En tant qu’artisan, comment rivaliser avec les chaînes de boulangeries ? En adoptant certaines de leurs pratiques à l’efficacité prouvée (lire notre dossier) tout en défendant un fait maison de qualité. Aux Sables-d’Olonne, en Vendée, Lucie et Jacky Jeannière ont choisi ce positionnement, particulièrement pertinent dans le contexte actuel : « On défend une boulangerie artisanale pour tous, avec des produits simples, bons, efficaces », résume le couple, qui a donné à sa boutique un prénom de grand-mère, Lucette, reflet de ses valeurs authentiques et familiales.

Pâtissier de formation, lui a suivi un CAP boulanger option chef d’entreprise en 2015, à l’Institut national de la boulangerie pâtisserie de Rouen, pour étoffer ses compétences — notamment en matière de gestion — en vue de s’installer un jour.
L’opportunité lui a été offerte en 2017 par son patron de l’époque, qui lui a proposé de s’associer pour reprendre une boulangerie aux Sables d’Olonne sous la marque Tartine et Gourmandise, une enseigne artisanale réputée en Vendée.
Un projet qui tombe à pic : « Seuls, on n’aurait pas eu la capacité d’investissement suffisante », rapporte le boulanger, qui bénéficie d’une grande indépendance pour façonner une gamme à son image. La clientèle adhère, et le chiffre d’affaires est multiplié par quatre en cinq ans.
Un succès qui incite le couple à racheter les parts de leurs associés en 2022 et à rebaptiser le magasin. « On a repeint la façade en beige en reprenant les moulures d’origine, dans un esprit rétro/moderne qui s’inscrit dans l’environnement et nous correspond bien», confie la jeune femme.
Un merchandising optimisé en boutique
Leur réussite est la combinaison de plusieurs facteurs : déjà, un emplacement de qualité qui bénéficie de la popularité des halles voisines (où la boulangerie a un stand). Rares sont les matinées, surtout en saison, sans file d’attente débordant sur le trottoir. Gage de fréquentation, celle-ci s’explique aussi par l’étroitesse du magasin. Ses deux accès et son équipe de vente dynamique assurent toutefois la fluidité du trafic client. Si l’on attend, ce n’est jamais longtemps !

Cela offre, en prime, l’occasion d’observer l’entièreté de la gamme en vitrine. « On essaye d’optimiser le merchandising au cours de la journée, en présentant toujours un maximum de produits aux clients », explique Lucie Jeannière, qui joue ainsi sur l’attractivité visuelle pour stimuler l’acte d’achat.
Les gâteaux de voyage, cakes ultra-gourmands vendus en tranches (marbré, citron-pavot, façon gâteau nantais), généreux cookies et autres cannelés dorés, au bon rapport qualité-prix, sont stratégiquement positionnés à hauteur de regard pour favoriser les petits “craquages” et augmenter ainsi le panier moyen.
Les viennoiseries et pâtisseries, tartes de saison et entremets (paris-brest, millefeuilles, etc.) jouent sur les mêmes recettes, avec des visuels soignés, des formats gourmands et des prix accessibles.


Les pains, spéciaux et baguettes (présentées sur échelle en direct depuis le fournil, par praticité), se concentrent autour des caisses automatiques. Best-seller : la fameuse Pétrisane (1,20 € les 300 g), proposée en plusieurs cuissons et avec une offre commerciale 4+1 offerte. « On a hésité à l’arrêter avec la flambée des coûts, mais cela reste un produit d’appel qui nous a permis de rajeunir et d’élargir notre clientèle tout en restant rentable financièrement », observe Lucie, en charge de l’administratif. Et d’ajouter : « Nous étions déjà vigilants sur la gestion mais la conjoncture nous oblige à l’être encore davantage, sur tous les postes, pour préserver la rentabilité. »
Ce qui ne l’empêche pas de soigner sa clientèle, avec des concours en ligne et un programme de fidélité qui permet d’être crédité de 5 % du montant total de ses achats à chaque passage.

Une vitrine digitale sur les réseaux sociaux
Chez Lucette, la gamme est relativement courte, soit une dizaine de références par famille de produits, « autant par manque d’espace, en magasin comme en production, que par volonté de rationalisation », note Jacky Jeannière. Priorité donc aux valeurs sûres, comme les tartes, les cakes ou les gâches (brioches) vendéennes, ce qui n’exclut pas une touche de fun et de créativité sur des produits éphémères.

Ces derniers génèrent de l’émulation au sein des équipes, appelées à innover en binôme vente-production dans le respect du cahier des charges de l’entreprise ; et de l’animation en magasin comme sur les réseaux sociaux, une vitrine digitale à l’impact croissant sur les ventes. « Exemple à la Saint-Valentin, où une publication a entraîné une vague de réservations, au point de dépasser les prévisions de vente avant même le jour J », confie Lucie, qui gère aussi la communication. Sa ligne éditoriale : valoriser le savoir-faire artisanal, les engagements responsables et les équipes, visibles au travail depuis le fournil vitré sur la rue et ouvert sur le magasin.

Étroit, le labo sera bientôt agrandi grâce à l’acquisition d’un local attenant. Un investissement gage de bonne santé entrepreneuriale.