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© B. Guicheteau
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personnalité du mois Roland Feuillas, artisan du vivant

Depuis son moulin de Cucugnan, dans l’Aude, Roland Feuillas, le chantre du « pain 100 % nature », a mis en œuvre une filière d’approvisionnementet de formation avec les Moulins Foricher.

ÀNîmes puis à Cucugnan (Aude) depuis 2006, cet ancien ingénieur a construit un écosystème de paysans, meuniers et boulangers pour une filière blés (anciens)-farines (sur meule)-pains (au levain dur) 100 % intégrée, répondant à un cahier des charges global ou holistique. Un engagement de qualité artisanale, qu’il développe à plus large échelle en partenariat avec les Moulins Foricher.

La Toque Magazine : engrain, khorasan, pétanielle noire de Nice.… Comment travaillez-vous ces blés anciens ?

Roland Feuillas : Avec les vraies variétés anciennes, il faut beaucoup désapprendre pour réapprendre, à toutes les étapes de la panification. D’où la création d’une filière de A à Z, de la semence à la digestion, et d’un label de qualité, le pain 100 % nature. À Cucugnan, nous avons deux moulins fabriqués par les frères Astrié pour des moutures en un seul passage, garantes de biodiversité, sans micronisation du son. Chez les Foricher, nous avons mis en place cinq systèmes sur meule de pierre pour obtenir cette qualité de farine à partir de nos blés anciens, avec des volumes et des outils d’homogénéisation permettant de garantir le même composé moléculaire par lot. Aujourd’hui, plus de 40 boulangers partenaires travaillent ces farines, motivés par l’envie de faire du bon, du beau, du vrai, du juste.

Le moulin d’Omer domine le village de Cucugnan. Il a été remis en exploitation en 2006.

B. Guicheteau

En quoi consiste le dispositif mis en place avec les Moulins Foricher ?

Roland Feuillas : Le cadet des trois frères, Yvan, est venu à Cucugnan et une amitié s’est nouée entre nous. Nous avons commencé à travailler ensemble sur la récolte 2019. Les Foricher sont le point d’entrée mais, en qualité de maître-d’œuvre, nous assurons l’approvisionnement en blés, la formation au moulin, en lien avec leurs démonstrateurs. Depuis 2009, nous organisons des stages pour transmettre nos tours de main. Ceux proposés avec les Foricher s’articulent en plusieurs niveaux, dont l’un axé sur la microbiologie, les bactéries lactiques, les levains, qui sont des milieux vivants et donnent des pains plus nourriciers et digestes, en pleine période de diabolisation du gluten.

Quel est votre meilleur souvenir de pain ?

Roland Feuillas : Je n’aime pas le sensationnalisme : un pain doit être soft, doux, calme, sans aspérités. L’émotion se fait dans le subtil. Si vous voulez toucher les gens et leur faire comprendre la biodiversité, il faut leur faire déguster plusieurs pains, très différents les uns des autres, qui leur (ra)content des histoires. C’est la meilleure manière de sensibiliser à la biodiversité. Le pain est l’aliment de la conscience.

Votre conservatoire de blés anciens compte 250 variétés du monde entier. Comment l’avez-vous constitué ?

Roland Feuillas : Le projet a démarré à Nîmes avec l’identification des touzelles de Nîmes, du petit épeautre de Provence et d’anciens seigles auvergnats. Cette base s’est peu à peu ouverte à plus de biodiversité, contrairement à l’industrie moderne qui a plutôt fait des focales homozygotes, avec des génomes très ressemblants, sinon identiques. Cette démarche s’apparente à de l’eugénisme alimentaire, appuyée par le développement de cultures hors sols, pauvres en nutriments, en minéraux et en spiritualité. Constituée au fil du temps, ma collection est vivante, car les blés tournent. Cette année, nous avons 35 variétés de blés anciens en grandes cultures et 187 en multiplication.

La farine de meule du Moulin de Cucugnan est particulièrement adaptée à la confection de tous les biscuits.

B. Guicheteau

Comment se déroule votre quotidien ?

Roland Feuillas : Au départ, j’étais seul au four et au moulin. Petit à petit, j’ai pu embaucher et nous sommes aujourd’hui 17 personnes pour couvrir la globalité de la filière. Ici, à Cucugnan, nous démontrons qu’il existe une voie alternative, écologiquement et économiquement vertueuse, qui nous permet de vivre de notre métier et d’abonder au pot commun, avec des pains fixés à un certain prix [NDLR : à partir de 7,50 €/kg], mais à moins pour un produit de cette qualité. Il ne faut surtout pas confondre la notion de coût et la notion de valeur. Le très bon pain, même plus cher que le nôtre, est beaucoup plus accessible aujourd’hui que par le passé. Il faut remettre cela en perspective avec le budget alimentation des ménages, qui n’a cessé de baisser avec les années.

Propos recueillis par Barbara Guicheteau

Plus d’informations auprès des Moulins Foricher : 02.38.67.02.63/05.57.68.67.84

www.foricher.com

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