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L’apprentissage est un modèle  économique qui consolide les entreprises artisanales  - Laurent Bisson
L’apprentissage est un modèle économique qui consolide les entreprises artisanales - Laurent Bisson

DOSSIER Crise : quelle stratégie de recrutement ?

La période de confinement a impacté de nombreuses boulangeries, même si certaines s’en sont relativement bien sorties. Pour les plus fragilisées, le retour des salariés et le cumul des charges font courir le risque du dépôt de bilan. Comment repartir en allégeant la masse salariale ? Comment ensuite repenser son recrutement pour faire face à la crise économique qui se profile ?

1. Relancer l’activité pour sortir de la crise

La boulangerie-pâtisserie a été impactée par la crise sanitaire, mais certains artisans sont plus en difficulté que d’autres. État des lieux et solutions pour sortir de l’impasse.

À L’ANNONCE DU CONFINEMENT GÉNÉRAL, souvenez-vous, de nombreux boulangers se sont retrouvés débordés par la situation et ont préféré baisser le rideau ou réduire les effectifs en attendant d’y voir plus clair. Il faut dire aussi que le confinement n’était initialement prévu que pour quinze jours… Aujourd’hui, les artisans qui ont tenu à rester ouverts s’en sortent relativement bien, avec plus ou moins de « casse », alors que ceux qui se sont totalement arrêtés se retrouvent, pour beaucoup, dans une situation critique.

On reste ouvert !

Laurent Bisson, boulanger-pâtissier à Chevannes, un petit village bourguignon de 2 400 habitants, avait décidé de poursuivre la production et de garder son personnel. « Avec l’élan de solidarité incroyable qu’il y a eu autour de nous, nous avons pu continuer dans les meilleures conditions sanitaires et économiques. Notre bailleur nous a généreusement proposé un escompte de 300 euros/mois sur les loyers. Notre banque nous a aidés à obtenir un « Prêt garanti par l’État » (prêt de sauvegarde à 0 %, dont le montant peut aller jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires 2019). Nous nous sommes réellement sentis soutenus par nos clients et nos partenaires, ce qui nous a fait extrêmement plaisir. Sur le plan économique, nous nous en sortons bien : le chiffre d’affaires n’a été que faiblement impacté. Nous avons tout de même perdu la clientèle la plus éloignée. Le challenge pour nous a surtout consisté à protéger la santé de nos salariés et de nos clients et à adapter la production face aux nouvelles habitudes de consommation. Les ménages ont en effet acheté davantage de pains et de pâtisseries et bien moins de snacking et de viennoiseries. (consultez notre étude CHD d’avril 2020 qui le confirme).

Avec le recul, nous avons bien fait de poursuivre l’activité… car ceux qui ont été contraints à l’arrêt sont aujourd’hui malheureusement en difficulté et dans le souci », explique le maître

artisan qui a pu compter sur une équipe impliquée, solidaire et motivée (voir 2.).

L’intérim : une solution de souplesse pour les entreprises fragilisées.

Le recrutement en boulangerie-pâtisserie doit nécessairement évoluer avec son temps.

Coup de grâce

Mais tous les commerces alimentaires, notamment ceux qui sont restés fermés, n’ont pas eu cette chance. De nombreuses boulangeries doivent aujourd’hui faire face à de grandes difficultés de trésorerie. En avril déjà, près d’un tiers des dirigeants de TPE (fermées lors du confinement) souffraient de la situation, craignant un dépôt de bilan, d’après une étude de l’Observatoire Amarok sur le « Moral des chefs d’entreprise et le redémarrage post-crise sanitaire ». Début mai, l’annulation des charges sociales uniquement pour les commerces jugés « non essentiels » (qui ont été obligés de fermer) a porté un coup dur, ce qui a fait vivement réagir les représentants de la filière. « Les conséquences économiques de cette crise sont aussi à déplorer pour les entreprises artisanales de première nécessité » s’est insurgé Christian Vabret, président par intérim de la CMA France (chambre de métiers et de l’Artisanat) dans un communiqué du 5 mai. Avec le cumul des charges (loyers, cotisations, emprunts…), la désertion des clients (qui ont parfois pris leurs habitudes ailleurs), la reprise des salariés (qui étaient au chômage partiel) et la perte de clientèle (liée aux départs en vacances), les prochains mois risquent d’être difficiles pour beaucoup. Relancer l’activité au plus vite, tout en allégeant au maximum les charges : telle sera la difficile équation à trouver.

