Alors qu’il a ouvert sa boutique en novembre 2020, Frédéric Hubert concède ne sortir la tête de l’eau que depuis peu. À la tête désormais de l’équivalent d’une TPE de 24 personnes, le jeune artisan s’est donné corps et âme depuis deux ans et demi pour lancer et développer son magasin : « J’ai passé bien des nuits blanches, d’autant plus que l’on était encore dans la période covid : rien n’avançait dans les dossiers, les travaux… J’ai travaillé de 3 heures à 22 heures, pendant six mois. Puis, peu à peu, j’ai pu embaucher du personnel, car la clientèle a rapidement afflué. Aujourd’hui, je m’occupe principalement des fournisseurs, de la gestion. Je ne suis en production que le samedi et pour d’éventuels coups de bourre en semaine. »
Frédéric a même fait une formation à la photo, mis en place un petit studio, pour publier des images de ses produits sur Instagram et Facebook. « Ça fonctionne très bien, explique-t-il, cela nous a fait gagner des clients. Mais c’est trop chronophage. Je vais sous-traiter à une petite agence de communication. »
En ce mercredi matin, 11 h, une dizaine de personnes patientent dans le magasin. Trois vendeuses souriantes s’affairent avec efficacité. La boutique est située dans une petite rue commerçante d’Elange, 2 000 habitants, qui fait partie de l’agglomération de Thionville. À côté, un tabac-presse et un charcutier-traiteur. La vingtaine de places de parking sont toutes occupées, gage d’une bonne fréquentation.
« Nous sommes vraiment bien placés, avec en face une école qui nous amène une clientèle de parents à 16 heures. Le matin, nous avons les personnes qui partent travailler au Luxembourg ; dans la journée, davantage de retraités, et le midi tous les employés des environs pour les sandwichs », souligne Frédéric, satisfait d’avoir contribué à redynamiser le secteur sur le plan commercial. « Quand je l’ai acheté, le fonds employait quatre personnes, dont les patrons, avec une trentaine de clients par jour. L’ensemble était très vieillot. J’ai dû tout refaire. Le magasin est un peu petit mais très lumineux et, surtout, le labo est très spacieux, avec un vaste espace de stockage. »
Fontaine à eau et chèques-cadeaux
Frédéric n’était pas destiné à la boulangerie. Fils d’un mécanicien et d’une coiffeuse, originaire d’une commune toute proche, il explique ne pas avoir été un bon élève lors de sa scolarité « classique ». Un cousin dans le métier lui donne l’idée de faire un CAP de boulanger-pâtissier. Plusieurs patrons lui transmettent le goût des bons produits et, surtout, de l’investissement personnel. Rapidement, il envisage de se lancer.

« J’ai vraiment beaucoup appris en apprentissage, puis en tant que salarié, et pas uniquement sur le plan technique, raconte-t-il. J’ai vu fonctionner ces petites structures et j’en applique les bonnes recettes pour la gestion du personnel. J’ai mis en place des avantages en nature : machine à café et fontaine à eau à disposition, petits colis-cadeaux à Noël et à Pâques, vêtements de travail fournis et lavés par l’entreprise, un repas convivial par an. Je vais instaurer des chèques-cadeaux, des tickets-restau, poursuit-il. Le magasin est également fermé le dimanche, ce qui a fait râler des clients, mais c’est aussi un choix vis-à-vis des salariés. J’essaie de réduire la pénibilité. J’ai investi dans un robot multifonction pour les pâtissiers, moins fatigant que de faire les crèmes dans des casseroles. Pour le levain, j’ai aussi acheté une machine programmable qui gère la température. Même si cela représente un vrai investissement financier, ajoute-t-il, tous ces éléments font que je n’ai pas du mal à trouver du personnel et à le conserver, alors que dans le Nord mosellan la concurrence est rude avec le Luxembourg, où les salaires sont très élevés. »

La compagne de Frédéric, qui était pharmacienne, l’a rejoint il y a deux ans, pour faire face au développement de l’activité. Elle s’occupe également de la gestion et de la comptabilité. « Il y a pas mal de fermetures de magasins sur Thionville et alentour, souligne Frédéric. Des départs en retraite et des fonds non rachetés. Je pense que l’avenir de la profession est plutôt dans des structures comme la nôtre : de taille importante. Cela permet de mieux résister auxà-coups, comme la hausse des charges. » Frédéric qui regrette par ailleurs le gâchis en termes de formation dans la filière boulangerie : « Sur ma promotion de trente au centre de formation des apprentis, trois seulement sont restés dans le métier. Tous les autres ont quitté cette voie… »

Côté technique, Frédéric reprend également ce qu’il a vu d’intéressant auparavant. Il utilise du levain, mais pas uniquement, et propose des produits mixtes comprenant aussi de la levure classique. « Le levain apporte de la conservation, il est intéressant sur le plan nutritionnel. En revanche, il peut donner un petit goût acide. D’où ce choix de mixer. J’ai fabriqué moi-même ma souche de levain, à l’automne 2020, à partir des pommes de mon verger. »

Frédéric a également beaucoup d’idées de produits originaux, issues de ses réflexions avec son équipe de pâtissiers, comme ces pots spécial 1er mai. En octobre l’année dernière, il a proposé de faire dessiner les motifs des fèves 2023 par les enfants du quartier. L’an prochain, il les fera décorer à l’effigie des pompiers de Thionville, action complétée par un geste de solidarité : 1 € par galette sera reversé à l’association des pupilles des sapeurs-pompiers. Sachant que la boutique en vend en moyenne 4 000.