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Le prix est-il vraiment le nerf de la guerre ?

La récession est désormais bien installée et les consommateurs en ont bien conscience. L'effort sur le prix est-il devenu le principal atout concurrentiel ? Le petit commerce peut-il y échapper?

Arrêtons de nier l'évidence par excès d'optimisme : la France est bel et bien en récession et la confiance des ménages est clouée au plancher (cf courbe statistique). Mais les Français réduisent-ils pour autant leur budget alimentaire ? À voir les bons résultats effectués sur les fêtes de fin d'année par nos artisans, on pourrait en douter. Le prix est-il vraiment devenu une priorité pour les consommateurs ? Stéphane Rimbeuf, associé responsable Consumer Business pour Deloitte France, explique que la sensibilité au prix n'a en fait jamais été aussi élevée. « Au cours du dernier trimestre 2013, la confiance des Français dans la situation économique s'est effritée encore un peu plus, avec 70 % d'entre eux qui considèrent que la France est en récession (soit 13 points de plus qu'en septembre - NDLR). Même si les achats de Noël ont été relativement bien préservés… ils étaient en fin d'année encore 60 % à craindre que la crise se poursuive et 56 % à prévoir de réduire leurs dépenses en 2014. Cette chute de confiance les conduit désormais à une plus grande vigilance sur leurs achats, renforcée par l'augmentation de la TVA. Plus que jamais, la sensibilité au prix s'annonce forte : les consommateurs seront d'autant plus enclins à rechercher des offres promotionnelles attractives », avertit-il.

Bouger ou mourir La bataille pour le pouvoir d'achat était déjà largement ouverte quand la crise est arrivée en 2008, en particulier dans la grande distribution alimentaire. Mais en cinq ans, la boulangerie-pâtisserie n'a pas bougé, ses prix ayant même continué d'augmenter (voir partie 2). Aujourd'hui, la donne a changé car non seulement les prélèvements, l'énergie, les matières premières ou les loyers augmentent, mais en plus, le panier moyen baisse et la concurrence gagne du terrain. Les grosses enseignes de boulangerie à prix serré (chaînes, supermarchés, points chauds…) s'implantent partout où la précarité progresse, faisant un peu plus de mal encore aux artisans autochtones. Le ras-le-bol des « sacrifiés » est réel et la question du prix revient en force dans le commerce de proximité, surtout dans les bassins peu argentés. La vraie question qui se pose semble ne pas avoir d'issue : fautil continuer à augmenter ses prix pour retrouver de la marge, quitte à s'éloigner toujours un peu plus des populations modestes, ou bien faut-il les descendre fortement pour retrouver de la clientèle quitte à mettre son entreprise au bord de la faillite ? La situation est perverse car la seule ouverture possible incite l'artisan à baisser toujours plus la qualité de ses ingrédients ou à avoir davantage recours à des solutions toutes faites pour tenter de sauver sa marge et sa clientèle. Ce faisant, il scie la branche sur laquelle il est assis : celle du savoir-faire…

La proximité avant tout Du côté du Centre de Recherche pour l'Étude et l'Observation des Conditions de Vie (Crédoc), même son de cloche (ou plutôt même sonnette d'alarme !), avec un bémol toutefois, qui peut permettre à l'artisan de reprendre pied. « Une enquête comparée menée sur le commerce alimentaire en 2012 et 2005 (Source : voir encadré) confirme que la recherche du prix fait l'objet de la plus forte hausse en sept ans (+7 %), ce qui montre bien que les consommateurs prêtent aujourd'hui une attention toute particulière à leur budget alimentaire. Cela dit, l'attention portée à la proximité géographique reste le premier critère de choix pour 55 % des Français (contre 39 % pour la recherche du prix). Autre élément d'importance : les consommateurs tendent aujourd'hui à diversifier leur parcours d'achat, c'est un grand changement ! Si les hypers et les supermarchés restent les circuits, les plus fréquentés, on constate que leur poids s'érode ces dernières années au profit d'autres formats et circuits dont le commerce spécialisé (boulangeries, pâtisseries, boucheries…) qui, lui, connaît la plus forte augmentation en sept ans (+9 %) », explique Patrick Duchen, responsable du département Dynamique des marchés au Crédoc. Morale de l'histoire : si le commerce de bouche portait davantage d'efforts sur le prix et s'il cherchait à tirer parti de la proximité, imaginez un peu le succès qu'il aurait !

Les émissions grand public ont écorné la confiance aveugle des clients envers leur artisanboulanger-pâtissier. Il esttemps de réagir !

Guerre de position La proximité géographique donne en attendant un avantage de taille aux bonnes boulangeries « historiques » des centres-villes, qui, elles, ne connaissent pas la crise. Mais les créateurs d'entreprise peuvent aussi exploiter le filon en s'implantant là où il y a « du monde » ou là où aucun commerce n'est encore présent. Dès lors qu'on limite les déplacements des gens, on leur fait gagner du temps et de l'argent. Et on gagne du terrain… Mais aucune position, aussi confortable soit-elle, n'est acquise pour toujours ! L'artisan (qui est aussi un commerçant) doit mener une analyse de fond sur sa zone de chalandise, et pas seulement à l'installation, mais tout au long de la vie du commerce. Il doit adapter l'offre (concept, diversité, goût et prix) à la population desservie (revenus, modes de vie, habitudes de consommation) en optimisant sa qualité et sa productivité, quitte à créer une offre différenciée (voir partie 3). Il doit aussi pouvoir imaginer d'autres formats de vente pour aller au plus près des zones de passage : commerces mobiles ou satellites, points chauds ou froids… « Les distributeurs multiplient les ouvertures de points de vente, notamment dans les villes, pour se rapprocher des lieux de forte densité de population », avertit Patrick Duchen (voir petit encadré « Évolution du commerce alimentaire »). Alors si l'artisan n'y va pas, d'autres prendront la place.

Intelligence économique Repensons donc le modèle traditionnel du magasin unique et de l'offre « monolithe » et inventons un modèle à dimension variable plus souple, plus près des gens, plus adapté aux besoins. Plus proche de la vie réelle. Pour les « rois de la pâte », il y a une autoroute qui s'ouvre, tellement large que beaucoup restent figés sans savoir où aller, pensant que l'ancien chemin arrive à une impasse… La proximité géographique implique désormais une proximité relationnelle, et même une « intelligence relationnelle », qui dépasse aujourd'hui la simple amabilité de convenance. Il s'agit de connaître les tendances de consommation et les modes de vie, que ce soit à l'échelle globale ou au niveau local, et d'apporter des réponses qui vont alléger ou enrichir le quotidien des gens. Fini l'artisanat cramponné au passé, campé sur ses positions ou emmuré dans son fournil, qui attend que le client « raque » sans faire aucun effort pour aller vers lui. L'avenir est à ceux qui sauront écouter un territoire, comprendre la situation des populations, s'adapter à leur pouvoir d'achat et proposer le petit « plus » qui fera la différence. « Sacrifiés… mais pas résignés », dites-vous ? Alors ne nous résignons pas et avançons.

Évolution du commerce alimentaire
Pour en savoir plus : Plus forte fréquentation des commerces de proximité, de surgelés et du hard-discount, Adeline Dembo & Patrick Duchen, Crédoc, Consommation et mode de vie, N°263, sept. 2013

par Armand Tandeau (publié le 6 juin 2014)

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