Le chocolat est un mélange de pâte de cacao, de beurre de cacao et de sucre. Le pourcentage de cacao englobe sans distinction la pâte et le beurre de cacao. La « couverture » est par excellence le chocolat des professionnels. Il se caractérise par sa richesse en beurre de cacao (au moins 31 % selon la législation en vigueur) qui lui apporte une grande fluidité et ainsi un bon pouvoir couvrant. D'où son nom.
Particulièrement recommandé pour le moulage de sujets et l'enrobage de bonbons de chocolat, il est aussi largement utilisé en incorporation dans des mousses, fourrages, ganaches, glaces… auxquels il apporte un haut niveau gustatif.
Il se distingue néanmoins du chocolat de laboratoire, moins riche en cacao et donc plus sucré et moins fluide, utilisé uniquement en incorporation pour la préparation de pâtisseries ordinaires.
Mondialisation aidant, la diversité des couvertures proposées aux professionnels s'est particulièrement étoffée ces dix dernières années. Entre le cépage d'origine, la teneur en cacao, le profil aromatique, la fluidité et la température de travail, il y en a pour tous les goûts. Mais difficile de s'y retrouver quand on n'est pas chocolatier de formation ! Comment, dès lors, se positionner sur une offre de chocolat de qualité ?
A l'origine, le goût
La saveur est le premier critère de qualité à considérer. Le taux de cacao joue évidemment un rôle important. Le cépage d'excellence est indubitablement le criollo, mais il est beaucoup plus cher. Suivent le trinitario et surtout le forastero, moins subtils mais beaucoup plus abordables.
Le pays d'origine, le terroir de production, la qualité des récoltes et la fermentation des fèves participent bien sûr au bouquet aromatique. Chaque couverturier ajoute aussi sa « marque de fabrique », via la torréfaction ou le conchage principalement, avec plus ou moins d'amertume, de rondeur, de grillé ou d'acidité.
Philippe Bertrand, spécialiste de renommée mondiale, MOF chocolatier chez Barry Callebaut, explique « qu'aujourd'hui, on parvient à avoir une gamme aromatique d'une grande richesse. En effet, en passant un contrat avec des familles d'agriculteurs locaux, on peut s'assurer l'exclusivité d'une miniproduction de cacao aux caractéristiques bien précises ».
Les « plantations » ou les « grands crus » (délimitées géographiquement), et, dans une moindre mesure, les « crus » ou les « origines » (cacaos nationaux) offrent l'avantage d'une typicité encore plus marquée.
Mais, comme dans le champagne, le mariage des cépages (si on le maîtrise bien) peut parfois sublimer les variétés de cacaos. C'est ce qui fait la spécificité de la chocolaterie Weiss, à Saint-Etienne. Florence Moulin, directrice du marketing, explique que « l'assemblage part du principe que l'association de différentes fèves permet non pas simplement l'addition des arômes mais l'amplification de notes subtiles cachées. Le chocolat obtenu est aussi plus régulier, ce qui facilite la reproductibilité des recettes ».
Les choses se corsent
La grande diffficulté du chocolat, c'est que si on le fond, il faut le recristalliser ensuite dans les règles de l'art (un simple refroidissement n'y suffit pas !). C'est une condition indispensable pour réussir ses enrobages ou ses moulages.
« Un bon tempérage se traduit par un fondant remarquable, une casse franche et un beau brillant », précise Philippe Bertrand. « La cristallisation idéale, poursuit-il, permet au chocolat d'atteindre son point de fusion optimal qui est de 34°C. Cela signifie que dans la bouche, il ne fondra pas trop vite, ce qui lui permettra de délivrer tous ses arômes. »
Le tempérage nécessite de suivre la courbe de cristallisation à la lettre (voir « Equipements de laboratoire : que choisir ? »), ce qui peut paraître fastidieux, d'autant que certains chocolats se travaillent plus difficilement que d'autres. Non seulement ils demandent une précision au degré près pour le tempérage, mais en plus ils finissent par épaissir quand on les maintient trop longtemps à température. Le travail du chocolat est un métier, vous l'aurez compris.
Cependant, les fabricants de chocolat ont fait beaucoup d'efforts pour que leurs produits cristallisent facilement et restent souples plus longtemps. La lécithine (matière grasse naturelle qui sert de liant) est souvent introduite à cet effet.
Bon à savoir : il existe des cristaux de beurre de cacao qui permettent de se passer d'une tempéreuse (Belcolade, Cacao Barry). Philippe Bertrand, à l'origine du procédé (Mycryo®), explique que « l'innovation facilite la prise de cristallisation sans passer par l'étape délicate de refroidissement en marbre, un peu comme avec la méthode par ensemencement. Elle offre un confort appréciable dans le travail et s'adapte à n'importe quelle couverture ».
