Face à l’inflation, la restauration boulangère a plus que jamais une carte à jouer en pariant sur une offre à destination des petits budgets ; ce, sans rogner sur la qualité et la créativité, au cœur de l’artisanat. Une équation difficile à résoudre pour les professionnels, confrontés également à la flambée des coûts des matières premières et de l’énergie. Dans la conjoncture actuelle, comment concilier originalité et qualité tout en préservant sa rentabilité ?
Difficile, la période est aussi propice à l’émergence d’initiatives innovantes favorisant la résilience, comme celle de la start-up Atypique qui valorise des fruits et les légumes français déclassés (lire LT n° 342). (Lacto-)fermentés, marinés ou confits, ces végétaux enrichissent les recettes snacking à la manière de condiments. Simples à préparer et sans cuisson, les pickles au vinaigre relèvent ainsi le goût de sandwichs, de croques ou de burgers. Dans le même esprit, il est aisé et bon marché de parfumer ses huiles et ses vinaigres à l’aide d’aromates, de zestes d’agrumes ou de piments, façon “rhum arrangé”, pour personnaliser ses assaisonnements, dans l’esprit des huiles d’olive infusées Kalios (à l’ail, au thym, à la sauge).

Bien dosées, dans une marinade au curry, par exemple, les épices ajoutent une touche d’exotisme. Les herbes (voir encadré) comme les salades, voire les fleurs comestibles (tagète, bourrache, capucine), apportent de la saveur, de la fraîcheur, ainsi que de la couleur, attractive en boutique. Dans les pains ou en topping, les graines (de courge, de lin, de sésame) et les fruits secs (noix, noix de cajou) légèrement torréfiés, agissent comme des exhausteurs de croquant et de profondeur aromatique.

Un large catalogue d’épices
Déjà introduits en pâtisserie pour créer des contrastes en termes de goût et de texture, tous ces ingrédients participent à une montée en gamme du snacking, qui s’inspire de la street food, de la bistronomie, voire de la gastronomie. Illustration de ce mélange des genres, de plus en plus de chefs (étoilés) ouvrent des enseignes de restauration rapide, comme Alain Ducasse et son kiosque à burgers végétariens Burgal ; ou Mory Sacko et son concept de comfort food dédié au poulet frit, MoSugo.

Ultra-médiatisé, ce dernier n’est pas avare en astuces pour “twister” sa cuisine du quotidien, comme l’utilisation du miso à la place de la moutarde pour une mayonnaise à l’étonnante saveur umami. À la tête de L’Osier au Mans (Sarthe), le pâtissier japonais Masatoshi Takayanagi en intègre aussi dans sa vinaigrette, en association avec de l’huile de pépins de raisin, du vinaigre de riz, une pointe de sucre et des graines de sésame. Libre à chaque artisan de s’approprier la démarche avec ses propres ingrédients (ail écrasé, échalotes, herbes ou cornichons ciselés, Savora, etc.), pour des assaisonnements différenciants mais accessibles, boulangerie oblige.
Jouer la complémentarité et le contraste en apportant une note d’acidité à un fromage, par exemple
Abordables, les jus d’agrumes, la sauce soja, le miel, les huiles d’olive ou de colza ; les vinaigres de cidre, de xérès ou balsamique, offrent déjà une belle palette aromatique. « Le vinaigre casse la monotonie et fait saliver », rappelle Chandra Brune, de la vinaigrerie artisanale La Guinelle (Pyrénées-Orientales), qui constate « un intérêt croissant pour les assaisonnements ».

En témoigne le large catalogue d’épices désormais disponible en France. Là encore, l’objectif n’est pas forcément d’utiliser des baies ou des poivres rares et chers, mais d’attiser les saveurs de ses recettes. En petite touche dans une mayonnaise, les algues diffusent, par exemple, des notes iodées, quand les différentes sortes de sels, de paprikas ou de piments fumés évoquent des saveurs carnées de barbecue. À Bordeaux, le boulanger Louis Lamour parfume ainsi sa focaccia avec de l’huile d’olive et du paprika fumé. « Utilisé dans la paella et le chorizo, ce dernier est parfait sur des pâtes ou sur des pommes de terre », suggère Iliana Diaz, cofondatrice des épices Ikori. Le sel, l’huile ou le paprika fumé relèvent encore bon nombre de recettes veggies à base de légumes rôtis ou confits.

Trouver un équilibre gustatif
Reste à trouver les bons accords et équilibres. Le principe : jouer la complémentarité et le contraste en apportant une note d’acidité à un fromage par exemple (tartines feta-pickles), ou à une viande (croque poulet-citrons confits). Autre piste à creuser : les saveurs aigres-douces, à l’instar du sandwich de la Maison Boulay-Parisse qui associe poulet rôti mariné au curry, miel, noix de coco, tomates, salade et sauce curry.
Valeurs ajoutées du boulanger, les pains peuvent aussi être assaisonnés, les pickles agrémentant idéalement les pâtes viennoises, briochées, hallah ou feuilletées. Attention enfin : au vu de leur puissance aromatique, les condiments s’utilisent au compte-gouttes : pas besoin d’avoir la main lourde pour personnaliser ses recettes. Avec ce que cela suppose d’économies à la clé.