La démarche du « Document Unique » (voir La Toque de mars 2012, p. 46) et toutes les actions de prévention que le patron est appelé à mettre en place dans son entreprise ne considèrent en général que les risques physiques : brûlures, fractures, coupures… Les incidences sur le bien-être mental n'ont « culturellement » pas droit de cité… surtout en boulangerie où le sens de l'abnégation reste une valeur forte. Un risque avéré Sandrine Guyot, experte en risques psychosociaux à l'INRS, tient à rassurer : « Le stress au travail résulte d'un ensemble de facteurs, rarement d'une seule et unique cause. On ne peut pas dire de manière générale et définitive que le stress ne tient qu'aux seules relations de travail ou bien encore au contact difficile avec la clientèle. À des degrés divers selon les situations, plusieurs facteurs – internes et externes à l'entreprise – peuvent y contribuer. Lorsque le stress perdure et devient chronique, il peut provoquer des pathologies graves : maladies cardio-vasculaires, troubles musculo-squelettiques, dépression, troubles immuno-allergiques pour ne citer qu'eux. Les risques psychosociaux mettent donc en péril la santé des travailleurs et relèvent à ce titre de la responsabilité de l'employeur. Ce dernier doit être en mesure de les évaluer dans le cadre du Document Unique, même s'il n'a pas forcément conscience a priori de leur existence. Il peut pour cela utiliser les outils d'évaluation disponibles et, selon ses besoins, se faire aider par des préventeurs institutionnels ou des consultants », explique-t-elle.
Les 6 facteurs de stress à cibler 1) Le contenu du travail : surcharge, rendement, pression temporelle, exigence de précision et de qualité, monotonie et répétition, absence d'autonomie, pénibilité physique. 2) L'organisation du travail : imprécision des missions confi ées, répartition des tâches déficiente, contradiction des exigences à tenir, insécurité et précarité de l'emploi, inadaptation des horaires de travail aux rythmes biologiques et à la vie sociale et familiale. 3) Les relations de travail : manque de soutien de la part des collègues et/ou du patron, déficit de communication et de transmission, management autoritaire ou déficient, absence de reconnaissance du travail accompli. 4) L'environnement de travail : nuisances (bruit, chaleur, humidité, odeur), éclairage inadapté, mauvaise conception des locaux et/ou des équipements. 5) L'évolution sociologique : usage croissant des outils de communication (téléphonie, Internet), individualisation du travail, exigence ou agressivité de la clientèle, sentiment d'insécurité. 6) Le contexte économique : mauvaise santé de l'entreprise, incertitude sur l'avenir, pression législative et normative, compétitivité et concurrence. |
Le contour du malaise« Il existe un certain nombre de signes précurseurs qui peuvent alerter l'employeur sur l'état de stress de ses salariés tels que des troubles émotionnels inhabituels - excitation, agressivité, tristesse -, des attitudes de repli sur soi, des erreurs répétées dues à un manque de concentration ou de mémorisation, des difficultés à prendre des initiatives, des troubles du sommeil et de l'appétit, des arrêts de travail fréquents », poursuit-elle. Les manifestations apparaissent lorsque le sujet ressent un déséquilibre entre les contraintes de travail qui pèsent sur lui et la perception qu'il a de ses ressources pour y faire face.« Plus l'intensité, la fréquence d'exposition et le nombre des contraintes sont importantes, plus le risque est élevé. Lorsque les ressources individuelles ne suffisent plus face à des contraintes grandissantes, la pression peut devenir trop forte, difficile à contenir. Si nous ne sommes pas tous égaux face au stress, pour autant, personne ne peut se considérer à l'abri. Pousser son personnel à dépasser ses limites est une pratique qui ne sert ni la performance de l'entreprise, ni son efficience en matière de santé et de sécurité », indique Sandrine Guyot.Vouloir éliminer toute forme de contrainte n'est pas non plus tenable pour l'entreprise. Par nature, le travail est contraignant ! « Il n'y a pas de solutions toutes faites : elles sont à construire dans un dialogue continuel avec les salariés, conseille-t-elle. Adopter un management participatif permet de repérer avec eux les tensions auxquelles ils sont confrontés. Cela implique de les laisser s'exprimer librement et d'envisager avec eux les pistes de prévention. Le dirigeant doit aussi pouvoir expliquer ce qui pèse sur ses épaules et là où il veut aller. C'est en prenant conscience des difficultés respectives de chacun que la solidarité entre les différents acteurs de l'entreprise peut se forger. Elle peut aussi permettre, jusque dans une certaine mesure, d'absorber les exigences du quotidien, mais aussi d'aider à mieux affronter la pression imposée par un contexte économique difficile ou concurrentiel. »
Par Armand Tandeau (publié le 16 mai 2012)