Septembre, dernière ligne droite avant la récolte. Les noix entourées du brou sont encore attachées aux branches, le remplissage du cerneau se termine. Après avoir protégé leurs vergers contre les ravageurs tout au long de l’année, les nuciculteurs ne craignent plus que les orages et la grêle.
Sur leur exploitation familiale de Saint-Hilaire-du-Rosier (Isère), au cœur du terroir de l’Appellation d’Origine Protégée (AOP) noix de Grenoble, Ludovic Belle et Dorothée Locatelli espèrent que la récolte 2025 fera oublier les deux dernières années. « Normalement, nos vingt-huit hectares donnent soixante-cinq tonnes de noix sèches, indique Dorothée. Mais depuis deux ans, nous ne dépassons pas trente tonnes après tri ! » Sont en cause les aléas climatiques et les insectes, qui pondent dans les fruits. Contre ceux-ci, la ferme en agriculture biologique emploie des méthodes respectueuses de la biodiversité : argile blanche pour que les mouches ne reconnaissent pas les fruits, diffusion de phéromones dans le verger pour empêcher mâles et femelles de se retrouver, etc.
Qualité irréprochable exigée
Le top départ des récoltes – généralement début octobre — est donné chaque année par la commission maturité de l’AOP. Chaque producteur affine en fonction de l’observation de ses propres vergers. « Nous récoltons uniquement les noix au sol car cela signifie qu’elles sont bien mûres, indique Dorothée. Pour les aider à tomber, on peut utiliser une secoueuse : deux grands bras mécaniques qui enserrent le tronc et le font vibrer. Ensuite, tout va très vite, car plus les noix sèchent rapidement mieux elles se conservent ! »
Moins de 36 heures séparent le ramassage du séchage. Entre les deux, les noix sont conduites à la station de lavage. Débarrassées des branches et des feuilles, puis de la terre et du brou, et enfin des cailloux, elles transitent ensuite par deux laveuses qui nettoient jusqu’aux plus petits interstices de la coque. À l’exception du dernier lavage pour lequel l’AOP impose une eau claire, toute l’eau du circuit est réutilisée.
Au séchoir, les noix sont ventilées pendant trois à quatre jours avec un air chauffé à 30 °C — la chaudière est alimentée par le bois de taille des noyers et les coques. Le taux d’humidité maximum fixé par l’AOP est de 10 %. « Nous visons 8 % pour garantir une meilleure conservation, reprend la nucicultrice. Nos noix passent ensuite par la calibreuse puis un trieur optique écarte les fruits tachés. Nous trions ensuite à la main les noix assez jolies pour l’AOP. »
Les fruits dont le calibre, l’aspect ou la variété ne correspondent pas à l’AOP sont cassés. Ils seront vendus sous forme de cerneaux entiers, pressés en huile ou incorporés dans des recettes élaborées sur place : confitures de noix (59 % de noix, sucre et pointe de sel), pâtes à tartiner chocolatées (chocolat, noix, huile de noix et sucre), cerneaux enrobés de caramel ou de chocolat, cerneaux enrobés d’épices pour l’apéritif, tapenades olives et noix, biscuits et cookies, etc.
Des atouts nutritionnels
En plus de la franquette, variété star de l’AOP qui se consomme sous toutes ses formes (fraîche ou sèche, entière ou en cerneaux, brute ou transformée), Ludovic et Dorothée cultivent deux autres variétés. « La fernor présente des calibres généreux et plus de douceur en bouche, présente Dorothée. La lara est une variété précoce sans amertume qui peut être consommée fraîche. Après séchage, son goût est peu marqué : nous l’intégrons dans les pâtes à tartiner au chocolat. »
Quelle que soit sa variété, la noix regorge d’atouts nutritionnels. Riche en acides gras de qualité (oméga 3) et en minéraux (cuivre, magnésium, phosphore, zinc, fer, potassium), elle est source de vitamine E et de fibres, et très pauvre en sodium. Son point faible est le rancissement. « Pour l’éviter, il est impératif de conserver au frigo les huiles de noix et les cerneaux, martèle Dorothée. Je conseille même de placer au frigo les noix coques à partir du printemps. » Sous ces conditions, celles-ci peuvent se conserver un an et demi, et les cerneaux jusqu’à un an. Particulièrement sensible, l’huile de noix doit aussi être protégée de la lumière.
Une farine riche en protéines
Contrairement à l’huile d’olive dont l’extraction à froid est gage de qualité, le pressage des noix comprend traditionnellement une étape de chauffe. « Cela va améliorer le rendement et surtout développer ses arômes, explique Séverine Belle, qui a installé un moulin sur la ferme de son frère et sa belle-sœur. Les cerneaux sont broyés, puis cette pâte est chauffée jusqu’à une température allant de 90 à 145 °C selon les goûts. L’huile est ensuite extraite lentement par pression mécanique. » Le moulin fonctionne toute l’année : en fin de saison, les cerneaux plus matures donnent une huile plus goûteuse qu’en début de saison. Destinée à l’assaisonnement, elle s’utilise sur des salades ou des plats en fin de cuisson.
Le tourteau (résidu sec obtenu après extraction de l’huile) se prête, lui, à des utilisations en cuisine et en pâtisserie. Comportant 44 % de protéines, il apportera des arômes subtils de noix dans des recettes sucrées et salées : béchamel, biscuits moelleux, pain (20 % du poids total de farine), cookies, crèmes dessert, etc. Non gras, il ne rancit pas et se garde 18 mois, de préférence au frais.
Retrouvez les recettes à base de noix sous toutes ses formes proposées par la ferme