Le boulanger peut être soulagé : le pain est à la base un aliment de haute sécurité microbiologique. Cependant, le risque toxicologique n'est pas à négliger. Métaux lourds, résidus de pesticides et mycotoxines sont susceptibles de venir contaminer les blés.
Si les deux premiers éléments ne posent quasiment jamais de problème, il en va tout autrement pour les mycotoxines et notamment le DON (déoxynivalénol), qui peut fréquemment dépasser le seuil autorisé sur certains lots du fait des conditions climatiques.
Gestion de risques
Catherine Peigney, directrice de la sécurité alimentaire chez Nutrixo, explique que « le DON est apporté par certaines espèces de Fusarium, un champignon qui apparaît à la floraison du blé, lorsque le temps est chaud et humide. Nous nous sommes emparés de cette problématique alors que la législation n'existait pas encore. Nos recherches ont contribué à faire évoluer nos connaissances sur ce risque et à sensibiliser toute la filière.
L'usage de produits phytosanitaires étant aujourd'hui de plus en plus restrictif, nous allons vers des méthodes culturales toujours plus respectueuses de l'environnement. Mais face à la puissance de l'impact climatique sur le risque DON, difficile de lutter ! La stratégie la plus efficace passe par un plan de surveillance à l'échelle nationale qui permet, à l'aide de relevés, de déterminer si une région présente un risque élevé de contamination ou non. Dans ce cas, les approvisionnements de cette région sont soumis à une vigilance beaucoup plus poussée, qui peut aller jusqu'au contrôle systématique de chaque lot réceptionné au moulin. »
Et pour éviter la prolifération d'insectes dans les silos sans utiliser d'insecticide, même combat : il faut trouver des solutions alternatives. Patrice Canesso, directeur de site chez Interfarine/Copaline a fait ce choix.
« Les blés que l'OS nous fournit sont ventilés et refroidis dès le début du stockage. On gagne ainsi en conservation et la prolifération d'insectes est bloquée. Pour être cohérent avec cette démarche, nous avons remplacé tous les traitements insecticides au moulin par un nettoyage ciblé et rigoureux », indique-t-il.
Grands comptes, grands pas
La prise en compte des normes d'hygiène, de sécurité alimentaire, de traçabilité et de protection environnementale font aujourd'hui partie intégrante des process meuniers, notamment via les certifications ISO 22000 et IFS (International Food Standard), exigées par l'industrie agroalimentaire et la grande distribution.
Par leur présence étendue en filière, les grands meuniers français font avancer les « dossiers » de fond. Thierry Berger, directeur du marketing et de la communication externe du Groupe Soufflet, précise que « l'organisation du Groupe Soufflet nous permet de maîtriser l'intégralité des problématiques qualité. De la sélection variétale à la livraison des farines, nous contrôlons l'ensemble de la filière. Grâce à la collaboration étroite entre les agronomes du groupe, nos fournisseurs agriculteurs et Moulins Soufflet, nous travaillons ensemble sur des cahiers des charges de production et avons accès aux meilleurs blés boulangers. La gestion de la qualité, de la sécurité et de la traçabilité s'en trouve ainsi renforcée. »
La recherche & développement n'est pas en reste. L'innovation est certainement le meilleur moyen de relever les grands défis agroalimentaires et écologiques. « Les programmes de recherche en chimie verte du Groupe Soufflet se concentrent sur la biofertilisation des sols et la bioprotection des plantes, afin d'ouvrir des voies alternatives à la pétrochimie. Nous avons également mis au point toute une gamme de Cultures Intermédiaires Pièges à Nitrates (CIPAN) offrant à l'agriculteur des bénéfices agronomiques importants et permettant ainsi une gestion durable de la fertilisation des sols », revendique Thierry Berger. Demain promet donc d'être encore meilleur.
Toujours plus
À n'en pas douter, l'agriculture va vers des pratiques plus responsables, plus cohérentes (est-il sérieux à ce propos de faire du bio avec des blés du Kazakhstan ?). La sécurisation à outrance pose un véritable débat de fond car il n'échappe à personne que la sécurité sanitaire devient une affaire médiatico-politique, souvent bien éloignée des réalités de terrain…
« Depuis trente ans, la sécurité alimentaire n'est jamais allée aussi loin. Face à la pression législative et sociétale, nous sommes contraints d'en faire toujours plus ! constate Catherine Peigney. Nos analyses représentent un investissement de plus en plus conséquent. Paradoxalement, avec la médiatisation des crises, l'opinion publique est de plus en plus méfiante ! Le décalage est saisissant. Il faut rapprocher les consommateurs des producteurs pour qu'ils ré-apprennent à se familiariser avec les réalités de la terre.
Trouver une patte d'insecte dans un sac de blé n'a rien d'anormal. C'est comme de la terre sur une pomme de terre ! » L'enjeu est au fond éducatif : le grand public connaît très mal les pratiques agricoles conventionnelles qui, faut-il encore le souligner, ont beaucoup changé.
par Armand Tandeau (publié le 20 septembre 2011)