Navette de Marseille, bretzel alsacien, pains pita d’Afrique du Nord, brioche tressée, miche en pierre ou croûte déstructurée… La centaine de pains réunie et scénographiée par les artistes suisses Gerda Steiner et Jörg Lenzlinger, dans le cadre de l’exposition COPAIN, au Frac (fonds régional d’art contemporain) vise à célébrer le pain sous toutes ses formes et formats. Autant d’objets et d’installations qui composent un étonnant panorama sur cet aliment universel et vieux comme le monde (ou presque). Une opportunité pour interroger ses racines, depuis le grain originel jusqu’à l’agriculture moderne. Pour les deux artistes, sensibles aux questions écologiques, sociales et politiques, le pain est à la fois une matière à nourrir le monde et à le penser, reflet de ses cultures, paysages, traditions et… dérives industrielles.
La créatrice Linda Sofia Ring transforme d’un coup de lame ses pains en véritables œuvres d’art comestibles. B. Guicheteau
Voyage sensoriel
Au-delà d’une approche strictement plastique et esthétique, COPAIN se veut immersive, avec une stimulation de tous les sens. Une bonne odeur de boulangerie ouvre l’exposition, qui intègre une cabine à déguster le pain pour aiguiser son goût et un observatoire permettant d’examiner une miette au microscope.
Sculpture alliant pain et matériaux modernes. JL & GS
Un voyage sensoriel prolongé, les mercredis et samedis, par des ateliers de fabrication-dégustation participatifs, animés par des artisans locaux, à l’instar d’Emmanuel Arnoux, de la boulangerie Le Bar à Pain (Marseille). L’occasion d’initier les visiteurs, petits et grands, aux vertus du levain naturel et de raviver tout un imaginaire collectif et personnel, le pain étant pour tous une source de souvenirs. « Une expérience ludique qui ouvre les horizons », estime l’artisan. Pour casser les carcans et créer des liens, Gerda Steiner et Jörg Lenzlinger ont également noué des partenariats avec des agriculteurs et des réseaux professionnels boulangers.
La sculptrice célèbre d’autres artistes. Barbara Guicheteau
Pains-tableaux
Pour les deux artistes, la panification s’apparente à un processus de transformation-métamorphose poétique, physique et social. Le pain apparaît alors comme une sculpture comestible, rapprochant la boulangerie et l’art contemporain, l’artisan et l’artiste. Dans le même esprit, de plus en plus de boulangers soignent leur coup de lame pour des grignes singulières, à but pratique mais aussi esthétique. Amatrice de boulange, la créatrice suédoise Linda Sofia Ring va jusqu’à dessiner des natures mortes et des portraits sur ses pâtons. À la clé : une surprenante galerie de pains-tableaux, à découvrir sur Instagram. À l’inverse, le Marseillais Emmanuel Arnoux privilégie un grignage naturel. À chacun son pain et son tour de main.
Une assiette oeuvre d’art et hymne au pain. © Gerda Steiner & Jörg Lenzlinger
COPAIN, jusqu’au 16 janvier au Frac (fonds régional d’art contemporain) Provence-Alpes-Côte d’Azur, à Marseille. www.frac-provence-alpes-cotedazur.org