Même si le consommateur a bien du mal à s'en passer, les arômes ont une image dégradée, comme tous les additifs d'ailleurs. Nous les classons bien souvent sans distinction dans la catégorie des produits de synthèse, pas forcément très bénéfiques pour la santé, ni gages d'une bonne qualité nutritionnelle. Pourtant, il existe une réelle montée en puissance des arômes naturels issus du savoir-faire des aromaticiens : extraits, essences, arômes grands crus, huiles essentielles… Pour aider le grand public à y voir plus clair, un cadre législatif européen a été mis en place en 2011 (règlement (CE) n°1334/2008). Censé clarifier l'étiquetage pour le consommateur, il exige néanmoins de connaître les « règles du jeu ». Ainsi un « arôme naturel de vanille » est à distinguer d'un « arôme naturel vanille » (sans le “de”), et bien sûr d'un « arôme vanille ».
     
    
La particule, signe de noblesse Dans le premier cas, l'agent aromatisant comporte une substance aromatique (ou une préparation) issue à plus de 95 % de la gousse de vanille, alors que dans le second cas, la partie aromatisante est exclusivement issue de matières naturelles qui peuvent être très éloignées de la gousse de vanille. Il faut savoir que de nombreux organismes vivants accumulent ou sécrètent des substances qui ont la même saveur que les arômes connus, mais qui sont bien plus faciles à extraire (par ex., des copeaux de bois australien pour la fraise, de l'huile de ricin pour la pêche, la culture de moisissure Trichoderma pour la noix de coco, etc.). Notez que la mention « arôme(s) naturel(s) » (sans référence à une source) qui apparaît dans la liste des ingrédients des produits pré-emballés correspond à des arômes provenant de ce type de matériaux, certes naturels mais pas forcément très « sexy ». Dans le dernier cas, l'agent aromatisant est composé de substances de synthèse, qu'elles soient identiques ou non à la molécule naturelle (la vanilline en l'occurrence).
Bon à savoirDu côté des fournisseurs spécialisés• Délice & Sens (Moreuil, dpt. 80) Anis vert, badiane, baie rose, combava, curcuma, estragon, fève de tonka, lavande sauvage, mandarine rouge, oignon confit, pistache, raz el hanout, ylang-ylang.http://deliceetsens.fr
• Josemard (Saint-Vallier de Thiey, dpt. 06) Basilic, coriandre, jasmin, kola, muguet, mimosa, oranger, pamplemousse, paprika, persil, piment, pin, pistou, poivron, ratatouille, ravensara, réglisse, romarin.www.josemard-aromes.com
• SélectArome (Grasse, dpt. 06) Aneth, angélique, baie de sureau, bleuet, camembert, cerise amarena, châtaigne, chewing-gum, ciboulette, coing, foie gras, gaspacho, girolle, safran, truffe noire.www.selectarome.com
• Sévarome (Yssingeaux, dpt. 43) Amaretto, capuccino, cactus, cédrat, coquelicot, eucalyptus, hibiscus, mojito, noix de macadamia,nougat, pain d'épices, sésame, thym, violette, vétiver, yuzu. www.sevarome.com.
Question de gammesAttention, la qualité d'un arôme se juge aussi à sa concentration et à sa puissance aromatique. Certaines formulations sont en effet plus diluées que d'autres, la réglementation ne concernant que la qualité de l'agent aromatisant, et non sa quantité. Il est donc important de comparer le dosage indiqué (qui peut varier d'un facteur 100 d'une marque à une autre). Mais un arôme naturel de vanille restera toujours plus onéreux qu'un arôme naturel vanille. Il doit être utilisé en cohérence avec la gamme de pâtisseries ou de chocolats réalisés. « Le choix d'un arôme dépend du positionnement de l'offre, du profil aromatique recherché et de la valeur ajoutée qu'on veut apporter au produit fini. Nos extraits et arômes naturels sont préconisés lorsqu'on veut revendiquer une création à la vanille. Dès lors qu'on veut apporter une note de vanille légère dans des masses destinées à la cuisson (par ex. crêpes, cakes, biscuits,), il peut être plus opportun de miser sur un arôme vanille, moins onéreux. Nous proposons différentes références qui offrent pour la vanille un choix de notes aromatiques : biscuitées, caramélisées, rhumées, fumées. Si, au contraire, on veut se distinguer sur des créations vanillées haut de gamme, il vaut mieux aller sur les extraits dont l'agent aromatisant est issu à 100 % de la gousse de vanille. On peut ainsi valoriser une variété (Tahitensis ou Bourbon), voire tirer parti de marquants (grains noirs de la gousse pour l'extrait de vanille Tahitensis avec grains) pour signer des créations premium. Pour nos arômes café, la stratégie est identique. L'extrait pur Arabica, par son intensité, apporte un attrait gustatif et marketing supérieur, alors que l'arôme café goût brésilien est davantage consensuel », indique-t-on au service marketing de Condifa (Sébalcé).
     
    
Attention, fragile Il est donc impératif de bien évaluer le coût de revient d'un arôme dans une recette et la valeur marchande qu'il apporte au produit. Notez que l'utilisation de l'appellation faisant référence à la source - par exemple « mousse au citron » - n'est possible qu'avec des arômes naturels (issus ou non de la source ; le citron dans l'exemple). L'exploitation des arômes en pâtisserie-chocolaterie- glacerie implique aussi certaines précautions techniques. « Même s'ils sont stables, les produits de notre marque Divarôme (13 références regroupant des notes fruitées et des notes brunes - NDLR) doivent être utilisés avec soin pour ne pas altérer leur pouvoir aromatisant. Il convient par exemple de les incorporer au préalable avec la matière grasse si la recette en comporte. Et si la préparation est destinée à être cuite, il faut veiller à en ajouter près de 40 à 50 % de plus pour être sûr d'obtenir la flaveur souhaitée. Les bouteilles doivent être aussi rapidement refermées après utilisation, puis placées au frais pour une meilleure conservation », indique Sylvie Noirot, chef produits en Boulangerie-Pâtisserie chez Vandemoortele. À noter chez Divarôme, l'arrivée de trois nouveautés : Praliné (note de noisettes grillées) et deux spécialités permettant de remplacer avantageusement les alcools : Caraïbia (parfum exotique) et Naturel Orange. Dans tous les cas, un arôme s'utilise avec intelligence, finesse et parcimonie, tout en respectant le cadre législatif… et la déontologie artisanale.
par Armand Tandeau (publié le 22 avril 2015)