Bio, Appellation d’origine protégée (AOP), Label Rouge, Haute Valeur Environnementale, sans pesticides ; produit régional, équitable ou fermier… Pour les professionnels soucieux de la qualité de leurs matières premières, il y a l’embarras du choix. Dans cette nébuleuse, il convient de distinguer les appellations “officielles” — ou signes d’identification de la qualité et de l’origine (Siqo) — régies par un cahier des charges national ou européen.
En France, ces Siqo sont au nombre de cinq : l’AOP, l’Indication Géographique Protégée (IGP), la Spécialité Traditionnelle Garantie (STG), le Label Rouge et l’Agriculture Biologique (AB) (voir infographies en pages suivantes).
« Chaque produit sous Siqo répond à un cahier des charges validé par le ministère de l’Agriculture et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, voire par l’Union européenne pour l’agriculture biologique », souligne Carole Ly, directrice de l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao).
La mission de cet établissement public sous tutelle de l’État : s’assurer que les cahiers des charges permettent d’atteindre le niveau de qualité promis. Des documents « transparents et disponibles sur notre site web, reprend Carole Ly. Le respect de chaque point est contrôlé par des organismes indépendants supervisés par l’Inao. »
Protéger un patrimoine
Le Label Rouge est une démarche franco-française, les autres labels sont encadrés par une réglementation européenne. L’Europe veille ainsi à harmoniser les exigences entre tous les États membres, mais aussi à protéger ces produits des imitations et contrefaçons. En bref, les institutions nationales et européennes sont là pour garantir que ces labels tiennent leurs promesses.
Mais que promettent-ils, au juste ? Le contenu des cahiers des charges est accessible, mais bon courage pour décortiquer les 500 dédiés à l’AOP, les 438 dévolus au Label rouge, ou encore les 300 pages du règlement bio !
Pour simplifier, l’AOP est l’expression d’un terroir. Ce sont les caractéristiques naturelles de ce dernier et le savoir-faire local qui donnent au produit sa typicité. Ainsi, le caractère d’un fromage AOP provient à la fois de la flore locale pâturée par les vaches, de la race de ces dernières et des étapes de transformation scrupuleusement suivies par le fromager.
L’AOP sauvegarde donc un patrimoine à la fois gustatif, culturel et paysager. Et même si c’est d’abord le goût qui motive son choix par les consommateurs ou les artisans, elle a un impact social et environnemental. « En permettant aux éleveurs de mieux valoriser leur lait, ce sont les AOP laitières qui ont maintenu l’agriculture dans certaines zones de montagne, souligne Carole Ly. Et elles protègent des systèmes d’élevage extensifs favorables à l’environnement. » À noter aussi que de plus en plus d’AOP prennent désormais en compte des enjeux environnementaux.
Comme son nom l’indique, l’IGP est aussi liée à un lieu, mais moins étroitement. Une étape de la production, au moins, s’y déroule. Par exemple, le jambon de Bayonne IGP est séché dans la région, mais le porc peut venir de n’importe où.
Beaucoup moins usitée en France, la STG, elle,protège une recette. Sur la cinquantaine de STG reconnues en Europe, trois sont françaises.
Qualité gustative
Le Label Rouge, qui n’a pas d’équivalent européen, distingue un produit de qualité supérieure. Plus de 400 productions françaises, d’origine animale ou végétale, arborent le logo rouge. Pour y prétendre, leur qualité gustative a dû être démontrée par des tests organoleptiques. Parmi les derniers reconnus : la farine de gruau, la mayonnaise, ou encore le nougat.
Le cahier des charges encadre à la fois le choix des matières premières et les étapes de transformation. Les produits Label Rouge contiennent une liste d’ingrédients restreinte, dont la fraîcheur et la traçabilité sont assurées, et la certificationn’autorise pas ou peu d’additifs. Un (petit) volet environnemental peut être intégré : le Label Rouge de la farine de gruau limite, par exemple, l’usage d’engrais et de pesticides sur les blés et bannit les insecticides de stockage.
