Sarrasin, riz, teff, millet et même pois chiche, châtaigne, amarante, chanvre, sorgho, maïs ou lentille… Il existe aujourd’hui tout un éventail de farines sans gluten disponibles sur le marché pour le boulanger. Ces sources de farine, riches en amidon, tel le blé, peuvent permettre aux boulangers de répondre à une demande croissante pour des pains sans gluten ou pauvres en gluten. Outre les aspects sanitaires liés aux allergies (lire l’encadré), qui concerneraient seulement 3 % de la population française, il semble qu’un phénomène de mode pousse la croissance de la consommation. Certaines marques en ont fait un argument marketing commercial lorsqu’elles n’ont pas tout simplement sauté sur ce créneau pour étendre leurs gammes et trouver des relais de croissance. Dans l’esprit du consommateur a ainsi pu germer la croyance que les aliments sans gluten sont meilleurs pour la santé, au même titre que les produits sans graisses, sans sucres, sans pesticides, sans perturbateurs endocriniens…
Voici donc un éventail non exhaustif des sources de farines sans gluten que le boulanger peut utiliser (avec une mise en œuvre particulière et bien séparée de l’atelier de préparation aux farines de blé) pour répondre à cette demande spécifique.
Depuis quelques années des farines sans gluten exotiques font leur apparition sur le marché, comme la farine de quinoa, de sorgho, de millet ou d’amarante. A. Dufumier
Choisir ses farines spéciales
Quand on parle de panification sans gluten, la farine de riz est souvent mise en avant comme étant incontournable, pour sa neutralité en goût notamment. La farine de riz est entre autres à la base du travail des pains sans gluten de la Maison Chambelland, sous forme de farine blanche ou farine de riz complète.
La farine de riz, pour la panification sans gluten, est montrée comme incontournable. A. Dufumier
La farine de maïs peut remplir le même rôle, sachant que cette dernière apporte aussi une couleur jaune, à moins d’avoir subi un raffinement plus poussé. Les farines de riz ou de maïs servent également de base pour des mélanges avec d’autres farines issues de graines riches en amidon, comme les farines plus aromatiques de châtaigne ou de sarrasin. Il est cependant possible de confectionner des pains moulés 100 % sarrasin voire 100 % farine de châtaigne.
La farine de sarrasin est très réputée pour la confection des célèbres galettes bretonnes. A. Dufumier
Les farines de légumineuses (lentilles, pois chiches, lupin, soja…) ne sont généralement pas utilisables pures. Elles apportent du goût, de la couleur et des protéines qui peuvent parfois manquer dans les farines de base des préparations sans gluten. La farine de lupin est aussi un excellent émulsifiant qui peut remplacer les œufs dans différentes préparations. Les farines de légumineuses, et surtout la farine de soja ou de lupin, peuvent contenir des facteurs antinutritionnels. Il est important de bien cuire ces préparations, voire d’utiliser des levains naturels pour espérer lever ces facteurs.
La farine de soja est adaptée aux bouillies, crêpes… A. Dufumier
Des farines plus exotiques
Outre les farines de graines connues depuis longtemps dans la cuisine occidentale, d’autres plus exotiques font leur apparition, comme la farine de quinoa, qui est riche en protéines. Cependant elle présente une légère amertume et doit donc être utilisée avec modération dans le pain. Originaire d’Amérique du Sud également, l’amarante présente une bonne richesse en fibres, vitamines, acides aminés essentiels et minéraux. La farine de sorgho présente des teneurs intéressantes en protéines avec un profil gustatif assez neutre. Le teff, originaire d’Éthiopie, présente aussi des atouts nutritionnels tout en apportant de l’élasticité aux pains, appréciée pour améliorer les propriétés rhéologiques des pâtes sans gluten. Chanvre, souchet, manioc, noix de coco… Il existe encore bien d’autres farines sans gluten mises sur le marché et dont les spécificités présentent également des intérêts.
