L'espèce Triticumturgidum (blé dur), riche en protéines, est utilisée dans la fabrication de semoules et de pâtes alimentaires.
Triticum æstivum (blé tendre), riche en glucides, convient mieux pour la panification mais trouve d'autres débouchés dans l'alimentation animale, les fourrages, les biscuits, l'amidon, le bioéthanol…
En fait, toutes les variétés de blé tendre ne font pas forcément du bon pain. Aussi l'accès aux meilleurs blés boulangers constitue-t-il un enjeu de fond pour la meunerie aujourd'hui.
S.O.S. !
Pour satisfaire leurs besoins, les minotiers cherchent à renforcer leur partenariat avec les coopératives et les négociants, dits « organismes stockeurs » (OS), qui traitent en direct avec un certain nombre d'agriculteurs adhérents. En effet, les OS peuvent avoir plusieurs clients qui ont chacun leurs propres critères de qualité, et rien ne les oblige à produire des blés panifiables. Tout dépend du marché.
« Dans le choix des semences, les agriculteurs regardent avant tout le potentiel de rendement et le comportement en champs. Cela dit, ils suivent les recommandations des OS qui, eux, essaient d'adapter l'offre à la demande. Même si la notion de qualité arrive en effet loin derrière les critères retenus (étude de FranceAgriMer), on ne peut que constater que la situation actuelle est en fait plutôt favorable à la meunerie », explique Benoît Méléard, responsable du pôle caractérisation et promotion des céréales à Arvalis-Institut du végétal.
Les OS ont en fait tout à gagner à orienter leur activité vers des débouchés pérennes. Le bon pain est une valeur sûre, qu'on se le dise !
Consensus variétal
Dès leur inscription au catalogue officiel (autorisant ainsi leur utilisation par les producteurs), les blés préconisés pour la filière pain sont classés en « BP » (blés panifiables), en « BPS » (blés panifiables supérieurs) et en « BAF » (blés améliorants ou de force). Les autres sont qualifiés de « BAU » (blés pour autres usages).
Arvalis émet ensuite son propre avis sur cette classification. « Tout l'enjeu de la sélection, poursuit Benoît Méléard, consiste à trouver des variétés à débouchés élargis. Les travaux entrepris depuis une quinzaine d'années ont permis d'obtenir des BPS à bien meilleur rendement qui contentent également l'alimentation animale, l'amidonnerie, le bioéthanol. À l'inscription, la grille de notation est aussi plus avantageuse pour les BPS. On va donc les retrouver préférentiellement sur le marché. »
Résultat des courses : Apache, Premio, Arezzo ou Bermude sont autant de BPS qui entrent dans le classement des 10 variétés les plus cultivées en France. Néanmoins, la part des BPS baisse sensiblement depuis 2007 au profit des BP plus productives (voir graphique). Même si la situation est loin d'être inquiétante, la meunerie suit de près ces évolutions (voir témoignages).
Nec plus ultra
Rien n'est donc gagné : les variétés ont une durée de vie de l'ordre de trois ou quatre ans seulement… Elles sont ensuite détrônées par les dernières créations. C'est ainsi que la filière avance, à condition de pouvoir repérer celles qui apportent une pierre à l'édifice.
Nicolas Pérardel, chargé de mission dans le domaine des matières premières à l'ANMF (Association nationale de la meunerie française) explique que « le rôle de l'interprofession consiste à évaluer chaque année les variétés BPS avant et après leur inscription pour repérer les meilleures d'entre elles sur la base de critères meuniers et boulangers, sans oublier les aspects agronomiques incontournables.
Chaque année, une liste de BPMF (blés pour la meunerie française) est donc réactualisée. Parmi ces blés, un sous-ensemble plus restreint de VRM (variétés recommandées par la meunerie) est mis en avant pour leur niveau d'excellence.
Utilisés purs, ces blés sont aptes à produire un pain français de la plus haute qualité. On peut se féliciter que ces recommandations sont bien suivies par la profession car en 2011, les BPMF ont représenté 65 % des surfaces de blé tendre en France et les VRM, 44 % ! »
Le boulanger a donc de sérieux motifs de se réjouir : tous les acteurs en amont se battent pour lui apporter le meilleur du blé.
L'art du meunier
Laurent Guinot, chef de projet en charge de la R&D chez Nutrixo (Grands Moulins de Paris) reconnaît que « les listes de l'ANMF sont précieuses pour les meuniers. Nous testons entre autres les nouvelles VRM dites “en observation” pour chercher celles qui rentreront demain dans nos process.
Notre objectif est de trouver le mélange idéal à partir de blés qui apportent un caractère technologique ou organoleptique remarquable.
La grande évolution de notre métier tient au partenariat que nous avons mis en place avec les OS, il y a une quinzaine d'années. Il a été difficile de leur imposer le principe des “maquettes” : mélange homogène de variétés pures, triées et nettoyées que le meunier commande chaque année à son OS.
Ce principe de fonctionnement prévaut aujourd'hui en meunerie. Ce fut un pas de géant dans la qualité pour toute la filière ».
Tout le professionnalisme du minotier se joue dans le choix des variétés, la définition des maquettes et le suivi de la pureté du mélange. La régularité sur le haut de gamme fait néanmoins toute la différence.
Ils témoignent
« Nous sommes plus que jamais vigilants sur le maintien des critères de qualité » « L'ANMF oeuvre depuis 30 ans en faveur de la promotion des meilleures variétés de blé de qualité boulangère, afin que les meuniers puissent répondre aux attentes de leurs clients. Aujourd'hui, dans un contexte où la productivité redevient une priorité, nous sommes plus que jamais vigilants sur le maintien des critères de qualité pour l'inscription des variétés au catalogue français. Même exportées, elles restent en majorité à destination de la meunerie.Bon à savoir : d'autres aides au titre du maintien dans l'emploi sont mobilisables pendant le CDI en fonction de l'évolution des besoins. »
« La qualité et la sécurité des conduites culturales plutôt que le rendement » « Le rapport qualité/prix de la farine ne bouge qu'en fonction de l'évolution des cours du blé et de la variation des charges fi xes inhérentes à chaque entreprise. La qualité est aujourd'hui assurée, bien que la vigilance soit de mise. Que ce soit à l'export ou sur le marché intérieur, la demande penche largement en faveur des BPS et la meunerie française n'est pas la seule utilisatrice ! Le travail de promotion de l'ANMF (listes BPMF et VRM) et des cahiers des charges de type Arvalis- IRTAC ou CRC permettent de mettre en avant la qualité et la sécurité des conduites culturales plutôt que le rendement. » |
par Armand Tandeau (publié le 20 septembre 2011)