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«J’ai testé toutes les marques d’eaux minérales», explique Frédéric Lalos. © L. Allafort
«J’ai testé toutes les marques d’eaux minérales», explique Frédéric Lalos. © L. Allafort

dossier Les enjeux de l’eau en boulangerie : «Travailler l’eau comme un ingrédient» (partie 3)

Interview de Frédéric Lalos

Frédéric Lalos est boulanger, spécialisé dans l’approvisionnement des grands restaurants parisiens. Lui qui a été le plus jeune Meilleur Ouvrier de France en 1996 s’est engagé avec le spécialiste de la filtration Brita pour mener des essais sur l’eau de coulage.

La Toque Magazine (LTM) : Depuis quand vous intéressez-vous à la qualité de l’eau en boulangerie ?

Frédéric Lalos (FL) : Je suis boulanger en région parisienne, où l’eau du robinet est très calcaire. J’ai d’abord été sensibilisé à la qualité de l’eau pour l’entretien du matériel. Cela fait seize ans que je travaille avec Brita sur la filtration de l’eau pour les chambres de fermentation et les cannes à buées de mon four. Je ne reviendrai pas en arrière. L’efficacité n’est plus à démontrer. Le gain en qualité de travail et en sérénité, de même que sur les coûts de nettoyage ou de réparation compense largement l’équipement nécessaire.

LTM : Aujourd’hui vous vous intéressez à l’eau en tant qu’ingrédient du pain à part entière ?

FL : En boulangerie, on travaille beaucoup sur la farine et on a raison de le faire car c’est très important. Cependant, on oublie souvent l’eau, qui est le deuxième ingrédient le plus important en masse. La panification fait intervenir des processus biochimiques et microbiologiques qui peuvent être fortement influencés par la présence de désinfectant, d’oligo-éléments et de nutriments en quantités plus ou moins importantes. Cela paraît évident, mais dans notre pratique, il est très rare de le prendre en compte.

LTM : Comment avez-vous été sensibilisé au sujet ?

FL : Je ne me suis vraiment sensibilisé à la qualité de l’eau de coulage que récemment. C’est au cours de la préparation d’un voyage professionnel au Japon que le sujet est venu à moi. Pour préparer les essais de panification sur place, j’ai demandé à mes contacts là-bas de me faire parvenir des échantillons de farine. Ils ont fait mieux que cela puisqu’ils m’ont envoyé également de l’eau japonaise — convaincus que leur eau très dure aurait une influence forte. Depuis lors, j’ai réalisé des tests de panification avec des eaux minérales en bouteille sur des pains 100 % levain. Je crois bien que j’ai testé toutes les marques avec des résultats que j’ai trouvé clairement décevants. Mon interprétation est que ces eaux ont été trop appauvries en nutriments. En revanche, j’ai réalisé des tests de panification avec une eau minérale naturellement gazeuse prélevée à la source dans le Massif central. Cette fois-ci, les résultats m’ont convaincu. La présence de certains éléments dans cette eau m’a en outre permis de réduire de 25 % la teneur en sel. Travailler l’eau comme un ingrédient à part entière est selon moi un facteur de progrès technique, mais également un nouvel axe de créativité dont on peut s’emparer.

LTM : Où en êtes-vous de la réflexion ?

F. L. : Depuis deux ans, j’ai mis un filtre pour mon eau de pétrissage. Je vois bien que cela donne des résultats. Les pains semblent plus développés, la fermentation et la crache sont meilleures. Aujourd’hui je souhaite aller encore plus loin pour améliorer la qualité boulangère. Ce sera le chantier de 2022, je l’espère, si les conditions sanitaires le permettent. Cela passera par des essais menés de façon rigoureuse en partenariat avec Brita, visant à clarifier de façon scientifique les liens entre la qualité de l’eau et différents paramètres au niveau de la qualité du pain. L’eau a des influences sur la chimie et sur la biologie dans la pâte. C’est un monde très compliqué mais en même temps c’est fascinant, car on touche à ce qu’il y a de vivant dans le pain.

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