D’autres types de farine sans gluten sont disponibles dans de nombreuses boutiques : châtaigne, coco… A. Dufumier
Très chers additifs
Pour compenser l’absence de gluten dans ces farines, les boulangers doivent ajouter des texturants lors de la panification. Parmi les texturants utilisables, les artisans peuvent utiliser les gommes (acacia, guar ou xanthane), le psyllium (petites graines à utiliser sous forme moulue), l’agar agar ou le blanc d’œuf.
Le xanthane, un texturant disponible. A. Dufumier
Les matières grasses peuvent en partie aider à améliorer l’élasticité des pâtes. Cependant ces texturants ne reproduisent jamais, de façon équivalente, les qualités technologiques des glutens de blé.
Il semble encore impossible de retrouver le même résultat d’aération de la mie qu’en panification traditionnelle. Cela est d’ailleurs confirmé par une publication récente sur le site internet du projet collaboratif pluridisciplinaire « Initiative gluten ».
Les texturants n’ont cependant pas les mêmes qualités que les glutens de blé, notamment pour l’aération de la mie. A. Dufumier
Une présence naturelle dans plusieurs céréales
Le gluten – du latin glu, qui signifie colle – est un ensemble de protéines associées (gluténines et prolamines) contenues dans le blé, le seigle, l’orge, l’avoine et l’épeautre. Chacune de ces céréales contient un type de prolamine (l’agent possiblement allergène du gluten) différent. Les glutens de blé notamment sont riches en gliadines, ce qui confère aux pâtes une texture élastique et extensible assurant une tenue à la levée. Pour cette raison, toutes les recettes traditionnelles de pain sont réalisées, au moins en partie, avec une base de farine de blé. Le gluten de blé est à la base même de la tradition de panification.
Le kernza : une promesse perpétuelle
Quoique quasiment indisponible sur le marché, la farine de kernza, pauvre en gluten, fait déjà beaucoup parler d’elle. Développé outre-Atlantique, le kernza est en effet présenté par beaucoup comme la céréale du futur, tant son mode de culture semble prometteur. Originaire de Perse, la plante a la particularité d’être pérenne, c’est-à-dire qu’elle repousse d’une année sur l’autre. Avec le kernza, les producteurs auraient ainsi moins de charges mécaniques pour préparer le sol et moins de semences à acheter. La culture, qui assure un couvert permanent, serait propice à la microbiologie des sols et donc au stockage de carbone. Son enracinement profond assurerait un recyclage efficace des minéraux qui permettrait de restaurer la fertilité avec, à la clé, des besoins réduits en engrais mais également en produits phytosanitaires. Des essais ont lieu en France et un développement commercial démarre aux États-Unis et au Canada. Le potentiel de rendement serait cependant encore trop bas et le manque à gagner trop grand pour espérer développer la culture à la même échelle que celle du blé.
Intolérance ou sensibilité au gluten
L’intolérance au gluten (qui touche 1 % de la population en France) est connue également sous le nom de maladie cœliaque. Elle peut être très invalidante pour les personnes atteintes, qui doivent totalement proscrire le gluten de leur alimentation. L’absorption de gluten, pour ces personnes, se traduit par la destruction des villosités intestinales. La sensibilité au gluten, quant à elle, se traduit par des symptômes liés à l’absorption de gluten, sans pour autant que l’intestin soit directement endommagé. Elle touche environ 2 % de la population. Cependant 8 % de la population française aurait suivi un régime sans gluten en 2021, selon le baromètre Because Gus. Certaines personnes adoptent donc des régimes sans gluten à titre préventif. En dehors des cas d’allergies, il semble que les consommateurs risquent plutôt de dégrader leur santé en ayant recours à des régimes sans gluten, qui aboutissent à la consommation de produits très transformés souvent plus gras et contenant moins de fibres*.
* Études parues dans The British Journal of Nutrition (2015) et Plant Foods for Human Nutrition (2014). « Are Gluten-Free Foods Healthier than Non-Gluten-Free Foods ? An Evaluation of Supermarket Products in Australia » (The British Journal of Nutrition , 2015) et « Nutritional Differences Between a Gluten-Free Diet and a Diet Containing Equivalent Products with Gluten » (Plant Foods for Human Nutrition, 2014).