L’accueil de collégiens stagiaires est un bon moyen d'évaluer la motivation des futurs apprentis.

Recrutement souple

L’allègement des coûts salariaux est au cœur de la stratégie de relance. « Certains n’auront pas d’autre choix que d’étaler dans le temps le retour des salariés qui sont au chômage partiel. Le licenciement pour motif économique pourra aussi être malheureusement la solution si l’entreprise n’a plus la capacité de supporter sa masse salariale. Cela pourra être l’occasion aussi d’envisager d’autres modes de recrutement, au moins de manière transitoire. Le recours à des «extras» en CDD ou à des intérimaires peut être intéressant pour faire face aux aléas de la production. L’intérim a l’avantage de libérer le dirigeant de toutes charges administratives. C’est une solution d’une grande souplesse qui peut lui permettre de relancer son activité sans prendre de risque financier. C’est aussi une sécurité en cas de seconde vague de Covid-19 », conseille Richard Pesty, directeur de Fournil Intérim, une agence d’intérim spécialisée en boulangerie-pâtisserie (région parisienne) qui dispose d’un vivier de candidats prêts à prêter main forte. Faire appel à des extras ou des intérimaires sur certains jours (de forte production) peut-être un moyen de se « refaire ». Une stratégie à inscrire sur le long terme ?

Réveiller votre réseau

Si vous avez à disposition, dans votre réseau, des personnes compétentes qui sont prêtes à s’engager pour vous aider à remonter la pente, il existe des solutions contractuelles moins onéreuses et rapidement opérationnelles, telles que celles proposées par Interim.cloud. « Notre service s’adresse aux entreprises qui gèrent elles-mêmes leurs recrutements et qui disposent déjà d’un réservoir de candidats disposés à travailler en contrat intérim (anciens extras ou intérimaires, anciens salariés, candidatures spontanées, relations…). Nous apportons tous les outils juridiques et techniques pour faciliter la mise en place de ces contrats à distance. Le suivi se faisant exclusivement en ligne, notre service a l’avantage de réduire sensiblement les coûts pour l’exploitant. Cette solution peut aider les entreprises fragilisées par la crise dont les charges ont été simplement déplacées et non annulées », explique Isodore Da Silva, directeur général de la société Interim.cloud. Quelle que soit votre situation, ne baissez pas les bras. Rapprochez-vous de votre chambre de Métiers qui dispose d’un certain nombre de solutions. Sollicitez aussi la population par un système en ligne de cagnotte solidaire (leetchi.com) ou de financement participatif (ulule.com). Vous risquez bien d’être étonné de leur soutien ! ❖

Le coronavirus a impacté les commerces de première nécessité.

INNOVATION ORGANISATIONNELLE

Les pistes pour recruter autrement :

• Utiliser les nouveaux services digitaux de recrutement et/ou de gestion RH (ex. : Interim.cloud, bonjob, gofer, job-minute…).

Créer de nouveaux postes hiérarchiques pour déléguer certaines fonctions stratégiques et faire évoluer les salariés.

Organiser des services internes (gestion-compta, RH, qualitéhygiène-sécurité, communication-marketing…) et recruter dans ces métiers.

Faire appel à des intérimaires ou à des « extra » (CDD courts) sur des missions particulières (snacking, surcharge d’activité, remplacement…).

Recruter des auto-entrepreneurs sur des services périphériques (livraison, communication, entretien informatique…).

Faire intervenir des agences ou des sociétés de service sur des tâches connexes (nettoyage, lutte contre les nuisibles, recrutement, publicité, sécurité au travail…).

2. Repenser sa manière de recruter

Dans toute crise, il y a du positif à tirer. Et si l’été vous permettait de prendre du recul sur votre manière de recruter ? Les conseils de pro.

