La Toque : Recruter du personnel compétent, est-ce difficile aujourd'hui ? Philippe Bazin : « TRÈS difficile. On paye aujourd'hui le désintérêt des jeunes pour les métiers manuels. La boulangerie est encore perçue par le grand public comme un métier très dur. Ce décalage avec la réalité vécue en entreprises ne facilite pas les vocations. »
L.T. : Comment faire bouger les choses ? P.B. : « Il faut valoriser l'alternance et les filières professionnelles de manière à ce qu'elles ne soient plus signe d'échec scolaire. Pour cela, les boulangers devraient ouvrir leur fournil aux écoles et recevoir des stagiaires. Ils devraient aller à la rencontre des jeunes dans les collèges pour mettre en avant les bons côtés de la profession. On a la chance de pouvoir bien gagner sa vie, de pouvoir évoluer et s'épanouir. Cet investissement n'est pas inutile car on touche là un vivier de candidats potentiels. »
L.T. : Quelle est votre politique en matière de recrutement ? P.B. : « Je travaille avec les CFA. J'accueille des apprentis que je forme et que j'embauche en CDI le moment voulu. Je les pousse aussi à aller plus loin dans leur apprentissage. Pour moi, la polyvalence, l'envie de comprendre et la capacité à évoluer dans ses pratiques sont indispensables. C'est le signe d'une vraie motivation. Un boulanger doit pouvoir faire de la pâtisserie et inversement. La souplesse est impérative. Ceci dit, je préfère les caractères bien trempés qui savent ce qu'ils veulent, car le jour où ils prendront des responsabilités, ils sauront mener des hommes.»
L.T. : Et en matière de management ?P.B. : « La transparence est primordiale. Je passe avec chacun un contrat moral : j'ai besoin d'eux, comme ils ont besoin de moi. Je veux être parfaitement réglo avec eux, comme ils doivent l'être avec moi. Ils ont un contrat horaire à faire obligatoirement et un volet d'heures flexibles en fonction des besoins. Tout ce qui est travaillé dans l'entreprise se retrouve sur fiche de paie. C'est un minimum. Ceci dit, personne ici n'est aligné sur la grille de salaire. Pour être crédible, le chef d'entreprise doit dire ce qu'il fait et faire ce qu'il dit. Il doit être irréprochable techniquement et être proche de son personnel. »
L.T. : Le management est-il un moyen de fidélisation du personnel ? P.B. : « Oh que oui ! La conduite contemporaine des affaires passe par un management plus moderne. Le terme « ressources humaines » a tout son sens. Le personnel est un capital pour l'entreprise sur lequel il faut investir financièrement et qu'il faut gérer humainement. Ce qui ne veut pas dire faire du social ! Le chèque vacances, le ticket restaurant, le plan d'épargne d'entreprise, le paiement de la mutuelle obligatoire… sont des pistes d'investissement qui ne pèsent pas trop sur les charges et qui permettent de mettre à l'honneur son personnel. »
• 2005-2012 : Ouverture de sa première boulangerie-pâtisserie avec sa femme, Corinne, à Roost- Warendin (59). Le magasin est refait à neuf en 2010. En 7 ans, ils quintuplent le chiffre d'affaires. • 2009-2011 : Vice-président de la Fédération du Nord. |
par Armand Tandeau (publié le 5 mars 2012).