En cette fin septembre, Fabrice Gwizdak fulmine un peu dans son bureau : « Tous les samedis après-midi, il y a dix cars de CRS qui bloquent la rue à cause des manifs anti-pass. Les gens ne viennent plus par ici. C’est une vraie perte de chiffre d’affaires pour les commerçants du quartier. Le préfet m’a promis que les manifestations auraient lieu le dimanche. » Homme de conviction et de dialogue, président de l’U2P (1) pour la Meurthe-et-Moselle, le dynamique boulanger se bat pour l’économie locale. Tout comme il défend son métier, dont il dit « voir » avec certitude les évolutions futures : « Nous devons revenir à davantage d’authenticité, tout en ayant recours à des méthodes modernes, en termes de matériel, pour gagner en productivité. Réduire les gammes, car les pains spéciaux sont exigeants en temps. Travailler avec des meuniers locaux parce que les consommateurs veulent connaître l’origine des matières premières. Rester sur des spécialités locales, comme ici des quiches, des pâtés lorrains, ce que nous demandent les touristes… » Fabrice a d’ailleurs élaboré sa spécialité, le gâteau lorrain, parfumé à l’eau-de-vie de mirabelles. Il est aussi le pro des visitandines (l’ancêtre du financier).
Dans sa boutique du centre-ville, vers 11 h du matin, la file des clients s’allonge. Seize personnes travaillent ici, dont 4 apprentis, soit 10 équivalents temps plein.
La boutique est située en plein centre-ville de Nancy. D.PERONNE
« Né dans le pétrin »
L’apprentissage, la formation sont un des autres axes de bataille de notre passionné : « Nous, employeurs, devons évoluer, proposer de meilleurs salaires, des horaires plus souples. Car nous sommes en train de perdre un savoir-faire inestimable. Les gens de ma génération — Fabrice a 56 ans — vont partir en retraite sans transmettre tout ce qui fait la richesse de notre métier. » Lui-même aime à dire qu’il est « né dans le pétrin ». Son père, d’origine polonaise, était boulanger en Moselle. Après avoir passé son CAP, Fabrice a « bourlingué », travaillant dans l’hôtellerie, chez des chefs étoilés. En Suisse, il rencontre Isabelle, alors maître-d’hôtel, qui deviendra son épouse. En 1993, ils ouvrent tous les deux cette boutique à Nancy, formant un tandem efficace. « Nous aurions pu ouvrir d’autres magasins, comme le font certains, souligne Fabrice, mais à quoi bon. Notre chiffre d’affaires a été multiplié par dix en 25 ans. Nous avons toujours privilégié la qualité et non la quantité. » L’an passé, il a décroché le prix de la meilleure brioche régionale à l’occasion du championnat de France, avec un kouglof revisité.
Le panneau sur le trottoir fait la promotion de la spécialité de Fabrice, le gâteau lorrain, dont il a lui-même élaboré la recette. D.PERONNE
(1) Union des entreprises de proximité.