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Sébastien Lefrançois est propriétaire du fonds de commerce.
Sébastien Lefrançois est propriétaire du fonds de commerce. © J. SONTAG

La Belle Façon, un conteneur de créativité en Seine-Saint-Denis

Boulanger reconverti, Sébastien Lefrançois a créé un modèle économique original avec son fournil improvisé dans un conteneur posé dans une friche culturelle francilienne, à Saint-Denis. Au menu : réactivité et rentabilité, pour des pains fabriqués « dans les règles de l’art ».

Ce jour-là, à l’étroit entre les sacs de farine, le plan de travail, les pâtons qui poussent et la pâte en attente de pétrissage, s’affairent Denis Hardy, le manager, et Bastien Octrovée, le boulanger. Il règne dans le conteneur de La Belle Façon, parallélépipède métallique occupé au quart par un imposant four, un climat « continental », plaisante Denis. « Il peut faire très froid quand on arrive le lundi matin comme très chaud le soir quand le four est allumé. » 

En activité du lundi midi au vendredi dans la nuit, le fournil improvisé, posé au fond du parc de la friche culturelle Le 6B à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), mesure 20 m2 au sol. Une contrainte autant qu’une chance pour Sébastien Lefrançois, le propriétaire du fonds.

Bastien Octrovée, le boulanger, Denis Hardy, le manager, et Sébastien Lefrançois. (© J. SONTAG)

 

Ancien chorégraphe et danseur contemporain, ce dernier a décidé, une fois une fois la quarantaine bien passée, de se reconvertir dans la boulangerie. S’il a choisi de s’installer ici en septembre 2022, c’est parce que son projet de « reprendre le travail dans les règles de l’art » n’était viable qu’avec des charges fixes « au ras des pâquerettes ». Pas de boutique, donc pas de vendeur à payer ; un loyer de 550 € — qu’il estime trois fois moindre à celui d’un fonds de commerce en centre-ville de Saint-Denis —, et initialement deux salariés : lui-même et un livreur.

Dans cette même optique d’efficience économique, ici, chaque pain fabriqué est vendu. « Nous payons nos farines [en provenance des fermes d’Orvilliers, en Eure-et-Loir, et de La Drouillerie, dans la Marne, NDLR] bio­logiques et de blés anciens, très chères. Là où certaines boulangeries achètent leur kilo de farine de petit épeautre quatre-vingts centimes d’euro, nous sommes plutôt autour de quatre euros. Donc à chaque fois que nous bâtissons un pain, l’idée est d’être certains qu’il est acheté. » 

Pour s’en assurer, les commandes — passées depuis une zone de chalandise recouvrant essentiellement le Nord-Est parisien — sont prises la veille pour le lendemain via un site internet www.labellefacon.fr, édité par l’association de boulangers Les Coop-pains (lire encadré). Elles proviennent principalement de magasins bio, d'Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne et de coopératives de consommateurs.

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Le fournil propose deux types de pains au levain pétris à la main, moulés ou façonnés, pour une gamme d’une quinzaine de produits labellisés Nature & Progrès. « On ne fabrique pas toute la gamme tous les jours », précise Denis. Ce lundi-là, par exemple, neuf recettes sont en production. « Le mardi, l’une des plus grosses journées, on prépare quatorze pains différents, sur une amplitude horaire de travail de douze à treize heures. » La fabrication démarre à midi, les livraisons sont assurées à vélos-cargos électriques au petit matin.

Denis Hardy vérifie la poussée des pains moulés avant de les mettre au four. (© J. SONTAG)

 

Réactif, le fournil est rentable. « Par contre, on a le moindre pépin : un pneu crevé, par exemple, et c’est une petite catastrophe », souligne Sébastien. Si l’entreprise n’a aucune difficulté à commercialiser ses pains — « l’offre est plus que là », image Denis —, l’espace contraint limite son développement. La Belle Façon ne peut pas non plus recourir à la pâtisserie, pourtant vectrice de marge, interdite par la configuration du local, qui est notamment dépourvu d’un sol carrelé. « Avec La Belle Façon, nous signons un contrat avec une forme de fragilité, ajoute Sébastien. On ne sera jamais une grosse machine économique. »

Le 6B est une friche culturelle de Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis. (© J. SONTAG)

 

Jeune papa de 56 ans, il se lance aujourd’hui dans une nouvelle aventure avec l’acquisition d’un fonds de commerce dans le sud de la France. Et passe la main à Denis tout en restant propriétaire du fonds. Ce jour-là, il discute avec lui et Bastien de manière assez démocratique des modalités de fonction­nement futures du fournil. 

Une belle affaire La Belle Façon. Déficitaire en 2022 et 2023 — année d’acquisition du four d’une valeur de 40 000 € —, l'entreprise a dégagé un (petit) bénéfice pour la première fois en 2024. Si son avenir est suspendu à celui du 6B, le modèle économique inventé par Sébastien dans cet espace atypique, tiny boulangerie aux fenêtres donnant sur le canal Saint-Denis, aura déjà fait ses preuves.

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