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Dossier Boulangerie du futur : nouvelles technologies, quelle place demain ?

Portées par l’innovation digitale, les machines et les logiciels devraient encore progresser dans l’univers du petit commerce et de l’artisanat, mais pas au point de remplacer l’humain.

Lorsqu’on regarde en arrière, sur dix ou vingt ans, nous nous rendons bien compte que la technologie (informatique, robotique, numérique, tactile…) a envahi l’univers de la boulangerie-pâtisserie. Les machines intelligentes bardées de capteurs et de processeurs sont partout, bien que de plus en plus discrètes (cachées dans une platine de commande, une tablette murale ou un terminal point de vente). Les progiciels et logiciels font de plus en plus de choses en production, vente ou management. À l’avenir, doit-on s’attendre à voir proliférer les écrans ? Les robots remplaceront-ils l’humain ? L’intelligence artificielle sera-t-elle au cœur du business artisanal ?

La digitalisation devrait davantage faciliter la maîtrise des procédés.

Une expertise irremplaçable

Pour Sébastien Audras, chef de produits chez Pavailler Solution (marques Pavailler, Cfi, Bertrand-Puma et Oem), l’avenir de la boulangerie artisanale repose d’abord sur l’humain, pas sur les machines : « L’expertise du boulanger est irremplaçable : les farines et les ferments sont des matières vivantes, trop changeantes et irrégulières pour être maîtrisées par un logiciel ou une intelligence artificielle. Le boulanger apporte surtout une signature unique au pain, sans compter qu’il est plus que jamais une figure centrale de la vie locale. Une boulangerie intégralement automatisée ou robotisée n’aurait aucun sens aujourd’hui. Les évolutions récentes du métier nous montrent plutôt que la boulangerie sera même davantage “humanisée” dans le sens où le métier est encore pénible et difficile d’accès pour les femmes. L’amélioration du bien-être au travail est une voie de progrès. Les nouvelles technologies devraient renforcer l’ergonomie, l’hygiène et la sécurité et simplifier les process. Les gestes sans valeur ajoutée continueront d’être allégés : enfournement et défournement, décuvage et remplissage du pétrin, division et façonnage, nettoyage, entretien et dépannage, etc. Même si certains fournils resteront concentrés sur la productivité, le mouvement en artisanat tend globalement vers plus de qualité. Et celle-ci prend un sens de plus en plus large : le goût, la santé, l’écologie, le patrimoine, la responsabilité sociale... Le phénomène des paysans-boulangers ou des reconvertis passionnés par les matières premières est inspirant. Le modèle français, qui est si particulier dans le monde, demeure donc une valeur sûre : il va perdurer et devrait même renforcer ses différences. »

Interactions physiques ou virtuelles

Côté magasin, même constat. Le personnel de vente sera même davantage valorisé, car il sera de plus en plus stratégique. « Le robot humanoïde dédié au service et à l’encaissement est un fantasme ! affirme Matthieu Limon, responsable marketing de CashMag. La robotisation n’ira pas contre l’humain, en tous les cas pas en France et pas dans la prochaine décennie. La technologie d’encaissement évoluera par contre pour sécuriser et faciliter la transaction de manière à libérer l’attention du client et de la vendeuse. Les monnaies virtuelles et le paiement sans contact devraient aussi se démocratiser. La relation commerciale s’en trouvera enrichie et pacifiée car l’échange de monnaie physique est source de stress. La caisse centrale sera de plus en plus puissante avec une diversification des applications business : gestion des commandes à distance, des stocks, des achats, du site e-commerce, des procédures d’hygiène et de traçabilité, information consommateurs (ingrédients, allergènes), recommandations commerciales, etc. L’expérience utilisateur sur le point de vente et l’intégration des outils numériques via une stratégie omnicanale seront au cœur de l’innovation. »

Dans un commerce omnicanal, les supports virtuels sont parfaitement intégrés avec le magasin physique.

© PEXEL/COTTONBRO

Après la génération « multicanale » des années 2010, le commerce du futur sera « omnicanal » : le parcours d’achat exploitera différents canaux d’interactions physiques ou virtuels reliés et uniformisés entre eux pour que le client puisse accéder aux mêmes informations à tout moment et depuis n’importe quel support.

L’intelligence relationnelle de la vendeuse sera difficile à remplacer !

« Maturité technologique »

La digitalisation, soutenue par le développement de l’intelligence artificielle (voir encadré p. 134), devrait donc continuer à progresser… en douceur. Seules les solutions qui simplifieront le quotidien de l’entreprise ou qui doperont ses performances (économiques, écologiques, sociales) sortiront du lot. Il faut bien se rendre compte que le vieux rêve qui nous portait à croire que le progrès technologique résoudrait tous nos problèmes a pris du plomb dans l’aile avec la crise sanitaire. « Le modèle productiviste soutenu par l’innovation technique était déjà à bout de souffle, reconnaît Julien Girardot, directeur commercial de Salva France. Regardez ce qui fait courir les gens aujourd’hui : l’économie circulaire, l’agriculture biologique, les circuits courts… Les gens veulent revenir à un modèle plus sobre, plus respectueux de la terre et de la santé. Nous sommes allés très loin dans l’innovation pour toujours plus de confort et de productivité. Aujourd’hui, on se rend compte qu’on a atteint une maturité technologique. L’idée d’automatiser le process ne semble pas être la voie d’avenir en artisanat. Le groupe automatique ne s’est jamais vraiment vendu. Le tunnel de cuisson n’a aucune chance de percer et le four rotatif n’a plus la cote. La cuisson sur sole réfractaire reste la valeur sûre. Le système d’enfournement/défournement automatique (four Magma) peut encore progresser dans les gros fournils centraux. »

Les systèmes d’enfournement automatisés devraient se démocratiser pour plus de productivité et de confort (photo : élévateur Aria, Europain 2020).

Vers un « fournil-cuisine » ?

Dans les prochaines décennies, il est probable que le fournil évolue fortement par un rapprochement encore plus net avec l’univers de la restauration. La percée remarquable du snacking ces dernières années et la fragilisation des restaurants liée à la crise sanitaire nous font penser que la boulangerie devrait encore davantage prendre de parts de marché sur la restauration. Mais la cuisine est un autre métier, avec d’autres exigences, et la fusion des savoir-faire sera certainement lente et à double sens (des restaurants intègreront une boulangerie). Dans l’immédiat, il est probable que le snacking boulanger tende toujours plus vers une restauration rapide, simple ou plus raffinée (bistronomique). Côté cuisson, la polyvalence attendue risque d’être plus limitée que prévu (le pain, la pâtisserie-viennoiserie, la pizza, les plats mijotés ou les rôtis ont des besoins très différents). Les nouvelles technologies seront bien sûr mises à profit pour simplifier la gestion des cuissons, alléger la charge d’entretien ou la réactivité du dépannage. Dans le fournil du futur, il y aura surtout une part importante de profils aux compétences différentes et complémentaires qui seront aidés par des équipements intelligents et un chef d’orchestre expérimenté : un boulanger ou une boulangère.

Les platines de commande sont de plus en plus intelligentes (photo : Varia de Jac).

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