En orchestre, en quatuor, en duo, en soliste : Anh Quoc Lê, 48 ans, est un sacré instrumentiste de la restauration. En témoignent sa longue expérience en tant que traiteur évènementiel, la création d’un restaurant à Nancy – avec toujours une partie traiteur –, les cours de cuisine qu’il donne, sa participation à plusieurs émissions de télévision… Avec, dans sa partition, des notes colorées, épicées, mélange étonnant de ses origines vietnamiennes et de la Lorraine où il est né.
« J’utilise beaucoup d’herbes et de légumes pour le côté asiatique et je m’approvisionne le plus possible auprès de producteurs locaux, explique-t-il. Pour le bœuf wagyu*, par exemple, j’ai réussi à trouver un éleveur dans le département. Surtout, je “parle” avec mes plats. De mes origines, de ma grand-mère qui a vécu jusqu’à cent ans en partie ici, en France. J’y rappelle mes voyages, en Thaïlande ou au Japon, dont j’admire la rigueur. »
Une cuisine originale qui utilise des fleurs, des herbes asiatiques, des agrumes et des légumes-racines. © D. Péronne
Un parcours dense
Quelques jours plus tard, il devra assurer un show-cooking pour une soirée de la chambre de commerce et d’industrie de Meurthe-et-Moselle qui réunira 80 personnes. « Pas de petits sandwichs ou de verrines, comme le font beaucoup de traiteurs, mais des mini-plats préparés sur place, précise le chef. Les clients apprécient beaucoup, c’est vivant, visuel. »
Alors que ses deux employées s’affairent en cuisine pour le déjeuner, que son épouse reçoit un représentant, Anh Quoc, dit Cook-ki – un surnom qui lui vient de l’enfance – revient sur son parcours professionnel dense et sportif : « Mon père était cuisinier et j’ai passé mon BTS cuisine ici, à Nancy. Puis j’ai été embauché par Sodexo, le leader mondial de l’événementiel festif. »
Anh Quoc Lê et ses deux cuisinières, Thu, originaire du Vietnam ; et Meva, de Madagascar.
Chez ce géant de la restauration, Cook-ki fait ses armes, allant jusqu’à gérer des bataillons entiers de personnels. « J’ai commencé au Stade lorrain université club, le club de basket de Nancy, lors des soirées de match. Puis j’ai été muté en Bourgogne, où Sodexo avait en charge la partie traiteur du club de football l’Olympique Lyonnais. C’était la grande époque du président Jean-Michel Aulas, pendant laquelle j’ai connu trois directeurs. Il faut avoir les nerfs solides quand on se retrouve à devoir préparer des cocktails à la suite pour 3 000 personnes les soirs de matchs de gala. Je me souviens d’une soirée d’hiver où les cuisiniers, qui venaient de plusieurs endroits de la région, sont arrivés très en retard à cause de la neige. Évidemment, les ascenseurs étaient en panne… il avait fallu tout monter par les escaliers. »
Au cours de ces années chargées sur le plan professionnel, Cook-ki côtoie les grands chefs de la région lyonnaise – réputée pour sa gastronomie –, comme Jean-Christophe Ansanay-Alex de l’Auberge de l’île Barbe à Lyon, restaurant une étoile au guide Michelin ; ou Pascal Molines, champion du monde de pâtisserie et MOF pâtissier confiseur. « C’était très enrichissant. J’ai acquis une vraie expertise de traiteur de haut niveau. Il faut savoir gérer des volumes très importants sur un temps très court, en plus de manager les équipes de cuisiniers, serveurs, barmen et hôtesses. Parallèlement, je conservais un pied dans la restauration haut de gamme, puis je gérais un restaurant pour les VIP. Mais c’est épuisant. Il faut faire une croix sur sa vie de famille et avoir dans la trentaine pour tenir le coup physiquement. »
« Être traiteur de haut niveau est tres formateur, car il faut savoir gerer des volumes très importants sur un temps très court, en plus de manager les equipes [...]. Mais c’est tres fatigant physiquement et incompatible avec une vie de famille », explique Cook-ki, qui a un petit garcon âgé de 4 ans.
En 2016, Anh Quoc démissionne de chez Sodexo et achète un restaurant à Nancy, un peu en périphérie du centre-ville, qu’il rebaptise de son surnom. « J’y concocte une cuisine originale. Les gens qui ont voyagé, notamment en Extrême-Orient, aiment à venir ici. Je propose des menus “surprise” avec cinq plats découverte, accompagnés de cinq vins différents. La carte change fréquemment, quasiment toutes les semaines », précise-t-il.
Son épouse Audrey est chargée du service et de la partie vins. « Je suis une ancienne assistante de direction, raconte-t-elle. En épousant Cook-ki, j’ai épousé la cuisine ! Mais je me suis spécialisée dans tout ce qui est sommellerie par goût. Nous faisons partie de l’Association des sommeliers d’Alsace. »
Anh Quoc Lê et son épouse Audrey. Le surnom “Cook-ki” est la déclinaison culinaire du surnom d’enfance d’Anh Quoc, “cook” pour cuisinier et “ki”, l’énergie en japonais.
La participation à l’émission de M6 “Le combat des régions”, diffusée à partir de juillet 2022, dans laquelle Cook-ki s’entend à défendre les produits locaux, booste aussi la notoriété du restaurant.
Titré par Gault & Millau
Pendant le premier confinement, Cook-ki, hyperactif et jamais à court d’idées, met en place des cours de cuisine gratuits en visioconférence, sur Facebook notamment. Cela lui donne envie de continuer en présentiel. « Pour le moment, nous avons un cours le samedi matin. Nous allons en mettre un second en place le mercredi matin », précise-t-il. Le couple est également en train de créer un centre de formation, pour lequel il vient de recevoir un agrément. Au menu : cours de cuisine, de sommellerie, de management, d’arts de la table. Le nom est trouvé : ce sera la Cook-ki Académie.
En 2021, Cook-ki a été distingué par Gault & Millau, qui lui a accordé le titre de maître restaurateur.
*Wagyu signifie bœuf japonais et fait référence à plusieurs races de bétail élevées au Japon.
Bœuf wagyu “tuku” du Japon, Tatin de légumes d’hiver, sauce carotte des sables, gingembre et miel à la propolis. Une recette proposée par Anh Quôc Lê lors d’un show-cooking, pour des soirées “prestige”.