Quid des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans les Siqo ? Si l’idée serait plutôt de s’en passer, la réalité économique prend parfois le dessus. « La volaille Label Rouge a voulu inscrire l’alimentation sans OGM dans son cahier des charges mais c’était trop coûteux », illustre Carole Ly.
Mode de production
À la différence des quatre labels ci-dessus, l’AB ne désigne pas un produit mais un mode de production. Et elle englobe toute la chaîne d’élaboration, avec des contrôles à chaque maillon. Pour qu’un pain arbore le logo AB, il doit être bio depuis la semence de blé. Voire avant, puisqu’il faut avoir banni les pesticides depuis trois ans pour que la terre soit reconnue bio.
Le respect des cycles naturels est à la base de l’agriculture biologique. Mais parfois l’interprétation du règlement est assez laxiste : ainsi, la production de tomates en hiver sous serres chauffées a été autorisée… Selon la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab), qui représente le courant historique de la bio, le label européen n’est pas assez strict. Elle a lancé son propre label “Fnab” : les produits qui l’arborent sont, en quelque sorte, plus bio que bio.
Des démarches privées
À côté des démarches encadrées par l’État ou par l’Europe, des entreprises, associations ou collectivités territoriales ont lancé leurs propres labels ou marques. Avec des promesses plus ou moins claires.
Les marques régionales se bornent souvent à garantir une origine locale, et il arrive que seule la dernière étape soit réalisée localement (par exemple, une huile d’olive pressée dans le sud de la France à partir d’olives importées). Rien à voir donc avec une AOP, qui prend en compte le savoir-faire humain et garantit l’origine d’un produit depuis sa genèse (dès le fourrage mangé par les vaches dans le cas du beurre, par exemple).
Les démarches qualité gérées par des entreprises ou associations sont basées, elles, sur des cahiers des charges. Mais ceux-ci ne sont pas forcément transparents, à la différence des Siqo.
« Tous les textes régissant l’Agriculture Biologique sont publics, ce qui n’est pas le cas de certaines démarches privées, commente Catherine Experton, chargée de mission réglementation à l’Agence Bio. Derrière le label Zéro Résidu de Pesticides, on me dit qu’une trentaine de substances actives sont contrôlées. Mais impossible de savoir lesquelles parmi les quelque quatre cents autorisées en France ! »
D’autres certifications mettent en avant l’aspect équitable, qu’il s’agisse d’importations depuis les pays du Sud ou de la production depaysans français. Indirectement, ces démarches sont généralement favorables à l’environnement : la durabilité économique s’appuie sur le respect de la Terre.
Par ailleurs, l’usage de certaines mentions valorisantes est encadré. Tout produit alimentaire brut ou transformé ne peut pas se proclamer “fermier”, “produit à la ferme” ou encore “de montagne” sans justifier leur respect de certains critères. Mais les produits concernés ne répondent pas à un cahier des charges aussi dense que ceux sous Siqo.
Plus récemment, est apparue la mention HVE. Gérée par le ministère de l’Agriculture, elle met en valeur des pratiques respectueuses de l’environnement. Le logo peut figurer sur un produit s’il est issu d’une exploitation agricole respectant divers critères basés sur la biodiversité, l’usage de pesticides et d’engrais (qui reste permis), et l’irrigation.
Le surcoût des produits labellisés s’explique d’une part par des conditions de production plus coûteuses (du fait derendements plus faibles, d’ingrédients triés sur le volet, dezones géographiques sous contraintes naturelles, de travail manuel, etc.) ; d’autre part, par le coût des multiples contrôles garantissant le respect deleurs engagements.
Ce surcoût est-il proportionnel au différentiel de qualité existant par rapport à un produit standard ? Il n’y a pas de réponse toute faite, à chacun d’en juger. Sans oublier qu’une multitude de producteurs font un excellent travail sans revendiquer de labels.
Lire le reste du dossier :
- Oeufs et produits laitiers, comment les choisir ? (2/3)
- Catherine Experton : « Le label bio englobe toutes les facettes de la production » (3/3)