« Accueillir en stage les collégiens de 3e »

Laurent Bisson, boulanger-pâtissier (Chevannes, Yonne)

Laurent Bisson, boulanger-pâtissier (Chevannes, Yonne)

« Dans notre région, les collégiens de troisième ont un stage obligatoire de cinq jours à faire dans une entreprise. Je reçois de nombreuses candidatures de la part des collèges, missions locales, chambres de métiers… Je n’ai plus qu’à faire mon choix. Cette année, j’en ai accueilli quatre et j’en ai gardé un qui arrivera en septembre pour faire son apprentissage en pâtisserie. L’entretien préalable en présence des parents permet de sentir déjà pas mal de choses, même si les jeunes sont souvent intimidés. En cinq matinées, le stage me permet de confi rmer la motivation du jeune : sa curiosité, sa prise d’initiative, sa compréhension des tâches, son envie de progresser, sa volonté d’en faire son métier… Accueillir des stagiaires de 3e me permet de recruter sans me tromper. Il faut bien sûr jouer le jeu et leur donner envie d’entrer dans le métier où on peut faire de très belles carrières. Tous ces apprentis qui passent dans la maison gagnent rapidement en autonomie et en compétence. Certains ont ensuite des parcours d’exception qui font notre fi erté. Lorsque j’ai besoin de recruter un bon professionnel en CDI qui veut rester dans la région, je sais aussi très vite où le trouver ! »

« Soigner le poste qu’on a à offrir »

Didier Godart, chargé de recrutement chez Fournil Recrutement (Paris)

Didier Godart, chargé de recrutement chez Fournil Recrutement (Paris)

« Le processus d’embauche est bien souvent bâclé en boulangerie par manque de temps, de disponibilité ou de compétence. Les erreurs de recrutement ajoutent de la «difficulté à la difficulté». Les patrons qui peinent à trouver les bonnes personnes devraient se placer du point de vue des candidats. Réussir son recrutement, c’est soigner le poste qu’on a à offrir. La grille de salaire du syndicat ne correspond plus au marché de l’emploi. Il faut arrêter de s’y référer. Si on veut garder quelqu’un, il faut y mettre les moyens et ne pas raisonner en termes de coût mais plutôt d’investissement. L’intérêt d’un poste ne se réduit pas non plus au salaire, aux horaires et aux jours de repos. L’ambiance de l’équipe, l’intérêt des tâches, la modernité et l’état du laboratoire, la fabrication maison… tout cela a son importance, de même que la question du transport qui est essentielle. Le parking privé est un gros atout dans les grandes villes (l’horodateur coûte cher). La proximité d’un arrêt de bus l’est tout autant en zone rurale. Faire appel à un professionnel du recrutement spécialisé dans le métier permet de maîtriser cette fonction stratégique et peut éviter bien des déconvenues. »

« Prendre du recul sur son recrutement »

Bertrand de Witte, chasseur de tête et fondateur de Witalents Gourmet (France)

Bertrand de Witte, chasseur de tête et fondateur de Witalents Gourmet (France)

« Trouver des talents compétents et motivés est un défi très présent en boulangerie-pâtisserie, comme dans de nombreux secteurs en tension (plus d’offres que de candidats). Manque de compétences en psychologie du responsable, incapacité à percevoir les «soft skills» (compétences comportementales), faible attractivité du poste ou de l’entreprise (réputation du commerce, incompatibilité avec la vie perso, éloignement, vétusté des locaux, hygiène…), les raisons sont nombreuses. La motivation, c’est aussi à l’employeur de la susciter ! Et cela commence par un poste bien défini et motivant, par une offre d’emploi attrayante ou par un processus d’embauche et d’intégration qui favorise une «vraie rencontre». Ensuite, lorsque l’entreprise se développe, il faut être en mesure de prendre du recul sur son recrutement quitte à se faire accompagner. La croissance engendre souvent un besoin de poste(s) d’encadrement. C’est une opportunité pour faire monter en responsabilité les salariés et ainsi donner des perspectives. Certaines fonctions peuvent aussi être externalisées et confiées à des consultants ou à des sociétés de service. C’est le cas du recrutement bien sûr, mais aussi de la communication, du marketing, de l’hygiène… Il est faux de croire que sous-traiter coûte plus cher que de faire soi-même, compte tenu du temps passé, des frais et des risques. Un recrutement raté peut mettre l’entreprise en danger. »

Dossier réalisé par Armand Tandeau (juin - juillet 2020, N°314 - 315)

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