Petit tu es, grand tu deviendras
Il n'est donc pas impossible de démarrer une offre qui tienne la route. Pour Nasserdine Mendi, MOF pâtissier-confiseur chez Weiss, « un artisan qui veut se lancer peut commencer avec deux couvertures universelles : une noire et une au lait. Il lui faut une grande qualité de chocolat et une bonne fluidité pour travailler toutes les applications sans difficulté. Ainsi, parviendra-t-il à associer le chocolat à la crème, au praliné, aux fruits ou à la pâte d'amande. Après, s'il veut complexifier le débat, il pourra aller plus loin en jouant sur les alliances de goût ».
Philippe Bertrand est cependant persuadé du contraire. « Le pâtissier qui débute dans l'aventure doit tout de suite proposer une offre diversifiée. Pour le consommateur, c'est la garantie qu'il a affaire à un vrai chocolatier. D'autant qu'aujourd'hui, on a les moyens de travailler avec des couvertures à profil aromatique bien typé sans se tracasser », plaide-t-il.
Tout dépendra en fait si votre clientèle est plutôt rurale ou urbaine. Ce qui est sûr, c'est que le travail artisanal est devenu une assurance en matière de qualité aux yeux du grand public. Il ne faut donc pas se rater sur le choix de la matière première. Le pur-beurre de cacao est un minimum (l'heure n'est plus à la pâte à glacer !).
Les couverturiers et cacaoféviers de renom ne vous décevront pas (Barry-Callebaut, Valrhona). Le chocolat belge jouit aussi d'une belle notoriété (Belcolade). Mais les petites chocolateries montantes (Weiss, Cluizel, L'Opéra, Le Pecq…) ou les marques de distributeurs ont aussi de sérieux atouts !
Faire la différence
L'artisan doit se démarquer, on ne le répétera jamais assez. Et dans le chocolat, il a de quoi faire, avec la ribambelle de labels qui existent dans la filière ! Mais attention, les sorties de route sont rapides. Si vous proposez un chocolat bio ou issu du commerce équitable, faites-le sur toute la gamme, les autres produits pourraient passer pour être douteux !
A noter le sérieux de la démarche « Rainforest Alliance » sur le Costa Rica, choisie par Belcolade. La certification assure un juste équilibre entre les méthodes de production et d'exploitation et le respect des écosystèmes locaux.
De même, il est très difficile pour les fabricants de parvenir à une absence d'allergènes (arachide, soja, fruits à coque) tant la législation est draconienne.
Certains ont fait le choix de bannir la lécithine de soja OGM (Michel Cluizel, Weiss). Beaucoup offrent des chocolats sans additifs ou, au moins, sans additifs artificiels. Evidemment, les ingrédients nobles ou les marques connues du grand public peuvent être mises en avant via l'étiquetage ou la signalétique.
Haute couture gastronomique
Mais le dernier rempart contre la concurrence (des supermarchés notamment) est sans aucun doute la qualité gustative et/ou l'originalité des produits. « Il existe des couvertures plus ou moins fraîches ou chaudes en bouche. Il faut tirer parti de ces différences, soit en les mettant en avant, soit au contraire en les combinant.
Les plus fruitées et/ou acidulées sont recommandées avec les fruits rouges, la vanille ou un thé fleuri, les plus corsées et/ou boisées sont parfaites avec une vanille bourbon, des épices, de la banane ou de la noix de coco », indique Régis Bouet, démonstrateur chez Belcolade. Les fabricants vous aideront à exploiter et à valoriser auprès de vos clients le profil aromatique de leurs produits.
Il peut être intéressant à cet égard d'associer à vos créations des guides de dégustation et/ou une notice sur l'origine des cacaos. Magalie Jarrige, chef de produits en pâtisserie et chocolat chez Belcolade explique que « par notre méthodologie d'analyse organoleptique (Cyrano), nous parvenons à reconnaître et à cerner la véritable essence des différents arômes du chocolat. Nous sommes ainsi à même d'aider les clients à créer des produits uniques procurant une expérience gustative tout à fait extraordinaire ».
Vous pourrez aussi compter sur des conseils et une assistance pour une bonne prise en main de vos couvertures. Et si vous voulez vraiment vous distinguer, un certain nombre d'innovations originales, gourmandes et faciles à mettre en oeuvre, sortent régulièrement pour l'enrobage de bonbons et/ou le glaçage d'entremets.
par Armand Tandeau (publié le 8 octobre 2009)