Casquette vissée sur le crâne, concentré, Dorian Hernandez découpe des croissants sur un plan de travail en inox : « Je suis un spécialiste des triangles isocèles. C’est utile d’avoir un bac scientifique en boulangerie », plaisante-t-il. Avant de se lancer dans le métier, il a en effet passé son baccalauréat sur les conseils de ses parents qui souhaitaient qu’il mûrisse son projet professionnel. Dans la pièce dédiée aux viennoiseries et réfrigérée à 16 °C, il enchaîne. La régularité de son travail prouve sa maîtrise du geste comme sa rapidité. Originaire de Castelnau-Valence, dans le Gard, il est apprenti depuis février 2021 à La Magie des Pains, chez Laurent Bocquet et Marion Gourdan de Fromentel. Leur fournil hors norme se situe entre Avignon et Villeneuve-lès-Avignon, sur l’île de la Barthelasse.
Dorian l’artisan estime qu’être tourier lui correspond bien. A. Valois
Tourier, sa spécialité
« Pour rester maître de mon parcours, je préfère choisir l’entreprise où je travaille en alternance. Pendant mon CAP, j’étais à Uzès, chez Marie-Blachère. L’équipe m’a bien épaulé pendant ma formation. J’ai appris la rigueur, l’organisation, la cadence et l’effort constant. » Quand un professeur du CFA (centre de formation d’apprentis) lui conseille de s’inscrire en 2018 au concours des Meilleurs Jeunes Boulangers de France, Dorian est partant. Il s’investit, s’entraîne beaucoup et termine premier du département du Vaucluse. Alors qu’il s’imaginait pâtissier, il se prend au jeu des innombrables possibilités de la boulangerie. Il découvre par exemple que sur un auvergnat, il peut remplacer le disque du dessus par un motif, une étoile, un papillon, puis poser un pochoir. Sa soif de connaissances le pousse à solliciter ses enseignants. « Quand ils me montraient une technique, un geste, c’était comme une révolution dans ma tête. Ce que je croyais impossible finalement n’était pas si ouf ! » Tourier est devenu sa spécialité. Les concours aussi. En 2019, il va en finale nationale du concours du Meilleur Croissant d’Isigny AOP, et termine 4e. L’année suivante, il est sélectionné en finale de l’Olympiade des métiers.
Il a participé à la finale nationale du concours du Meilleur Croissant d’Isigny AOP en 2019. A. Valois
Honnêteté et franchise
Début 2021, il décide de quitter une entreprise où il ne se sentait pas respecté. Marion Gourdan de Fromente et Laurent Bocquet avaient posté une annonce en story sur Instagram. Ils cherchaient un tourier. « Je me suis présenté au rendez-vous expliquant que j’étais carré, pointilleux. Tourier correspond à mon caractère. » Son futur maître d’apprentissage lui pose la question : « Quelle est la différence entre un levain endogène et un levain exogène ? » Dorian a l’honnêteté de répondre qu’il ne sait pas, mais qu’il veut apprendre. Cette franchise plaît. Quelques mois plus tard, La Magie des Pains participe à la semaine spéciale apprentis de l’émission La Meilleure Boulangerie de France. Dorian s’investit totalement, tant il apprécie les challenges. « Les concours nous font progresser et nous enrichissent humainement », assure le jeune homme. Il est donc coaché par Thomas Subrin. Le MOF boulanger va pousser le jeune à soigner les moindres détails de sa vitrine d’apprenti. Elle comprend notamment une fougasse aux grattons, un pain sans gluten et une main de Nice. « J’ai choisi ces recettes en clin d’œil à mes différents maîtres de stage », explique Dorian. Thomas Subrin lui fait découvrirses astuces et lui enseigne qu’une grande précision fait toute la différence. Il ne faut pas hésiter à avoir un niveau d’exigence très élevé : « À son contact, j’ai eu l’impression de progresser, d’engranger d’un coup deux ans d’expérience », poursuit-il, enthousiaste.
Avec son collègue Mady, Dorian prépare des méga-viennoiseries à partager. A. Valois
D’un geste sûr et rigoureux, l’apprenti forme des viennoiseries très régulières. A. Valois
Professionnels inspirants
Pendant le tournage, il se rend compte qu’il doit sans cesse s’adapter. Le temps de la boulangerie est différent de celui des caméras. Il doit souvent faire plusieurs fois les mêmes gestes, s’arrêter, reprendre. Mais les pâtes ont besoin d’un rythme régulier. L’organisation lui donne, par exemple, deux heures pour fabriquer des barres de céréales… D’après Dorian, « c’est une très bonne expérience » et il recommande aux apprentis de participer à La Meilleure Boulangerie de France. Le tournage permet de rencontrer des professionnels inspirants.
La préparation des bretzels alsaciens, pour l’épreuve de recette régionale du BM en boulangerie (lire l’encadré ci-dessous). A. Valois
Les bretzels cuits. A. Valois
« J’ai envie d’apprendre et d’aller le plus loin possible », avoue-t-il. Son goût pour la formation le conduira peut-être vers un brevet de maîtrise pâtissier. « La viennoiserie est en plein essor. Je veux apprendre à maîtriser les crèmes et les chocolats. »
Sa création était une brioche au coco et poivre de Sichuan. Pour lui, pas de doute, « la richesse de [notre] métier est la créativité ».