Les experts de la transaction en boulangerie sont unanimes : les banques ne soutiennent quasiment plus les porteurs de projet qui ne sont pas en mesure d’apporter 20 à 30 % du prix de vente net vendeur d’un fonds de boulangerie. Les jeunes diplômés et les professionnels en reconversion rencontrent, en particulier, de grosses difficultés pour acquérir leur première affaire, malgré parfois des compétences boulangères et entrepreneuriales certaines.
La base : l'emplacement
François Leblan, dirigeant de Picardie Fournil (société installatrice membre du C9), au siège situé à Amiens (80), connaît bien ce problème. « Les jeunes boulangers qui veulent entreprendre n’ont en général pas ou peu d’apport et aucune expérience en matière de transaction de fonds, explique-t-il. Les bonnes affaires ne leur sont pas accessibles, faute de moyens suffisants. Certains artisans influençables peuvent se rabattre sur des affaires mourantes, et même véreuses, qu’ils achèteront beaucoup trop cher, déplore-t-il. La famille est souvent derrière pour prendre en charge l’apport ou la garantie. Et puis, rapidement, les ennuis s’accumulent : investissements imprévus, pannes, ventes insuffisantes… La situation personnelle et familiale devient parfois dramatique. Si on veut trouver la bonne affaire, la première chose à avoir en tête, c’est l’emplacement : il faut impérativement pouvoir se garer et avoir une bonne circulation devant la boutique. C'est vital ! » insiste-t-il vivement.
Obtenir les chiffres du trafic automobile est important. Mener sa petite enquête de terrain peut aussi aider à y voir plus clair, notamment pour évaluer la concurrence (produits, qualité, prix, services, etc.). Se renseigner auprès de la mairie ou de la chambre de commerce afin de connaître les projets commerciaux sur le territoire (franchises, supermarchés ?) peut éviter aussi bien des déconvenues.

Un bon emplacement compte parmi les facteurs de succès d’une affaire.
La clé : être bien accompagné
Se faire conseiller par des organismes désintéressés ou par des entreprises dont l’activité dépend de votre réussite (par exemple : des meuniers ou des installateurs de matériels implantés localement) est essentiel.
« Au fond, la vraie question est de savoir si l’affaire permettra de tirer un salaire, et même deux pour un couple, estime François Leblan. Les banquiers sont très vigilants sur ce point. Mais ils prennent souvent leur décision sur des critères financiers — apport, garantie, prévisionnel… — sans tenir compte de la personnalité de l’artisan : sa motivation, son expérience, ses compétences… ; ni même de la pertinence commerciale du projet. Le concours d’un tiers, qui connaît bien le marché — un meunier, un installateur, un fabricant… — et qui va se mouiller financièrement via un prêt, une location, des aides diverses… peut avoir un effet levier, poursuit-il. Après, si la banque ne suit pas l’acquéreur mais que celui-ci a de bonnes relations avec un vendeur qui est prêt à lui transmettre son bien, il existe d’autres alternatives juridiques, comme l’acquisition de parts sociales de l’entreprise et/ou la location-gérance du fonds de commerce. Ces dispositifs sont peu utilisés alors qu’ils pourraient résoudre nombre de situations insolubles », indique le dirigeant de Picardie Fournil, dont la société intervient souvent en tant qu’expert dans les transactions (évaluation technique du matériel).

