Vendredi 3 octobre, il pleut à Rennes et la boulangerie Fleur de sel en profite pour dégainer sa première collection de snacking chaud. À la carte : un hot dog sur une base de pâte à croissant, une brioche suisse à la fondue de poireaux et saumon, un croissant burger et un burg’œuf (ou egg roll) — soit un bun feuilleté garni d’un œuf au plat, sauce tartare, cheddar et poitrine fumée. Quatre références appétissantes et gourmandes qui reflètent l’identité et le positionnement singulier de la boutique, axés sur la boulangerie et la viennoiserie.

Ses deux fondateurs, le chef tourier Baptiste Cortais et le boulanger Mathis Ruelleux, se sont rencontrés dans l’atelier de la Maison Fraudin, à Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine), après une formation en boulangerie et pâtisserie. Un double cursus qui leur a donné très tôt le goût du tourage, « moins méticuleux et plus brut que la pâtisserie, mais tout aussi technique, avec un côté très vivant, et des paramètres à adapter chaque jour en fonction de l’environnement », analyse Baptiste, lauréat du concours national du Meilleur croissant en 2019. Et de se rappeler : « Déjà, à l’époque, j’avais été frappé par l’engouement suscité par ce titre en boutique, avec des ventes multipliées par dix. » Comme les prémices du formidable renouveau actuel de la viennoiserie.
Également amateur de concours — « un bon levier pour progresser, s’évaluer et sortir la tête du quotidien » — Mathis Ruelleux décroche le prix du meilleur croissant de Bretagne en 2022, scellant l’alliance à venir des deux artisans ; qui partagent les mêmes aspirations et valeurs professionnelles, tant en termes de management que d’approvisionnement, qualitatif ou rien : « On veut être fiers de ce que l’on vend. »
Des pains à l’identité bien tranchée
Après quelques travaux de modernisation et un teasing sur les réseaux sociaux, ils ouvrent leur boutique en juillet 2025, dans une ancienne boulangerie située en périphérie du centre-ville. « On voulait un emplacement avec une vie de quartier, et une activité stable », confie le duo, qui ne s’attendait pas à un tel succès. En trois mois, ils ont déjà explosé leur prévisionnel. « Au quotidien, les gens n’ont plus forcément envie d’entremets sophistiqués mais de produits simples, bons, bien faits », observent les boulangers, qui ont décidé de zapper la pâtisserie au profit de la viennoiserie. Une manière de se démarquer sur une scène artisanale rennaise en pleine effervescence.

Le choix du nom — évoquant l’univers culinaire au sens large — et de leur logo — un croissant graphique — participe à cette volonté de singularisation et d’identification par le public. Leurs produits mûrement pensés et élaborés finalisent leur concept. Côté boulangerie, la courte gamme de pains biologiques au levain (15 heures de fermentation) affichent des identités bien tranchées, grâce notamment à l’emploi de céréales et de farines torréfiées, « de formidables exhausteurs naturels de goût, même à faible dosage », remarque Mathis, qui a choisi celles de Vallée Torréfaction. Illustration avec le bara (“pain”, en breton), un mélange de farines T80 et de blé noir, avec du sel de Guérande et des graines de sarrasin torréfiées.
À ces spéciaux, s’ajoutent une baguette tradition et un pain de mie sur empois d’amidon. Certains pains sont travaillés en snacking froid suivant le principe “un pain, un sandwich”, avec des garnitures préparées maison. Les légumes viennent du primeur voisin et les viandes sont tranchées par leur soin.
Rayon sucré, la part belle est faite aux flans, ultra-tendances en ce moment. Longuement peaufinée, leur recette de base est toujours la même, en vue de rationaliser la production : une pâte à croissant finement croustillante grâce à une précuisson, et un appareil à la vanille de Madagascar. Variant au fil des saisons, les sept parfums disponibles chaque jour sont apportés par des inserts et/ou des toppings (fruits, confits, pralinés, etc.). À la suite de la publication d’un compte influent sur les réseaux sociaux, le flan s’est vite imposé comme leur produit phare.
« Avant tout », un goût de beurre
Autre gros poste de vente, la viennoiserie se décline en de multiples références. Des classiques : croissants, pains aux raisins et au chocolat, chaussons aux pommes (avec compote maison), pains suisses striés. Et des plus originales, comme un éclair choco-noisettes avec de la pâte à croissant à la place de la pâte à choux. Ce, sans compter le snacking salé.
Pionnier, Baptiste Cortais a développé avant l’heure des croissants bicolores, et remporté le premier prix de la viennoiserie au chocolat avec une création originale, lors du Salon du chocolat de Vannes en 2021. Les concours, entraînements et formations ont forgé son expertise. « Pour moi, un croissant doit avoir avant tout un goût de beurre », évalue l’artisan, qui n’ajoute ni miel, ni vanille, ni levain dans sa recette. Après une batterie de tests, il a choisi le beurre de tourage Lescure Charentes-Poitou AOP, « pour sa plasticité et son goût unique ». « On parle beaucoup de l’importance du beurre ou du nombre de tours, mais un bon croissant se joue à quatre-vingt-dix pour cent dans le pétrin », estime-t-il. Autre point clé : « Plus on a de volume au pétrissage, plus la pâte sera de qualité », souligne le tourier, qui a opté pour « un pétrin à spirale VMI, la “rolls” du genre ». Bien rodé, son process réserve encore « des pieds de nez à la pâtisserie pour la fin de l’année ».
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Laiterie de Pamplie : le bon goût du beurre AOP
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