile de wasabi.
Un cacao soigneusement sélectionné
« Je veux créer une émotion gustative qui dépasse le souvenir d’enfance », résume le chocolatier, qui s’inspire de ce qui l’entoure — un pot de miel chez un épicier, une odeur d’épices dans le quartier indien… – sans pour autant garder le monopole de la création. « Pour être heureux au travail, il ne faut pas être bridé, souligne-t-il. Tous les collaborateurs peuvent s’ils le souhaitent créer une recette. Un apprenti a une idée de chocolat aux noix de pécan et caramel au sirop d’érable ; cela me semble saugrenu – du sucre, encore du sucre et du gras — mais je le laisse tenter » Quand une collaboratrice rêve d’un chocolat au cassis pour la fête des Mères, Edwin accepte mais y ajoute des baies de genièvre et du yaourt au lait de chèvre.
Les gourmets moins aventureux trouvent aussi du réconfort chez Edwart : pâte à tartiner aux noisettes, chocolat au lait praliné et maïs soufflé, tablettes de dégustation de purs grands crus… il y en a pour tous les goûts.
Aucune concession n’est faite sur l’origine du cacao, soigneusement sélectionnée. « Pour un chocolat de qualité, chaque étape doit être bien maîtrisée : la culture, la récolte, la fermentation, la torréfaction…, reprend Edwin. Le goût du chocolat est façonné autant par le terroir que par la main de l’homme. Nous travaillons avec différents couverturiers : fabriqués avec des fèves issues de la même plantation et un même pourcentage de cacao, leurs produits sont très différents ! »
Outre les arômes, les divers crus se distinguent ainsi par une temporalité qui varie : le maximum d’intensité peut être atteint à l’attaque, au milieu ou à la fin de la dégustation. « Notre grand cru du Nicaragua dévoile d’abord des notes de cerises griottes, puis de tapenade noire bien pêchue, avant de finir sur de la compote de pruneaux, illustre l’artisan. Celui de Papouasie-Nouvelle-Guinée démarre doucement, sur de la poire acidulée, puis laisse un flottement avant de revenir en force avec des arômes de foin, de terre fumée et une note plus animale. »
Opposer ou accompagner
Pour l’enrobage et le fourrage de la plupart des chocolats, il a jeté son dévolu sur un grand cru du Venezuela. « Il est fleuri, fruité : il se balade à côté de l’ingrédient ajouté sans l’écraser », décrit le chocolatier, qui recourt sinon à une origine Tanzanie, « plus florale ». Pour certaines créations, il choisit des chocolats plus typés, venant « soit en opposition, soit en accompagnement de l’ingrédient ajouté ». Exemple d’opposition : la truffette au piment de Cayenne est écrasée par le grand cru de Papouasie-Nouvelle-Guinée, avant de laisser le piment ressortir en force. Exemple d’accompagnement : le grand cru du Guatemala aux notes d’olive noire s’accorde sans fausse note avec de l’huile d’olive.
Edwin assure ne faire que ce qui lui plaît, mais il aime faire plaisir. Pour un couple de fidèles clients, il s’est lancé dans le vegan. Ayant goûté leur pâte à tartiner végane pas folichonne, il a compati et créé le “Grain noir”, un produit sans ingrédient d’origine animal, mais pas sans gourmandise. Puis il s’est creusé la tête pour trouver un substitut végétal à la graisse animale dans les ganaches. Pari enfin réussi avec une crème de soja à 18 % de matières grasses. Et tant pis s’il faut ouvrir une à une toutes les briquettes de 20 cl, l’industriel ne le fabriquant pas en grand format. « On le fait dans un esprit inclusif : ces chocolats conviennent aussi aux intolérants au lactose, qui sont nombreux », souligne Edwin.
