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L'automatisation Une question stratégique

Si les artisans pâtissiers s'équipent en machines, ce n'est pas un hasard. Au-delà du gain de temps ou du confort de travail, il s'agit surtout de positionner un rapport qualité/prix attractif. Explications.

La quête des consommateurs pour le meilleur rapport qualité-prix pousse les artisans dans leurs retranchements. Pourtant, baisser ses coûts de production tout en montant en gamme semble compliqué pour la plupart d'entre eux (comme Éric Bergon, voir son interview dans la 2e partie du dossier). Les coûts du travail, des matières premières et de l'énergie augmentent inexorablement alors que la main-d'oeuvre expérimentée et impliquée fait cruellement défaut… Seule l'automatisation des procédés semble pouvoir apporter une marge satisfaisante.

 

Les avantages en pâtisserie

Nouvelles possibilités Fabienne Tremblay, directrice commerciale chez Alimat-Tremblay, reconnaît que les professionnels qui s'adressent à eux sont en quête de solutions de rentabilité. « L'exigence des consommateurs sur le goût et le prix incite les pâtissiers à aller sur des recettes plus qualitatives avec des ingrédients premium. Pour rester sur un niveau de prix acceptable, ils cherchent des moyens d'automatisation. La mécanisation des tâches sans valeur ajoutée comme le dressage à la poche, le fonçage, le garnissage… leur permet de gagner du temps et de déplacer leur personnel vers des postes plus inventifs et plus épanouissants. L'acquisition d'une dresseuse-pocheuse, par exemple, apporte un gain de temps d'un facteur 5 à 7 par rapport à un dressage à la poche effectué par un pâtissier expérimenté ! La machine leur ouvre également des possibilités créatives nouvelles, notamment pour tout ce qui concerne les mini-bouchées sucrées et salées : petits choux, meringuettes, mini-macarons, etc. Ces productions très tendances, utilisées aussi bien en décors de pâtisserie, verrines, mignardises… que servies en salons de thé (café gourmand) ou à l'occasion de réceptions, deviennent désormais tenables en entreprise », explique-t-elle. La machine, souvent décriée parce qu'elle favoriserait la montée du chômage, permettrait au contraire de séduire les jeunes talents pleins d'imagination et de retenir les anciens qui peuvent souffrir de troubles musculo-squelettiques divers. À l'heure de l'hyper créativité et de la pâtisserie éphémère, il est en fait temps de remettre à plat sa stratégie de production…

Avant de choisir une fonceuse,pensez à toutes les possibilités créatives en sucré ou en salé qui s'offriront à vous.

Maîtrise des coûts Ces équipements apportent évidemment un gain de temps (donc d'argent) : c'est là leur principal intérêt. Mais ils limitent aussi les pertes de matière et améliorent la qualité des finitions. C'est ce que revendique Bernard Victorin, directeur de Spiral France. « La machine à napper (type Jelly Quick, voir ci-après), par exemple, pompe et chauffe la solution de pectine au fur et à mesure des besoins, contrairement au travail traditionnel au pinceau qui exige de maintenir l'intégralité de la préparation au chaud. Après quelques heures de travail, il arrive que le fond de casserole gélifie par manque d'eau. Chaque jour, c'est 10, 20 ou 30 % de produit qui sont ainsi perdus. Cela finit par peser au bout d'un an ! D'autre part, la pulvérisation respecte l'intégrité du dressage des fruits et des décors : les finitions sont impeccables. Ce qui n'est pas toujours le cas au pinceau… Concernant les machines à foncer (type Comtec 1 100), elles fonctionnent avec des boules de pâte. Alors qu'avec un emporte-pièce, les restes de pâte sont inévitables parce qu'on ne prend pas le temps de les retravailler… Là, plus de souci, les éventuelles chutes de coupe sont facilement transformées en tartelettes ! Autre exemple : les machines à doser et à injecter offrent une régularité du dosage qui peut faire gagner jusqu'à 10 ou 15 % de matière.

Si vous épluchez plusieurs dizaines de kilos de pommes par jour,il est peut-être bon de passer à un matériel adapté.

Au final, ces outils permettent non seulement d'aller plus vite, mais aussi de maîtriser les coûts de production », assure-t-il. Un petit bémol cependant concernant les dresseuses : les restes en fond de trémie sont souvent non négligeables. Pour limiter ce manque à gagner, il convient de lancer de longues séries ou d'enchaîner des préparations assez similaires en termes de recettes et de couleurs. De manière générale, de tels équipements doivent tourner pour devenir intéressants. Il est même judicieux de concevoir ses futures créations en tenant compte des possibilités du matériel !

Témoignage"Les machines m'apportent de la souplesse". Entretien avec Eric Bergon, pâtissier-traiteur à Cavalaire-sur-Mer, dans le Var (Gâteaux de Famille) et ancien chef pâtissier de la Maison Bouillet à Lyon.La Toque Magazine (L.T.M.) : Pour quelles raisons avez-vous choisi de mécaniser une partie de votre production ? Éric Bergon (É.B.) : « Lorsque je travaillais chez Sébastien Bouillet, le laboratoire était bien pourvu en matériel de production. La décision d'investir sur ce type d'équipement était finalement assez naturelle lorsque je me suis mis à mon compte. J'ai donc acheté en leasing (contrat de location-acquisition) une petite fonceuse mécanique et une dresseuse à fonction coupe-fil. Embaucher est toujours risqué, surtout quand on se lance et que son activité est saisonnière. Les machines m'apportent la souplesse dont j'ai besoin car du jour au lendemain, je peux monter en puissance. Comme partout ailleurs, et peut-être plus encore sur la Côte d'Azur, trouver de bons professionnels, sérieux et impliqués, reste compliqué. »

L.T.M. : Ces équipements vous évitent-d'avoir à recruter ? É.B. : « Les machines ne remplacent pas l'homme. Elles nous permettent de travailler d'une manière plus contemporaine en adéquation avec la réalité du marché de l'emploi. Il est difficile de vouloir garder un pâtissier quand on lui demande de faire du dressage à la poche 6 heures par jour ! Pour faire un pochage régulier et rapide, il faut pourtant une personne d'expérience. Or, les bons pros attendent aujourd'hui autre chose du métier… L'entreprise a même tout intérêt à les orienter vers des tâches plus gratifiantes : la conception, la décoration, la création, l'innovation… Avec les émissions de télé sur la pâtisserie qui nous donnent à voir des produits magnifiques, les clients attendent aujourd'hui de leur artisan qu'il se bouge. Mais pour se renouveler, il faut pouvoir se libérer des lourdeurs de la production. Les machines assurent certainement cette transition. Par contre, pour s'occuper de ces appareils, nul besoin de qualification. On peut donc ouvrir le recrutement à des ‘‘petites mains'' : des personnes qui ont par exemple travaillé vingt ans à l'usine et qui seraient heureuses de se reconvertir en pâtisserie. Là, il n'y pas de pénurie ! »

Propos recueillis par A.T.

par Armand Tandeau (publié le 25 septembre 2014)

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