Tester le fournil en situation réelle est vivement conseillé avant d’acheter.
Pour une transmission en douceur
Cécile Murat et Reynald Probin, tous deux en reconversion professionnelle (lui a passé un CAP boulanger et elle prépare un CAP pâtissier), ont pu se lancer dans l’aventure entrepreneuriale lorsque le maître d’apprentissage de Reynald, Jean-François Serret, leur a proposé de reprendre 49 % des parts de son entreprise (une boulangerie-pâtisserie située à Domart-en-Ponthieux, dans la Somme).
« Le gérant a conservé cinquante et un pour cent des parts pour garder la propriété de l’entreprise et s’assurer que l’on fasse nos preuves, raconte Cécile. On s’est donné trois ans pour apprendre le métier, valider notre projet et constituer la somme nécessaire pour racheter ses parts. Entre-temps, il nous accompagne sur le plan technique — en pâtisserie, surtout —, mais aussi sur le management et la gestion de l’entreprise, de cinq salariés. Actuellement, il vient quand il peut pour nous conseiller ou nous soutenir dans la production, mais son objectif est de partir à la retraite en laissant une affaire saine et qui tourne bien, ajoute la future pâtissière. Peu à peu, il s’effacera pour nous laisser plus de place. Quand on aura racheté ses parts, l’entreprise sera à nous, mais nous serons encore locataires-gérants en ce qui concerne le fonds de commerce. Celui-ci sera peut-être cédé plus tard, quand nous aurons les moyens financiers et que lui sera prêt à vendre. Tout cela s’inscrit sur le long terme », explique Cécile avec pédagogie.
En milieu rural, ces stratégies de transmission constituent certainement une solution d’avenir pour les anciens qui veulent partir à la retraite et pour les jeunes qui veulent se lancer.
L’estimation de l'outil de production
Quand on achète un fonds, l’évaluation de l’état du fournil est un autre point critique. Concernant les diagnostics obligatoires, vérifiez bien que l’intervention (Socotec, Apave, etc.) et la mise aux normes qui doit s’ensuivre (circuits électriques, protection incendie, fumisterie, accessibilité…) sont bien à la charge du vendeur (à inclure dans l’acte de vente !).
Lire sur ce sujet : Quelles vérifications techniques faire effectuer lorsque l'on vend son fonds de commerce ?
Sur les équipements, soyez très vigilants : le matériel peut sembler en bon état général mais comporter des vices cachés financièrement pénalisants. Fuites de gaz frigorigènes, fluides interdits, défauts d’étanchéité, groupes fatigués… les chambres frigorifiques sont susceptibles d'être en fin de vie. Idem pour la cuisson : appareils à buées défectueux, cuisson irrégulière, manque de puissance, surconsommation… les fours trop vieux ou inadaptés à la production devront être remplacés rapidement.
Les machines (diviseuse, façonneuse, laminoir, etc.) peuvent également présenter des fuites d’huile, des bruits anormaux, des non-conformités (sécurité)… Faire intervenir un spécialiste pour évaluer l’état du parc est vivement conseillé. Rappelons au passage que le marché de l’occasion est un moyen pertinent de baisser l’investissement.
Lire sur ce sujet : Recycler, réemployer : comment éco-concevoir sa boutique ?
Privilégiez les grandes marques françaises/européennes toujours en activité. Certaines sociétés distributrices et installatrices remettent parfois en état des équipements d’occasion. Les fabricants peuvent aussi réviser pour un prix modique des modèles anciens dont la garantie est largement dépassée. Renseignez-vous !

L’occasion révisée permet de diminuer l’investissement sans risque.
Les avantages de la location
Certains constructeurs ont mis en place des solutions pertinentes pour les primo-accédants. C’est le cas par exemple de Bongard, qui propose un dispositif de location permettant de louer une ou plusieurs machines sur une durée déterminée, moyennant le paiement d’un loyer mensuel.
Lire à ce sujet : Financement de votre matériel : crédit-bail ou contrat de location financière ?
« Comparé au crédit bancaire ou au crédit-bail, la location financière offre de nombreux avantages pour les artisans qui démarrent. Le paiement d’une redevance fixe apporte une meilleure visibilité et une sécurité de trésorerie, la maintenance pouvant être incluse dans la mensualité. L’entrepreneur baisse son imposition car les loyers sont intégrés en charges et non en amortissement. La location facilite le recours aux prêts bancaires car l’investissement n’est pas pris en compte par les banques pour évaluer la capacité et le ratio d’endettement. Elle rassure aussi les financeurs sur les projets fragiles car le risque est partagé (siège, concession, autre organisme) et, en cas de liquidation, la perte financière est limitée (les biens loués sont repris à leur valeur réelle). La location peut donc résoudre un certain nombre de situations bloquées », précise Benoît Sévin, directeur général de Bongard.
Les porteurs de projet qui ne présentent pas toutes les garanties exigées par les banques peuvent donc trouver auprès des concessionnaires Bongard un recours possible.

L’évaluation du matériel par un professionnel évite les mauvaises surprises.
Un fournil clé en main
Les constructeurs qui couvrent toute la gamme d’équipements en boulangerie ont mis au point des solutions d’accompagnement pour faciliter le démarrage d’une activité. C’est le cas, par exemple, du groupement Pavailler, Bertrand-Puma et CFi. « Nous sommes en mesure de livrer des fournils clé en main dont l’équipement et l’agencement sont pensés pour les jeunes artisans entrepreneurs en quête de productivité et de rentabilité. Nos experts apportent aussi un service personnalisé : assistance technique, étude économique et financière, évaluation des frais de fonctionnement… », indique Sébastien Audras, chef de produit chez Pavailler.
Les matériels inclus sont adaptés à la méthode de panification choisie (bio ou conventionnel, avec ou sans levain maison, avec ou sans diviseuse-formeuse) ainsi qu'aux différentes gammes envisagées (pains, pâtisseries, viennoiseries, pizzas, sandwichs, etc.). Ils sont aussi garantis deux ans… De quoi se lancer en toute sérénité. Le meilleur outil de production n’est-il pas celui sur lequel on peut s’appuyer pour prendre son envol ?

© DR - La location du matériel : une option encore peu exploitée.