Ces découvertes sont passées inaperçues alors qu’elles ont été réalisées il y a plusieurs années. Néanmoins, une parution dans la très reconnue revue Nature* est venueconfirmer l’inattendu : le cacao n’est pas originaire d’Amérique centrale ! « On pensait jusqu’alors que les origines du cacao étaient mésoaméricaines, donc guatémaltèque et mexicaine, et remontaient à autour de 2000 avant Jésus-Christ, témoigne Francisco Valdez, archéologue à l’Institut de recherche pour le développement, une structure française. Mais, avec une équipe d’archéologues franco-équatoriens du Muséum national d’histoire naturelle, nous avons découvert une nouvelle culture, dans le sud de l’Équateur, qui l’utilisait mille cinq cents ans avant ! »
La France au cœur des recherches
Sur le site de Santa Ana-La Florida, à 1040 m d’altitude dans la forêt amazonienne, les chercheurs ont trouvé de la théobromine — le composant essentiel du cacao — dans les offrandes et autres dépôts domestiques de la culture Mayo Chinchipe. Une civilisation qui vivait là vers 3 500 à 3 300 avant J-C. Trois analyses ont été réalisées pour confirmer cette découverte, notamment par l’archéologue Sonia Zarrillo de l’université de Calgary (Canada) et par Claire Lanaud, généticienne au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement à Montpellier (qui a également étudié le parcours de la domestication du cacao).
Des traces d’une boisson fermentée à base de cacao ont notamment été trouvées dans un vase à double visage utilisé par les chamanes pour entrer en transe. « Le lien entre le cacao et les forces de l’au-delà est net, assure Francisco Valdez. C’était aussi une plante médicinale utilisée de façon domestique. »
Une rivalité Pérou-Équateur
Ces découvertes autour de l’origine du cacao s’accompagnent de velléités commerciales. Ainsi, l’Équateur, important pays producteur de cacao, tente de valoriser cette découverte. En novembre dernier, l’ambassade a, par exemple, remis une réplique certifiée du fameux vase à Ethiquable, coopérative gersoise qui vend du chocolat équitable, pour son parcours de visite. « Pour l’instant, nous avons fait de même auprès de quatre musées dans le monde », déclare Javier Latorre, conseiller commercial de l’Équateur à Paris. Il ajoute : « Nous sommes fiers de cette histoire qui n’a pas encore été racontée. » Et estime : « Nous allons sans doute devenir le premier exportateur mondial de cacao dans les vingt prochaines années. » Et ce, notamment, en surfant sur ces nouvelles données archéologiques.
Le Pérou tente d’ailleurs d’en faire autant. Au Salon du chocolat, fin 2024 à Paris, l’archéologue péruvien Quirino Olivera Nuñez a donné une conférence intitulée “Le Pérou, terre d’origine du cacao”. « Les Mayo Chinchipe vivaient sur une zone frontalière entre le Pérou et l’Équateur. Pour moi, il est évident qu’il y avait du cacao en même temps au Pérou et en Équateur. Mais les études ne l’ont montré que pour l’Équateur… » Les débats, et la lutte commerciale, sont donc loin d’être terminés !
* Lanaud C, Vignes H, Utge J, et al. A revisited history of cacao domestication in pre-Columbian times revealed by archaeogenomic approaches. Sci Rep 2024;14.