Telles des œuvres d’art, les pâtisseries fines de Sandyan sont exposées dans des écrins de verre. Un régal pour les yeux, avant un enchantement des papilles. Cette pâtisserie-salon de thé ouverte en 2013 dans le centre historique de Toulouse porte les prénoms agrégés de ses fondateurs : Sandrine Batard (qui a depuis quitté l’aventure) et Yannick Delpech.
Pour celui qui fut le plus jeune chef étoilé de France à 24 ans, avec son restaurant l’Amphitryon installé à Colomiers, en Haute-Garonne déjà, l’ouverture de Sandyan a concrétisé un « rêve de gosse ». « Après huit ans de pâtisserie pure en boutique, je suis arrivé par hasard dans la cuisine, mais mon rêve ne m’a jamais quitté, confie-t-il. Après quinze ans, je l’ai réalisé en ouvrant Sandyan. »
Auréolé de deux macarons par le guide Michelin, il ne pouvait viser que du haut de gamme. « Mon idée était d’amener en boutique des desserts de restaurant : dans les goûts, les textures, la façon de les apporter à la fin d’un repas, détaille Yannick Delpech. Mais en boutique, il faut des gâteaux qui tiennent pendant sept heures : c’est compliqué, très différent d’un restaurant. Et je me suis rendu compte qu’en magasin, les gens veulent plutôt trouver des gâteaux traditionnels, des millefeuilles… On aime la créativité de temps en temps, mais on se réconforte au quotidien avec des pâtisseries connues. »
Les vendeuses confirment : à côté de créations plus originales, le succès du flan vanille, de la tarte Tatin et du paris-brest ne faiblit jamais. Yannick Delpech éclate de rire : « J’ai ouvert Sandyan en pensant être totalement différent des autres, mais, finalement, je fais beaucoup de gâteaux traditionnels ! »
Des pâtisseries au design poétique
C’est une demi-vérité. Déjà, le design de ses réalisations sort de l’ordinaire. Certaines pâtisseries individuelles aux intitulés poétiques (Larme de joie, Éclat de rire, etc.) sont dessinées comme des pièces uniques qui s’imbriquent pour reconstituer un entremets à partager.
Ensuite, nulle part ailleurs on n’a vu d’Œufs à la coque, la signature du chef. Un vrai « dessert de restaurant », qui fut créé pour le menu de Pâques 2000 de l’Amphitryon.
Depuis, l’entremets au coulis de mangue et ses mouillettes de pâte feuilletée sucrée n’ont jamais quitté la boutique. Ou presque. « Il est très demandé, mais je le retire en été en expliquant aux clients que ce n’est pas la saison idéale pour la mangue fraîche », précise le chef, qui martèle son attachement aux saisons et aux fruits frais : « J’y tiens absolument, absolument ! » Sous le ton affable pointe l’énervement. «Cela m’ennuie de voir de grands pâtissiers servir des fruits rouges en hiver en parlant de développement durable… Et ce n’est pas la faute des clients ! Si l’on explique nos choix, ils s’adaptent bien ; mais si on vend un macaron aux framboises fraîches en plein hiver, ils l’achètent ! »
« Amener en boutique des desserts de restaurant », Yannick Delpech
Ce discours engagé est mis en pratique dans son restaurant Des Roses et des Orties, ouvert en lieu et place de l’Amphitryon, qui ne vise plus les étoiles mais revendique un ancrage dans le terroir. Au sous-sol de l’établissement situé à 10 km de Toulouse se trouve le labo où sont réalisées les pâtisseries de Sandyan, et de ses cuisines sortent les bentos macrobiotiques proposés le midi dans la boutique : quatre portions de légumes et de poisson pour 20 €, à emporter ou à déguster sur place, à l’étage. Pour les bourses moins garnies, l’option sandwich et dessert est à 10 €. Un grand soin est porté à la qualité nutritionnelle de l’offre, salée comme sucrée – cette dernière étant élaborée avec « le moins de sucre possible ».
En 2020, Yannick Delpech s’est aussi lancé dans la boulangerie. Une suite logique pour celui qui trouve triste de manger un repas sans pain, mais mange volontiers du pain sans repas — « comme un gâteau ». Il a suffi d’un déclic : « Un jour j’ai rencontré un boulanger, on a parlé de pain, on a fait des essais, et on a lancé la boulangerie ! »
Trois boulangers élaborent les pains destinés au restaurant et à Sandyan, fabriqués à base de farine Culture Raisonnée Contrôlée du Tarn et de levain naturel. Ils s’autorisent des fantaisies, comme le pain « du stade toulousain », coloré en noir et rouge grâce à du charbon actif (aux vertus digestives) et à de la poudre de betteraves.
Des vitrines alléchantes
Des biscuits de voyage, pâtes à tartiner ou bonbons de chocolat viennent souvent au dernier moment alourdir le panier des clients. La conception du magasin favorise ces achats impulsifs. Après avoir déambulé entre les vitrines et arrêté son choix, le client est laissé seul le temps que la vendeuse prépare la commande dans l’arrière-boutique. Il suffit de quelques minutes d’attente dans les rayons alléchants pour se laisser tenter… Les invendus partent en fin de journée grâce aux applications antigaspi Too Good To Go ou Phénix.
La baisse du pouvoir d’achat des ménages devient un sujet de préoccupation pour Yannick Delpech, alors que la facture énergétique a triplé en un an. « La qualité des matières premières reste mon cheval de bataille, réaffirme-t-il. Nous sommes donc un peu plus cher qu’une pâtisserie toulousaine classique. Mais si demain je dois utiliser des produits au rabais pour tenir mes coûts, j’arrête. »