Ce four à bois traditionnel, à chauffe semi-directe, dispose d'un foyer séparé du lieu de cuisson. Les flammes, dirigées par une bouche dite « gueulard », viennent lécher les parois de la chambre. Il doit être distingué des modèles « romains » à chauffe directe, plus anciens (les braises sont écartées ou enlevées juste avant la cuisson) et des fours à sole tournante (Sebastia, Llopis), à chauffe indirecte, plus contemporains. Notez que l'allégation « cuit au feu de bois » peut être utilisée, contrairement aux fours à chauffe indirecte.
Brigadier embrigadé Tous ces fours à bois connaissent un net regain d'intérêt, pas seulement pour le « folklore » et l'animation qu'ils apportent au magasin. Yannick Maujoin, boulanger-pâtissier installé à La Sauve Majeure, près de Bordeaux (33), travaille au quotidien avec un four à gueulard (Voisin). Son avis a le mérite d'être équilibré car, pas vraiment motivé par la cuisson à l'ancienne, il a dû malgré tout apprivoiser la bête pour apprendre à en tirer le meilleur parti.
« Quand on a cherché à s'installer avec ma femme qui était enceinte, on n'a pas eu d'autre choix que de reprendre cette boulangerie. J'ai dû m'y faire, avec toutes les contraintes que le fonctionnement du four représente. Quand on est seul à la production, on est totalement pris par l'engrenage des cuissons et on n'a plus de vie à l'extérieur. Je commence à 2 heures. La première fournée commence vers 3 h 30, la dernière se termine vers 10 h. Même si le four monte assez vite en température, c'est quand même lui qui met au pas toute la production. Il faut être toujours â côté pour suivre l'évolution de la cuisson, sans compter que la chaleur est loin d'être homogène. On revient à l'ancien temps en résumé ! Comme je travaille tous les jours, 365 jours par an, pour tenter de dégager un peu de rentabilité en ces temps difficiles, vous imaginez un peu ! » confie-t-il.
Le salaire du mérite « A la réflexion, je vois deux situations où ce four est intéressant, poursuit-il. La première est d'être passionné par la cuisson à l'ancienne, ce qui permet de dépasser les difficultés et de vraiment s'amuser. La seconde est d'avoir une grosse boutique avec du débit et d'avoir du personnel pour être remplacé. Malgré les aspects contraignants, il faut bien reconnaître que la cuisson au bois procure une qualité exceptionnelle. C'est là son intérêt. Même si le goût « feu de bois » n'est pas très prononcé, pour moi, il n'y a pas meilleure qualité. L'arôme, la conservation, la texture de la mie, la croustillance, tout y est. Le pain explose parfaitement bien avec un seul coup de lame, le buage s'auto-entretient et le four est autonettoyant : tous les résidus sur la sole sont détruits à haute température. On atteint vraiment le sommet de l'art de la cuisson, à condition de maîtriser parfaitement les températures (pour cela il utilise un appareil plutôt anachronique : un thermomètre laser à balayage !) Pour la pâtisserie boulangère, c'est plus compliqué. Il m'a fallu près de deux ans pour parvenir à obtenir de bons résultats. Il faut être passionné, je vous dis ! » Certains clients viennent de loin pour la qualité de son pain (et le prix !). Leur coup de coeur ? La Tourte, qui correspond à un pain campagnard de Dordogne que les paysans mangeaient autrefois.
par Armand Tandeau (publié le 23 janvier 2012)